« Prouver que je sais jouer « 

Après Stoke City et West Brom, pourquoi est-il revenu en Belgique ?

En Minimes déjà, Carl Hoefkens était un leader. A 18 ans, il a refusé de rejoindre l’Ajax et le Celta de Vigo. Et a remporté des prix avec le Lierse et le Germinal Beerschot. Devenu international, il a émigré en Angleterre mais le bât blessait.

Pour ressentir à nouveau la pression inhérente à un grand club, il a préféré le Club au Lierse, qui lui avait soumis une excellente offre, et au Germinal Beerschot :  » Ma famille et moi aimions la vie en Angleterre, j’aurais pu aisément trouver un club de D2 ou un club de Premier League menacé de rétrogradation mais je n’avais pas envie d’en être réduit à espérer ne pas prendre plus de deux buts contre Manchester United ou Arsenal. Je sens la soif de victoire du Club, des supporters aux dirigeants et je souhaite aussi me défaire de l’étiquette qui me reste en Belgique : que je ne sais pas jouer, que j’use uniquement de ma force et de mon agressivité. Prouver le contraire est un chouette défi.

Vous aviez déjà discuté avec le Club dans le passé, sans succès. Pourquoi ?

Carl Hoefkens Je n’avais pas réussi mon aventure en Angleterre car je n’avais pas concrétisé mon rêve d’évoluer en Premier League. Je ne voulais pas signer au Club en étant à moitié motivé ou en proie à 20 % de doutes.

Pourquoi le Club et pas le Lierse ou le Germinal Beerschot ?

Quand j’ai discuté avec les deux autres clubs, j’avais encore la tête en Angleterre, j’estimais qu’il était trop tôt pour revenir en Belgique mais le Club est un ténor. J’ai toujours évolué dans des clubs où la victoire n’était pas un vrai must et j’avais envie de ressentir cette pression.

Cette obligation permanente de gagner vous a-t-elle manqué ?

A 18 ans, j’ai eu des opportunités mais j’ai préféré rester alors que j’aurais dû m’en aller. On répète aux jeunes qu’ils doivent d’abord mûrir. Je ne suis pas d’accord. Quand on part, soit on craque soit on est assez fort pour réussir. J’étais prêt. Dans un grand club, j’aurais d’abord fait banquette mais ça fait partie de l’apprentissage.

Vous trouvez donc que Steven Defour et Axel Witsel sont prêts pour l’étranger ?

Oui. Ils doivent simplement oser. J’ai vu beaucoup de joueurs qui, arrivés en Angleterre, n’ont pas eu une minute de jeu les premiers mois, mais ont réussi, comme Valencia à Wigan. Il émarge maintenant à l’élite de Manchester United.

Si vous étiez parti à 18 ans à l’Ajax, qu’auriez-vous appris de plus ?

A gérer la pression, par exemple. Un jeune qui échoue à Arsenal peut effectuer un pas en arrière. J’étais trop gentil. Tout se passait bien, c’était agréable et j’étais satisfait. Il n’a pas été difficile de me convaincre de rester un an de plus.

Qui était alors votre manager ?

Feu Fernand Goyvaerts. Un an plus tard, Trabzonspor s’est présenté. Le Lierse et mon manager voulaient que je signe mais j’estimais trop grande la différence entre ce club et ceux que j’aurais pu rejoindre. Un an auparavant, le Lierse réclamait trois millions d’euros pour mes services. C’était trop.

Vous aviez évoqué des raisons extra sportives :  » Ma femme n’a pas envie de se voiler.  » Puis vous avez été choqué qu’on tente de vous imposer un club. Quel était votre motif réel ?

Les deux. La ville est au milieu de nulle part. Hans Somers y a joué et s’en est bien accommodé. J’ai surtout eu le sentiment qu’on voulait se faire de l’argent sur mon dos et j’ai calé des quatre fers.

Vous avez jeté votre dévolu sur Lommel. Celui-ci était quand même inférieur à Trabzonspor ?

Ce fut un coup de tête. J’ai appris la modestie à Lommel. Les jeunes qui n’ont jamais dû se battre doivent s’estimer heureux. Après la faillite de Lommel, Westerlo m’a offert un contrat de trois mois puis j’ai choisi le Germinal Beerschot, en suivant mon instinct, même si Lokeren m’offrait un contrat nettement supérieur.

Vous avez ensuite préféré la D2 anglaise à une campagne européenne avec le Germinal…

J’ai été agréablement surpris : ces grands stades combles, la passion des gens… On ne siffle jamais l’équipe visiteuse. En Belgique, les supporters sont parfois plus occupés à huer l’adversaire qu’à encourager leur équipe. J’aimerais achever ma carrière en Angleterre pour ce vécu exceptionnel des matches mais avant, je veux lutter pour des trophées ici.

La rétrogradation

Comment vous êtres-vous présenté en Angleterre : Hi, I’m Carl Hoefkens from Belgium ?

Non, personne ne me connaissait pas plus que le Soulier d’Or de Timmy Simons ne disait quelque chose aux Néerlandais, à son arrivée au PSV. Il faut faire ses preuves.

Comment était le football ?

Stoke misait sur le physique, sur le combat. West Bromwich Albion était complètement différent. Là, chacun devait participer au jeu et cela a posé problème en PremierLeague : quand on tente de développer son football contre Manchester United ou Arsenal, on prend des claques. Même à quelques journées de la fin, malgré notre classement, nul ne croyait à la rétrogradation. Le stade était comble lors du dernier match à domicile, contre Liverpool : il nous fallait un point pour conserver une chance mais nous avons perdu. Et le public nous a acclamés !

Pourquoi est-ce différent en Belgique ?

Les Anglais craignent moins la descente. Pendant trois ans, les clubs rétrogradés reçoivent des parachute payments, environ 40 millions d’euros par an, rien qu’en droits TV. Financièrement, jouer en D1 ou en D2 n’est pas très différent.

Deviez-vous vivre pour le football ?

En-dehors, les joueurs font ce qu’ils veulent. Les noyaux sont évidemment très étoffés. On écarte ceux qui ne sont pas en forme. Je n’ai pas eu de problème mais je peux comprendre que des jeunes dérapent, faute de ligne de conduite. La vision du foot est différente aussi. En Angleterre, chacun est convaincu de pouvoir gagner contre n’importe qui. Stoke était sûr de battre Arsenal en Coupe. J’étais le seul à penser qu’il fallait adapter notre jeu.

Votre premier match en Premier League vous a opposé à Arsenal. Un tournant ?

Oui, nous sommes tous passés à côté de notre match. Je me suis alors retrouvé sur le banc et, alors que j’avais été bon pendant un an, j’ai dû patienter trois mois pour recevoir une nouvelle chance. J’ai eu l’impression qu’on avait établi mon bulletin sur base de ce seul match contre Arsenal. Début mars, j’ai dit au manager que je ne resignerais pas. Après sept matches sans défaite, j’avais été renvoyé sur le banc parce que Gianni Zuiverloon, transféré de Heerenveen, avait retrouvé la forme.

Que fait-on en Angleterre quand on ne joue pas ?

Il est difficile de rester en forme. Il n’y a pas de championnat Réserve et comme il y a beaucoup de matches, on ne dispense qu’un entraînement par jour, assez léger. Il faut s’entraîner seul pour entretenir sa condition.

Quels clichés sont-ils erronés ?

Ils sont généralement exacts ! Quand nous jouions à trois heures, nous mangions à onze heures. Des haricots avec des £ufs et du lard !

Supporter du Club

Que s’est-il passé entre mars et la mi-août, moment de votre signature pour le Club ?

J’ai failli rejoindre Ipswich. Je devais m’y entraîner deux semaines mais après deux séances, j’ai eu un sentiment négatif. Malgré son statut de favori de la D2, il a d’ailleurs raté son départ. Reading ne m’inspirait pas non plus et Portsmouth ne pouvait pas réaliser de transfert quand nous avons discuté. Or, depuis Lommel, je me méfie de ce genre de situation. Burnley, promu, a une bonne équipe mais je ne voulais plus jouer en Premier League pour le plaisir. On joue pour beaucoup d’argent en Angleterre, face aux meilleurs joueurs du monde, dans des stades pleins, mais quand on ne lutte pas pour un prix, c’est moins chouette.

Le Club ne vous offre pas un salaire à l’anglaise ?

Je n’ai jamais joué pour l’argent. En janvier, le Spartak Moscou m’a soumis une offre formidable mais je l’ai refusée. A ce moment, je rejouais et nous étions sortis de la zone rouge. Si Moscou s’était présenté trois semaines plus tard, j’aurais accepté.

Vous avez affronté les plus grandes vedettes en Angleterre. Laquelle vous a fait le plus d’impression ?

L’année dernière, contre United, j’ai été confronté à Cristiano Ronaldo à deux reprises. Ce n’était pas si terrible. Par contre, Ryan Giggs m’a beaucoup impressionné. La façon dont il se meut entre les lignes, sans ballon, est phénoménale. S’il n’avait pas préféré le Pays de Galles à l’Angleterre, celle-ci remporterait certainement des prix.

Je ne suis pas vite impressionné par un adversaire ou par l’ambiance. Tout jeune, j’ai affronté Ulf Kirsten en Ligue des Champions et j’ai été un des meilleurs du match. J’ai joué contre Trezeguet, Henry, les meilleurs de ma génération, que j’ai rencontrés en équipes nationales d’âge. Je viens de revoir Henry. Il se souvenait de moi. Quand on est jeune, on privilégie le plaisir. Il n’y a pas encore de vedettes.

Enfant, quel club supportiez-vous ?

Le Club, quand il alignait Papin puis Rosenthal et Farina.

Par Geert Foutré – Photo: Jelle Vermeersch

« Affronter Cristiano Ronaldo n’était pas si terrible. »

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