PSYCHO KILLER

L’attaquant chilien est l’homme en forme du Club Bruges. D’où vient-il et où va-t-il ?

« Il va falloir que tu salues l’arbitre avant et après chaque match.  » –  » Quoi ? Non, jamais !  »  » Il le faut. C’est lui qui représente l’autorité.  »

Ce dialogue entre le psychologue d’Universidad Católica et Nicolás Castillo ne date pas d’hier mais Luis Godoy Ortiz, journaliste de La Nación qui suit le club de Santiago du Chili, pense qu’il cadre bien le personnage.  » Castillo a toujours eu des problèmes de tempérament. Il est un peu caliente. C’est pourquoi Universidad Católica l’avait mis entre les mains d’un psychologue. Vous voulez savoir si cela a porté ses fruits ? (il hésite) Un peu. Je continue à croire qu’il doit changer de caractère, qu’il est perpétuellement frustré. Et que cela pourrait nuire au développement de sa carrière.  »

Rodrigo Astudillo, responsable de la formation à Universidad Católica, n’est pas d’accord.  » Nicolás a du caractère et cela ne changera pas mais c’est aussi grâce à cela qu’il est là. Petit à petit, il a compris le message, il a mûri en tant que joueur et en tant qu’homme. Il finit toujours par s’adapter à une nouvelle situation. Sur ce plan, il est intelligent.  »

Il n’empêche que des anecdotes au sujet de Castillo, Astudillo en a aussi.  » Il avait onze ans lorsqu’il est arrivé chez nous. Jusqu’à l’âge de 15 ans, il a évolué normalement. Chaque année, il luttait avec Felipe Mora pour le titre de meilleur buteur. Mais par la suite, il s’est rebellé et ce ne fut pas évident car il avait mauvais caractère. Il se disputait avec ses équipiers, avec les arbitres. Si on commettait une faute sur lui et que l’arbitre ne sifflait pas, il réagissait et se faisait exclure.  »

Tête brûlée

A la Casa Cruzada, le centre de formation du club où séjournent les jeunes joueurs, il était considéré comme une tête brûlée.  » Il ne tenait aucun compte des règles et arrivait toujours en retard « , dit Astudillo.  » Si un autre joueur étudiait, il mettait la musique à fond. Quand on lui faisait la remarque, il comprenait mais son caractère et sa personnalité l’empêchaient de demander à quelqu’un l’autorisation de faire quelque chose. Je n’ai pas apprécié qu’il se fasse tatouer et je le lui ai dit. Mais il l’a quand même fait. Il savait aussi que dans les équipes d’âge, il n’était pas question d’avoir la même coiffure que celle qu’il a maintenant.  »

La seule chose qu’on ne pouvait pas lui reprocher, c’était de ne pas marquer. Avec lui, il y avait toujours des buts. Et il était très perfectionniste pour son âge. Après l’entraînement, il restait souvent pour tirer des coups francs. En 2011, à l’âge de 18 ans, il était repris dans le noyau A d’Universidad Católica mais après quelques mois à peine, il était appelé au bureau où l’attendaient notamment Mario Lepe -entraîneur de l’équipe première, Andres Romero -entraîneur des U19- et Rodrigo Astudillo.

Leur message était dur mais clair :  » Nico, espérons que tu vas comprendre : nous allons devoir te renvoyer en équipes d’âge. Tu n’es pas prêt pour l’équipe première mais ne te décourage pas, continue à t’entraîner comme tu le fais maintenant.  » Le monde de Castillo s’effondrait.

Quelques mois plus tard, en avril 2012, l’affaire prenait une tout autre tournure.  » Mario Lepe était limogé et remplacé par Romero « , dit Astudillo.  » Nous avons constaté qu’il y avait peu d’attaquants dans le noyau A et nous avons rappelé Castillo.  » Dès le match suivant, il était sur le banc. Le match à peine commencé, Roberto Ovelar, qui venait d’ouvrir le score, se blessait. Castillo entrait et faisait 3-0 dans le temps additionnel.

Echappatoire

 » En fait, l’histoire de Nicolas est un grand classique du football : c’est celle d’un jeune d’un quartier pauvre à qui le football a permis d’échapper à la misère « , dit Juan Carlos Rios, grand fan d’Universidad Católica qui, depuis l’âge de 15 ans, assiste à tous les matches à domicile de son équipe favorite. Remarquable quand on sait que ce vétérinaire de 27 ans habite à Valdivia, à… 800 km au sud de Santiago, où le club a son siège.

On dit que Los Cruzados, le surnom d’Universidad Católica, est un club froid parce qu’il est celui de la bourgeoisie. Le stade San Carlos de Apoquindo est situé à Las Condes, la seule des 36 communes de Santiago où chaque famille a une femme de ménage péruvienne et au moins deux voitures dans l’allée de la villa. Même lorsque l’eau manque, les arroseurs automatiques continuent à fonctionner dans la pelouse. Dans la capitale du Chili, il n’y a pas de classe moyenne. Le fossé entre riches et pauvres est énorme.

La plupart des joueurs et des supporters d’Universidad Católica sont donc issus des quartiers les plus riches mais il existe des exceptions à la règle : l’international chilien Gary Medel, passé de Cardiff City à l’Inter au début du mois, a entamé sa carrière à Universidad Católica alors qu’il est originaire de Conchali, une des cités les plus inhospitalières de la capitale. Non loin de là, Renca connaît également des problèmes de déscolarisation, de commerce de drogue et de bandes.

En 2011, la police chilienne a dénombré 3 morts et 38 viols à Renca. C’est dans ce milieu particulièrement instable qu’a grandi Nicolás Castillo, deuxième enfant de Humberto Castillo et de Tania Mora. Pour lui, le football est une échappatoire comme il l’a été pour son père, ex-attaquant de Lourdes, un club local illustre où Nicolás a également effectué ses premiers pas.

El Zlatan

Cette passion pour le football n’amusait pas autant sa maman.  » Il jouait partout : dans la maison, dans le couloir, dans la rue…  » Lorsqu’il y avait un match à la télévision, impossible de faire décoller Nicolás de l’écran. Surtout lorsque son idole, Zlatan Ibrahimovic, était de la partie. Comme il lui ressemblait un peu, les gens du quartier l’avaient surnommé El Zlatan.

Un surnom qui, lorsque sa réputation allait dépasser les frontières, allait inspirer les journalistes argentins et espagnols puisque ceux-ci le présentèrent comme l’Ibrahimovic chilien. A tort, selon Luis Godoy Ortiz, de La Nación.  » Castillo n’a pas les mêmes qualités qu’Ibrahimovic. Je le comparerais plutôt à l’Italien Christian Vieri. Son point fort, c’est sa puissance.  »

Dès son plus jeune âge, sa famille allait inculquer au petit Nicolás l’amour d’Universidad Católica. Son grand-père, Omar, un fervent supporter, l’emmenait rapidement aux matches. Plus tard, son frère Diego allait l’introduire dans le monde des barras, les clubs de supporters. Diego avait d’ailleurs fondé sa propre barra : Huama 1, du nom du quartier où habitait sa famille : Huamachuco 1.

Astudillo, qui a eu Castillo sous sa coupe pendant des années, pense que le jeune homme est promis à un bel avenir.  » Il est très doué techniquement, surtout en matière de finition. Son point fort, c’est l’instinct du buteur et c’est cela qui lui a valu d’être transféré. Comme il est jeune, il peut encore se bonifier. C’est pourquoi je pense que nous n’avons pas encore vu le meilleur Castillo. S’il reste motivé, il va encore évoluer.  »

Luis Godoy Ortiz est moins élogieux :  » Disons que ce n’est pas le genre d’attaquant que j’apprécie. Il est beaucoup trop faible sur le plan technique, il doit encore beaucoup progresser dans le jeu de tête et il est brouillon tactiquement. Son bon début de saison avec le Club Bruges ne m’étonne cependant pas car il marquera toujours. C’est son métier. Il est d’ailleurs très exigeant avec lui-même. Pour lui, son transfert au Club Bruges n’est qu’un tremplin. »

PAR STEVE VAN HERPE

 » Il marquera toujours et partout car il a l’instinct du but. Mais son caractère pourrait nuire au développement de sa carrière.  » Luis Godoy Ortiz, journaliste à La Nacion au Chili

 » Le comparer dès maintenant à Zamorano ou Salas, ça me semble présomptueux.  » Rodrigo Astudillo, chef de la formation à Universidad Catolica

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