Puisqu’il en faut un, ce doit être Messi, mais si !

G érard Lanvin était récemment interviewé par Le Soir dans le cadre de son dernier rôle au cinéma… Le fils à Jo se déroule dans le Tarn, sur ce fond de passion rugbystique propre au sud-ouest. Et Lanvin rappelait n’avoir pas été chercher, en 1995, son César de meilleur acteur : – Je ne comprends pas que ce mot de « meilleur acteur » existe. Car que sont vos partenaires alors ? Si je n’ai pas un petit acteur brillant comme Jérémie Duval dans « Le fils à Jo », je suis mort !

Et j’ai imaginé Lionel Messi qui se serait inspiré de la réflexion pour déclarer, à propos de ce deuxième Ballon d’Or qu’il n’aurait pas eu envie d’aller chercher : – Je ne comprends pas ce mot « meilleur footballeur ». Car que sont alors mes partenaires ? Je suis mort si je n’en ai pas de brillants commeAndres Iniesta et Xavi Hernandez !

Car ce sont évidemment ces deux-là qu’il aurait cités (davantage que de moins jolis joueurs dans le genre Sergio Busquets ou Carlos Puyol) et c’est amusant de le penser : parce que cela transforme des surdoués comme Xavi et Iniesta en porteurs d’eau mettant en évidence le surdoué des surdoués !

Tentons de pousser ce raisonnement de Lanvin, qui n’aime guère plus que moi les distinctions individuelles dans les expressions collectives, qu’il s’agisse de foot ou de ciné : cela implique que Messi serait mort et nul, par exemple chez nous en promotion, vu l’absence de partenaires à la hauteur. C’est évidemment à nuancer : si Messi se retrouve à Givry, il péterait des goals à tire-larigot, et ce n’est même pas sûr qu’il serait plus  » zinglé  » qu’au top vu que, plus tu descends de niveau, plus les  » zingleurs  » sont lents ! Imaginons maintenant que Givry ait préféré transférer Xavi : j’ai perso la conviction que ce club péterait bien moins de buts qu’avec Messi, quelle que soit la valeur de ses attaquants promotionnaires !

Plus le joueur est éblouissant collectivement (et c’est le cas de Xavi), plus il a besoin d’individualités fortiches pour concrétiser son sens du collectif,… sinon il brillera pour des prunes. Au Barça, Xavi a davantage besoin de Messi que Messi de Xavi. C’est mon avis et je m’y conforme !

Lio-la-puce, sans oublier par ailleurs son sens aigu du jeu collectif, est l’individualiste le plus brillant du monde, et c’est d’ailleurs pour cela qu’il arrive à scorer tant et tant. Dès lors, si vraiment business et passion footeuse font qu’on ne peut pas se passer de trophées individuels, quoi de plus normal que l’individualiste le plus brillant de l’année rafle le trophée individuel de l’année : et ceci quand bien même ce fut insuffisant pour que ses équipes (Barça, Argentine) triomphent dans les deux grandes compètes de 2010 ! Logique : des classements collectifs pour hiérarchiser les collectivités, des classements individuels pour hiérarchiser les individualités. Chacun a sa place, et les vaches seront bien gardées.

Blème. Pareil raisonnement peut amener à ce que, durant des années encore puisqu’il n’a que 23 ans, Messi monopolise le trophée. Or, qui dit monopole dit monotonie, chute du suspense : ce qui n’arrange pas le monde des médias footeux, qui a besoin de péripéties pour vivre et vendre ! Est-ce la raison pour laquelle ce Ballon d’Or FIFA nouvelle formule révèle un gouffre entre le vote du collège des journalistes ( Wesley Sneijder premier, le double de points de Messi quatrième !) et ceux des collèges des coaches et capitaines (Messi nettement en tête devant Iniesta et Xavi) ? Peut-être. Cela montre en tout cas qu’entraîneurs et joueurs, plus sensibles à l’aléatoire d’un résultat de match et d’une victoire finale, choisissent davantage la valeur sûre : Messi est celui qu’ils rêvent d’avoir sous leurs ordres ou comme équipier !

J’aurais encore voulu parler de Thomas Vermaelen qui, comme capitaine de nos Diables, a voté pour Cesc Fabregas, ce qui fait sacrément piston ! Et creuser la belle histoire du p’tit Lio pauvre qui ne grandissait pas, auquel le Barça a payé durant je crois trois ans, une piquouze quotidienne d’hormones de croissance à 500 euro. Mais je n’ai plus la place pour ce conte de fées au pays des seringues.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Xavi a davantage besoin de Messi que Messi de Xavi.

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