PROMESSES NON TENUES

Bruno Govers

Malgré sa richesse offensive, le RSCA s’est planté face à Genk.

Les joutes européennes sont souvent synonymes de points perdus sur la scène nationale, c’est bien connu. Anderlecht l’a vérifié à ses dépens avant et après son déplacement européen à l’AEK Athènes. D’abord en réalisant un partage à Charleroi puis en galvaudant la totalité de l’enjeu, à domicile, face au Racing Genk. Par rapport à la visite au Mambourg, où certains joueurs, comme Mémé Tchité, avaient été préservés, le coach du Sporting, Frankie Vercauteren, avait choisi de reconduire dans les grandes lignes, contre les Limbourgeois, la formation qui lui avait permis de ramener un point précieux de Grèce. Seul Christian Leiva s’était vu priver d’une place de titulaire au profit du revenant Yves Vanderhaeghe, tandis que Mbark Boussoufa avait été laissé sur la touche pour un autre joueur observant strictement le ramadan, Ahmed Hassan.

Dans la division offensive, cependant, l’entraîneur du RSCA avait tenu à persévérer avec un duo qui s’était particulièrement mis en verve au stade olympique : Tchité et Nicolas Frutos. Une association qui avait été utilisée une première fois en cours de rencontre à Westerlo, où tous deux avaient d’ailleurs inscrit les quatre buts des Mauves, mais qui, en raison d’une certaine fragilité musculaire de l’Argentin et des choix du staff technique, n’avait pu être prolongée durablement qu’à deux reprises : contre Lokeren ainsi qu’à l’AEK. Avec succès car à l’occasion de ces matches, l’un des deux hommes de pointe, Frutos en l’occurrence, trouva coup sur coup le chemin des filets : but d’ouverture face aux joueurs de Daknam, sur un service de Boussoufa et rebelote en Grèce.

Face à Genk, rien de tout cela. Le tandem Tchité-Frutos, pourtant très présent à Athènes (v. cadre) était cette fois bel et bien aux abonnés absents. La preuve : pas la moindre action rondement menée entre les deux hommes et pas la moindre offensive digne de ce nom, côté anderlechtois, en première mi-temps d’ailleurs. Le seul danger, tout au long des 45 minutes initiales, aura essentiellement résulté de phases arrêtées : des corners et des coups francs de Bart Goor en direction de la tête du Sud-Américain, dont le heading ne prit toutefois jamais la bonne direction. Tchité, pour sa part, n’était guère plus heureux dans ses entreprises : deux tirs à côté de l’objectif et, entre autres, un contrôle de balle malheureux sur une balle en profondeur de Lucas Biglia.

WM

A 0-2 après un quart d’heure de jeu à peine, Vercauteren opéra une première retouche : Tchité fut transbahuté sur le flanc gauche, tandis qu’Hassan, milieu droit jusque-là, monta d’un cran pour se retrouver à son tour en position d’ailier. Après la pause, suite à l’entrée sur le terrain de Boussoufa, la donne changea pour la deuxième fois : le petit Marocain prenait la place d’Hassan, qui reculait alors au poste de régisseur derrière le trio Boussoufa-Frutos-Tchité. Et ce n’était pas tout : après le remplacement de Vanderhaeghe par Serhat Akin, à la 76e minute, Anderlecht présentait un authentique WM sur le terrain avec Akin, Frutos et Tchité en pointe, soutenus par Boussoufa et Hassan. Derrière eux, on trouvait alors Goor et Biglia à la récupération et un trio défensif constitué d’ Olivier Deschacht, Nicolas Pareja et Anthony Vanden Borre. Sans compter qu’en fin de rencontre, Roland Juhasz fut lui aussi lancé dans la bataille devant, pour négocier un maximum de ballons de la tête. Comme quoi, il ne suffit pas d’avoir six joueurs à vocation offensive pour faire plier l’adversaire. Il faut aussi et surtout des idées et de la fraîcheur. Et celles-là étaient l’apanage du Racing Genk, manifestement.

Indépendamment de l’association Frutos-Tchité, et des autres variantes essayées contre les Limbourgeois, Anderlecht avait déjà eu recours, depuis le début de la saison, à d’autres composantes offensives, à deux ou à trois têtes. C’était le cas, notamment, lors des deux premiers matches de la saison : en déplacement à Saint-Trond et à domicile face au Germinal Beerschot où la ligne d’attaque était invariablement articulée autour du même trio formé d’Hassan, Tchité et Boussoufa.

 » Chaque fois, le Sporting avait éprouvé des difficultés à imposer ses vues « , observe Aimé Anthuenis, témoin privilégié des deux rencontres en sa qualité de directeur technique au Kiel.  » En positionnant trois joueurs à l’avant, il va sans dire que l’on met la pression sur l’arrière-garde adverse, lorsque celle-ci est en possession du ballon. Mais quand le cuir est dans le camp anderlechtois, il convient aussi de pouvoir alimenter judicieusement les avants, ce qui n’est pas évident avec un entrejeu réduit à trois éléments contre quatre, voire cinq dans le même secteur en face. Contre nous, le trio composé de Biglia, Vanderhaeghe et Goor avait eu toutes les difficultés du monde, en première mi-temps, à se tirer d’affaire devant une opposition formée de Pieterjan Monteyne, Gustavo Colman, Daniel Quinteros, Justice Wamfor et Kris De Wree. Ce n’est qu’après la pause, suite au recul du nouveau transfuge égyptien du RSCA dans l’entrejeu, que les Mauve et Blanc étaient parvenus à équilibrer les échanges, pour s’imposer finalement sur un penalty extrêmement douteux, converti par Hassan précisément.

Préalablement déjà, au Staaienveld, les Sportingmen n’en avaient pas mené large non plus puisque les Canaris avaient à un moment donné mené 2-1 avant que, par l’entremise de Tchité, Goor et les siens ne renversent tout à fait la vapeur, en l’emportant en définitive par 2-4. Durant une heure, c’était avant tout les noms de Mark Hendrikx, Sander Debroux, Jeroen Simaeys et Kris Buvens qui avaient été prononcés ce soir-là. C’est pourquoi, un entrejeu à trois tient difficilement la route quand l’opposition compte un, voire deux joueurs de plus dans ce secteur « .

En pointe ou sur l’aile ?

FrankieVercauteren, après y avoir remédié contre les Anversois, allait d’ailleurs continuer sur cette même voie à Westerlo, en incluant Hassan dans la ligne médiane et en bornant sa ligne offensive aux seuls Tchité et Boussoufa. C’est au cours de ce match, au demeurant, que Frutos effectua sa rentrée, en remplacement d’Hassan. Toutefois, au lieu de prendre sa place sur le flanc, c’est le Belgo-Congolais qui coulissa à cette place et l’Argentin occupa logiquement son rôle en pointe, au côté du pocket player marocain.

 » Personnellement, j’estime que ce dernier est aussi performant dans un rôle de soutien d’attaque que dans une position excentrée sur l’un des flancs « , souligne Herman Helleputte, le coach des Campinois.  » Par contre, je suis un peu plus sceptique quant à cette même capacité dans le chef de Tchité, même s’il s’agit de reconnaître que la plupart de ses assists découlent de services en provenance des flancs. Il n’empêche que je le préfère dans l’axe, où il fait valoir un bel opportunisme. La preuve : avant la montée au jeu de Frutos au Kuipje, il avait réalisé un authentique hat-trick. Boussoufa à la place de Tchité, au côté de l’Argentin, ce n’est pas du pareil au même. Le petit Marocain est davantage un attaquant en retrait qu’un élément susceptible d’occuper la position la plus avancée, à l’image de Tchité. En réalité, dans ce rôle-là, je vois davantage Akin constituer une solution de rechange. Le Turc est aussi vif que TomaszRadzinski, que j’ai eu sous mes ordres à Ekeren, mais il ne possède peut-être pas les mêmes qualités de buteur que le Canadien. Il ne faut quand même pas oublier qu’en 2001 il avait terminé meilleur goal-getter de D1 avec 23 buts « .

Bientôt un 4-5-1 ?

Utilisée avec succès à Westerlo (3-4), la paire Tchité-Boussoufa fut reconduite lors du match suivant contre le Club Bruges. Avec une variante dans l’ensemble quand même : au lieu de se produire en 4-4-2, comme en Campine, les Anderlechtois étaient cette fois déployés en 3-5-2, avec Vanden Borre comme ajout à une ligne médiane constituée par les mêmes noms qu’à Westerlo : Hassan, Biglia, Vanderhaeghe et Goor.

 » Cette adjonction était nécessaire pour gagner la bataille du milieu, entendu que les Bleu et Noir y avaient déployé le quintette Koen Daerden-Kevin Roelandts- Jonathan Blondel-Sven Vermant et Gaëtan Englebert « , remarque Daniel Renders, T2 du Sporting.  » Avec le seul Salou Ibrahim devant, une arrière-garde à trois suffisait amplement. A l’attaque, la reconduction du tandem Boussoufa-Tchité était logique, vu que ces deux feux follets étaient susceptibles de poser le plus de problèmes à une défense brugeoise articulée autour de Philippe Clement et Birger Maertens. C’est d’ailleurs grâce à la promptitude du Belgo-Congolais, qui avait jailli au bon moment suite à un centre d’Hassan, qu’Anderlecht avait enlevé les trois points  »

A Mouscron, pour les besoins du troisième déplacement de la saison, après Saint-Trond et Westerlo, le RSCA proposa ensuite une autre variante : un 3-4-1-2 avec Boussoufa en soutien de Tchité et MboMpenza, lancé pour la deuxième fois dans la bataille après avoir bénéficié d’un peu de temps de jeu contre le Germinal Beerschot deux semaines plus tôt.

 » Certains penseront peut-être que Vercauteren a voulu spéculer sur ce retour de l’aîné des Mpenza au Canonnier en le titularisant « , renchérit Anthuenis.  » Je pense qu’il y a une autre raison encore. Dans l’effectif anderlechtois, Tchité, Boussoufa et Akin peuvent présenter tous trois des arguments valables pour opérer au côté de Frutos. Mais lorsqu’il s’agit de trouver un alter ego à l’Argentin, je ne vois que Mpenza en mesure de le faire : il est habile de la tête et sait conserver un ballon en attendant du renfort. C’est d’ailleurs après sa substitution au profit de Leiva que le Sporting a manqué d’un point d’ancrage devant. Un déficit qui lui a coûté cher puisque les Frontaliers sont revenus sur le fil : 1-1 « .

A l’occasion du sixième match, devant Lokeren, l’agencement des pions fut modifié une fois de plus. Tchité et Frutos étaient associés pour la première fois, d’entrée de jeu en pointe, et soutenus par deux milieux offensifs excentrés : Boussoufa à gauche et Hassan sur l’autre flanc. Une disposition qui entraîna le recentrage de Goor au côté de Biglia.

 » Il en va là d’une option extrêmement offensive, avec quatre éléments capables de faire basculer un match à tout moment grâce à leur génie « , dit Rudi Cossey, T2 à Daknam. A domicile, face à des adversaires belges, cette option sera sans doute reconduite à d’autres moments avec succès. Mais l’entreprise est évidemment beaucoup plus risquée en déplacement ou contre une opposition nettement plus huppée. D’ailleurs, à Charleroi, Anderlecht était déjà revenu au 4-4-2, avec Hassan et Goor sur les flancs et le duo Frutos-Boussoufa en pointe. Et, à Athènes, il n’en était pas allé autrement « .

La conclusion

Ce ne sont donc pas moins de 12 animations offensives différentes que le RSCA a utilisées, toutes compétitions confondues, depuis le début de la saison, en l’espace d’une dizaine de matches à peine. C’est énorme, même si Vercauteren a droit à des circonstances atténuantes, entendu qu’au départ de cette campagne, ni Frutos ni Akin n’étaient opérationnels. Or, au vu de son implication tout au long du deuxième tour de l’exercice passé, l’Argentin, pour ne citer que lui, constitue évidemment un rouage essentiel au sein de la ligne d’attaque anderlechtoise.

Il n’empêche, le Sporting donne l’impression d’être le même laboratoire qu’il y a un an. A cette époque, l’entraîneur des Mauve et Blanc ne jurait que par la rotation, qui fit surtout beaucoup de malheureux à défaut d’engendrer des résultats probants. Aujourd’hui, s’il n’y a pas encore le feu au Parc Astrid, il faut bien avouer que jusqu’ici, la plupart des inconditionnels sont restés sur leur faim. Dans l’ensemble, le bilan chiffré n’est peut-être pas mauvais. Mais on pouvait légitimement espérer plus d’une phalange concoctée à coups de millions d’euros.

On attend surtout leur première prestation convaincante en déplacement. Un vaste chantier pour Vercauteren qui se simplifierait sans doute l’existence en optant pour une approche immuable, au lieu de changer à tire-larigot.

BRUNO GOVERS

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