« Prouver qu’ Anderlecht a eu tort « 

Le Belgo-Ivoirien de 20 ans s’explique sur son départ du Sporting et exprime son bonheur en Ligue 1.

Le passage de la D1 belge à la Ligue 1 requiert une certaine adaptation. Le jeu est différent également : le football français mise sur l’explosivité, la vitesse d’exécution et une grande maîtrise tactique.

Ce style de jeu est taillé sur mesure pour Roland Lamah. Le Belge d’origine ivoirienne a quitté Anderlecht pour Le Mans fin août, las d’attendre en vain sa grande chance. Il avait déjà quitté le Sporting une première fois, lors de la saison 2006-2007, alors que Frankie Vercauteren dirigeait l’équipe. Lamah avait été loué un an à Roda JC, un club d’ Eredivisie. Cet été, Ariel Jacobs et Herman Van Holsbeeck se sont donc empressés de faire revenir l’ailier gauche mais une fois de plus, Lamah n’a pas joué une minute lors des premiers matches de championnat. Quand Le Mans se présenta avec une belle enveloppe, l’affaire fut donc rapidement conclue.

Yves Bertucci, l’entraîneur du Mans, estime que notre compatriote possède une large marge de progression :  » Je suis tout à fait satisfait de ce qu’il a montré jusqu’à présent. Il n’a pas encore été souvent titularisé mais il le sera à terme. Chaque fois qu’il entre au jeu, il représente une plus-value. Roland apporte de la vitesse au flanc gauche, il a l’esprit d’équipe et il possède une bonne vision du jeu. La direction et moi-même avions établi un profil. C’est ainsi que nous l’avons transféré. Il est celui que nous cherchions.  »

Colin Droniou, journaliste à l’agence AFP, est un observateur attentif du football dans la Sarthe :  » Il a marqué deux buts dès ses premières semaines ici. Il a donc conquis les supporters. Lamah marche sur les traces de Gervinho (ex-Beveren), qui a eu besoin d’un long temps d’adaptation la saison passée mais qui est devenu la vedette de l’équipe. Le Mans est une équipe qui permet aux jeunes d’acquérir progressivement le rythme.  »

Un pactole de 3,5 millions

Lamah fêtera ses 21 ans le 31 décembre. Le Mans constitue une issue de choix. Après son passage réussi à Roda JC, Jacobs est parvenu à le convaincre de revenir au Parc Astrid mais le joueur n’était pas vraiment chaud. Il ne croyait pas en un retour gagnant, même si le manager, Van Holsbeeck, avait déclaré que s’il revenait, il n’essaierait pas d’embaucher Nabil Dirar.

Lamah :  » Entre ce que le club dit et ce qu’il fait, il y a une grande différence. D’ailleurs, je connais très bien Dirar : qui dit qu’il voulait venir à Anderlecht ? C’est évidemment facile d’annoncer que vous faites confiance à un seul joueur, dans ces conditions. Avant mon départ en vacances pour Abidjan, j’ai discuté avec Jacobs. J’étais de toute façon toujours sous contrat à Anderlecht et j’étais donc obligé d’y revenir mais je dois avouer qu’en pensées, j’étais déjà ailleurs. La première semaine de préparation s’est bien déroulée ; ensuite, la confiance s’est envolée. Après le stage aux Pays-Bas, j’avais décidé qu’il valait mieux partir. Sous la direction de Vercauteren, je ne jouais pas mal non plus mais j’obtenais rarement une chance alors que je sortais nettement du lot en Espoirs. Vu que le scénario se reproduisait, mieux valait chercher un autre club. J’espérais bénéficier de plus de confiance après ma bonne saison à Roda. On est quand même capable de jouer en championnat de Belgique quand on a le niveau du néerlandais ? Bon, je suis au Mans et très heureux. « 

Initialement, Anderlecht voulait le louer à un club belge. On avait cité Dender et le Germinal Beerschot mais cela ne lui disait pas grand-chose. Il a donc été transféré à titre définitif. Roda, Osasuna et le Borussia Mönchengladbach se sont intéressés à lui de manière concrète mais Le Mans l’a emporté, en versant 3,5 millions d’euros.  » Plus que nous n’avions espéré « , avait fait remarquer Van Holsbeeck au moment de la transaction. Lamah rigole :  » Voilà au moins une réaction honnête de Monsieur Van Holsbeeck. Il a pu réaliser un beau deal. Jacobs m’a ensuite souhaité bonne chance et m’a dit que je pouvais toujours lui téléphoner si j’avais besoin de quelque chose mais je n’ai même pas son numéro. Je crains donc qu’il n’y ait jamais d’appel. Je ne suis pas rancunier. Il m’appartient de prouver qu’Anderlecht a eu tort. « 

Sur les traces d’Abédi Pelé

Ce n’est pas un hasard si Lamah a mis le cap sur le France. La Côte d’Ivoire, son pays natal, est une ancienne colonie française. Quand il était à Anderlecht, le joueur ne cachait pas son envie d’évoluer un jour en Ligue 1. Gamin, ce championnat le faisait rêver.

 » J’admirais beaucoup Abédi Pelé, qui était alors l’étoile du football africain et qui faisait les beaux jours de Marseille. A Abidjan, la Ligue 1 est le seul championnat qu’il est possible de suivre intégralement. Je reçois d’ailleurs beaucoup plus de coups de fil et de mails de mes amis et de ma famille en Côte d’Ivoire depuis qu’ils me voient à l’£uvre à la télévision. Ce championnat me convient : ici, on apprécie l’explosivité et la vitesse. Tactiquement, c’est plus strict qu’aux Pays-Bas et les espaces bien plus fermés. Le championnat néerlandais est très gratifiant pour un attaquant. Les défenseurs montent beaucoup et le jeu est généralement ouvert. Pourtant, je suis devenu un meilleur défenseur aux Pays-Bas. Dans le 4-3-3 pratiqué par Roda JC, je devais souvent suivre l’arrière latéral très loin, quand il montait.  »

Anderlecht et l’entourage de l’équipe nationale Espoirs relèvent un problème de mentalité et de régularité. Lamah possède une accélération fantastique, il est capable de réaliser une action décisive ou un centre banane devant le but mais il est tout aussi possible qu’il reste invisible pendant une demi-heure. Jean-François Remy, assistant de Jean-François de Sart en Espoirs, traduit parfaitement le problème :  » Roland est un joueur fantastique… par quart d’heure.  »

Confronté à cette déclaration, Bertucci rétorque :  » Ah bon ? » Il est surpris.  » J’ignorais que sa mentalité posait problème. Il doit certes gagner en force dans les duels mais sa mentalité est irréprochable. Roland rigole beaucoup, il écoute mes conseils et travaille d’arrache-pied à l’entraînement. Son enthousiasme et sa volonté de s’intégrer me plaisent. « 

Plus jamais à Anderlecht

Le Mans est surtout réputé grâce aux 24 Heures auto, organisées chaque année en juin. Le bruit des moteurs doit contraster avec la ville, dont le centre historique vous catapulte au Moyen-âge. Lamah réside un peu en dehors de ce centre et affirme avoir trouvé ses marques.  » D’abord, je n’y connais strictement rien en sports moteurs et ça vaut pour les 24 Heures. Désolé. Le Mans est paisible, surtout quand on a connu Bruxelles. Je me rends régulièrement à Paris pour effectuer du shopping. J’ai pris l’habitude de vivre seul. Ce n’est pas difficile et c’est inhérent à la vie d’un footballeur professionnel. Je suis souvent avec Gervinho. Notre sang ivoirien nous lie. Savez-vous que nous sommes originaires du même quartier d’Abidjan ? »

Alors que Gervinho fréquentait l’académie de football de Jean-Marc Guillou, Lamah jouait dans la banlieue de la capitale.  » Evidemment, je rêvais d’intégrer une académie. C’est pratiquement une garantie de carrière en football, mais je n’ai pas vraiment consenti les efforts nécessaires. Abidjan recèle une foule de talents « , soupire Lamah.  » Mais je suis quand même parvenu à jouer en Ligue 1, j’ai réalisé un rêve. Cette première saison constitue à mes yeux une année de transition. Gervinho a également peiné durant la première année.  »

Lamah a-t-il définitivement refermé le chapitre Belgique ?  » Non. Il était temps que j’insuffle un nouvel élan à ma carrière. Qui sait, je reviendrai peut-être en championnat de Belgique mais ce ne sera sans doute pas sous le maillot d’Anderlecht. Peut-être au Standard, pourquoi pas ? »

par matthias stockmans

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