Profiter un max

Le capitaine australien des Limbourgeois n’hésite pas à égratigner la politique de transferts de son club: « Elle aurait pu être mieux ciblée ».

La détente avant l’effort! Nous arrivons à Genk au moment où Sef Vergoossen a accordé quelque répit à ses joueurs. Une dizaine d’entre eux sont requis en équipe nationale et Josip Skoko a du temps à nous consacrer.

Huit heures. Le réveil sonne chez les Skoko. L’Australien d’origine croate habite au centre de la ville, à quelques minutes du stade. Il peut déjeuner tranquillement. Skoko: « Comme nous n’avons pas encore d’enfants, le début de la journée est calme ». A neuf heures moins quart, il s’engouffre dans son auto pour rejoindre le stade. « Nous devons être présents à neuf heures ».

L’entraînement commence à dix heures. On rit beaucoup pendant l’échauffement. L’ambiance est détendue mais un exercice intense est au menu. Chacun s’entraîne intensivement huit minutes exactement mais c’est tuant. Sur moins d’un demi terrain, il faut jouer un contre un pendant 25 secondes, à 16 reprises. Une dizaine de ballons jonchent le sol. Le joueur en possession du ballon est obligé de passer par une des quatre portes délimitées par des cônes avant d’essayer de marquer dans un des deux buts. Son adversaire direct doit tenter de lui prendre le ballon. Celui qui marque conserve le ballon, celui qui perd son duel ou qui rate son coup doit défendre. Deux à trois paires s’activent en même temps, ce qui maintient les gardiens en état d’alerte, puisqu’ils peuvent être mitraillés de tous côtés. Deux pauses permettent de s’hydrater mais les joueurs n’ont guère le temps de récupérer. Les plus malins parviennent à doser leurs efforts, les jeunes, enthousiastes, abattent plus de terrain et perdent vite leur souffle.

Pierre Denier s’occupe du chrono, Jos Daerden encourage ses troupes tout en surveillant attentivement le Marocain Roumani, qui a tendance à tirer les maillots dans ses duels. Sef Vergoossen est plus serein. Quant à Martens, l’entraîneur des gardiens, il multiplie les consignes mais ses poulains sont souvent impuissants.

Skoko : « Les gens vous regardent de travers quand vous racontez que vous ne vous êtes entraîné que huit minutes mais ces répétitions de 25 secondes sont mortelles. Vous devez constamment rester attentif, votre adversaire a le choix entre quatre portes, entre deux buts… C’est un travail de résistance à la vitesse pur, très dur. Au bout des premières fois, vous pouvez encore récupérer mais après un moment, vous souffrez. Nous effectuons ces exercices lorsqu’il n’y a pas de match au calendrier. Peut-être était-ce donc la dernière fois… ».

Les joueurs n’aiment pas vraiment ces séances. Skoko grimace: « C’est… intéressant. Davantage que de sprinter ou de courir. Vous travaillez votre finition sous la pression, vous devez réfléchir, anticiper, essayer d’être plus malin que votre adversaire. Vous n’avez pas le droit de perdre le ballon ou de rater votre envoi, sous peine de souffrir. Je pense que c’est très bon pour la condition physique. L’effort est comparable à ceux fournis en fin de match, lorsque, malgré la fatigue, vous devez conserver votre concentration ».

A midi, au terme d’une longue séance de stretching, le groupe prend sa douche. Une demi-heure plus tard, il déjeune et, à 13 heures, Skoko a le temps de revenir sur le début de la saison.

Est-il raté? Le capitaine: « Nous n’avons joué que trois matches. Je dirais que notre début a été légèrement décevant. Nous avons perdu le premier match à domicile à cause d’erreurs fatales, même si nous n’avons bien joué qu’une demi-heure. Ensuite, nous avons été brillants à l’Antwerp, où nous l’avons emporté, et à Mouscron, où nous aurions dû gagner. Si nous n’avions pas galvaudé notre avantage dans les dernières minutes, au Canonnier, vous auriez devant vous un homme heureux, surtout que nous allons nous produire deux fois à domicile. Tout n’est pas négatif mais nous avons des problèmes en fin de match: nous encaissons trop de buts ».

Le groupe n’a discuté du match à Mouscron que cinq minutes. Skoko : « Nous sommes revenus à Genk très tard et beaucoup de joueurs devaient rejoindre leur équipe nationale. L’entraîneur ne nous a retenus que quelques minutes. Je pense que nous aurons une discussion sérieuse bientôt, avant ces matches à domicile ».

La défense a subi des modifications. Skoko: « Un autre arrière droit, un nouveau défenseur central, ils doivent se connaître. Lors de certains matches, ils ont bien tiré leur plan. D’autres fois, ils ont eu des problèmes, ce qui me semble normal. Ils ne sont pas les seuls responsables, d’ailleurs ».

C’est un problème de concentration, mais aussi de couverture mutuelle. Skoko: « Nous devons vraiment travailler cet aspect. Au bout d’une heure, la peur, la fatigue nous assaillent, nous optons pour de longs ballons ou nous nous précipitons. éa provoque une réaction en chaîne: ces ballons sont plus difficiles à contrôler pour les avants, nous ne pouvons pas les rejoindre et toute l’équipe est placée sous pression ».

Duo médian surchargé

Genk n’a pas résolu un problème qu’il traîne depuis la saison passée: le duo médian se retrouve face à trois adversaires. « En effet. Le seul moyen, c’est de jouer de manière compacte mais avec l’arrivée de Soley, la défense centrale a quelques problèmes d’adaptation. Dès que nous reculons trop, l’entrejeu souffre. Sinon, Soley dispose de suffisamment de qualités pour bien relancer. Notre arrière droit doit également prendre confiance mais il a besoin de temps ».

Genk s’appuie sur des paires. Lorsque deux d’entre elles ne fonctionnent pas, que ce soit dans l’axe ou à droite, la machine s’enraie. « Le flanc gauche en constitue la preuve a contrario. Les joueurs se connaissent. Autre chose: Genk doit apporter plus de variations à son jeu: attaquer de la gauche, de la droite, parfois geler le ballon pour mieux surprendre son adversaire. A la fin de la saison passée, nous étions déjà trop prévisibles ».

Les clubs belges ont appris à connaître Genk. Skoko : « Les étrangers vont également visionner des cassettes de nos matches ». D’éventuels revers européens ne doivent pas avoir de répercussions en championnat. « Nous passerons aussi de matches prestigieux, disputés devant une foule considérable, à des joutes nationales moins animées. éa constitue un autre défi ».

14 heures. Le groupe se rend au hall de karting d’Eisden. Les footballeurs roulent vite. C’est encore pire en groupe. Pour les suivre, nous allons dans le rouge. Première partie de la détente, le karting. Le groupe est divisé en deux. Chacun a un quart d’heure pour découvrir la piste, avant de tenter de boucler le tour le plus rapide. Il est interdit de gêner les autres. Takayuki Suzuki ne fait pas honneur à son nom mais bien à son pays. Il ne coupe pas les virages et offre une ligne idéale à ceux qui le dépassent. Les deux KevinVanbeuren et Vandenbergh – sont les maîtres de la piste. Les pilotes avertis descendent sous les 50 secondes. Les deux Kevin sont en dessous des 49 secondes, Vandenbergh étant le plus rapide. D’ailleurs, le matin, il a déjà prouvé qu’il se sent bien dans son nouveau club. Offensif, il a aussi l’avantage d’être léger. Skoko est numéro six, comme sur le terrain.

« A quoi ça sert? Au teambuilding. Nous nous sommes entraînés deux fois lundi et mardi, durement à deux reprises. Nous remettons ça jeudi et vendredi. Nous aimons ces excursions communes. En plus, c’est une des dernières, avant la Ligue des Champions ».

L’avenir immédiat, c’est un match à domicile contre l’AEK Athènes, la semaine prochaine. « Nous avons suivi le tirage tous ensemble. Beaucoup rêvaient du groupe C, particulièrement attrayant. On ne vit ça qu’une fois dans sa carrière. C’est un rêve. Ce ne sera pas facile, comme nous l’avons expérimenté à Prague: après le repos, le stress nous a pris à la gorge. Mais c’est normal car nous n’avons pas d’expérience ».

Quelles leçons tire Skoko de ce match de qualification? « Nous pouvons marquer en toutes circonstances et dominer des équipes théoriquement plus fortes, surtout à domicile. Ceux qui se déplacent ici doivent savoir qu’ils seront pris à la gorge et qu’ils souffriront. Je sais à quel point il est difficile de jouer quand on se demande qui va pouvoir marquer, dans ses rangs. Nous avons de bons avants. Ils ont simplement besoin de confiance ».

Faibles en déplacement?

Faut-il gagner contre Athènes? Skoko : « Nous voulons gagner mais ce n’est pas une obligation, même si Athènes est le plus faible, sur papier, et que c’est contre lui que nous devrions prendre des points ». Dans les matches de poules, les statistiques plaident en faveur des équipes locales… Skoko: « C’est un avantage. Prague aussi était plus facile à déjouer ici car nous l’avons placé sous pression, qu’il est limité à des longs ballons et que nous avons gagné la plupart des duels ».

Ensuite, il y a la Roma, le Real… Skoko : « Jouer contre les Italiens est toujours difficile. J’ai affronté la Fiorentina avec Hajduk. A domicile, nous n’avons pas réussi à marquer. Nous avons fait un nul blanc avant de nous incliner 2-1 là-bas. Chez eux, ils nous étaient supérieurs mais pas en Croatie. Les Italiens sont calculateurs, défensifs, comme s’ils n’étaient pas obligés de gagner. Nous pouvons peut-être réaliser quelque chose, même si l’AS Rome émarge à l’élite absolue. Le Real, c’est une autre paire de manches. Nous devrons profiter de ce match autant que possible. Perdre sans encaisser trop de buts serait déjà bien ».

Redoute-il les déplacements, qui ont valu de lourdes défaites à Anderlecht? Anthuenis l’a déclaré: sur ses terres, Genk peut créer pas mal de surprises mais ailleurs, il doit s’attendre à des claques.

Skoko: « Ce ne serait pas une honte. Rien ne peut l’être en Ligue des Champions. Nous avons beaucoup travaillé pour l’atteindre, bien avant la saison précédente, et nous en obtenons la récompense. Un tirage difficile est une bénédiction: tout le monde connaît nos adversaires et si nous perdons, même lourdement, personne ne sera vraiment déçu. A condition que nous ne soyons pas ridicules ».

Skoko poursuit: « Notre parcours sera réussi si nous produisons un beau jeu sans nous incliner sur des chiffres lourds. Nous serions déçus de ne pas prendre le moindre point. Mais nous ne pouvons viser plus haut qu’une troisième place. Elle est accessible avec trois, voire quatre unités ».

N’avoir rien à perdre, savourer le moment présent, on connaît la chanson. Ce ne sont pas pour autant des vacances. Skoko: « C’est une récompense et un défi. Une nouvelle chance de situer Genk sur la carte européenne. Je suis fier de conduire cette équipe dans les plus beaux stades d’Europe. C’est aussi fantastique pour nos supporters. Ils ont trois beaux voyages et ils les méritent bien, pour nous avoir soutenus depuis tant d’années ».

Entre parenthèses, pendant l’entraînement matinal, des supporters ont discuté du coût croissant du football à Genk. Le club veut profiter de la Coupe d’Europe pour remplir sa caisse mais il a sursauté face aux exigences financières des joueurs, qui se sont basés sur le modèle bruxellois. Skoko: « C’est nous qui avons qualifié le club. N’avons-nous pas droit à un pourcentage de la manne récoltée? éa fonctionne dans les deux sens ».

Genk ne devrait-il pas s’adapter, tactiquement? Skoko: « Sans remettre tout notre système en question, nous devrons modifier certaines choses, en fonction de l’adversaire. Nous savons que nous ne gagnerons pas certains matches. Il me paraît donc plus sage de regrouper plus de monde autour du ballon. C’est une approche plus défensive mais elle peut nous permettre de monopoliser le ballon, avec tous les avantages inhérents. C’est une piste de réflexion. Actuellement, Bernd Thijs et moi couvrons souvent beaucoup de terrain pour rien, quand le ballon passe directement aux attaquants. Nos médians latéraux sont souvent sur leur ligne et laissent des brèches impossibles à combler. Au niveau international, tout va plus vite, la technique est plus affinée et nos adversaires décèleront vite ce point faible. Nous en discutons entre nous. Je me suis déjà demandé si nous n’obtiendrions pas un meilleur rendement avec un homme en soutien. Nous aurions plus d’énergie à consacrer à des mouvements positifs. Nous pourrions jouer en 4-3-3, par exemple? Mais qui doit remplacer qui?' »

Pas plus forts

Takayuki Suzuki a plus de classe au bowling qu’en kart. Il fait valser les quilles. Le Japonais est un des six transferts estivaux de Genk, des renforts en profondeur, jusqu’à présent. Seul Soley est titulaire. Skoko est-il satisfait de ces transferts? « Nous aurions peut-être plus travailler de manière plus spécifique. Nous avions besoin de renforts à quelques postes mais les joueurs arrivés sont plutôt polyvalents. C’est positif mais peut-être nous aurait-il fallu de meilleurs joueurs à certaines positions. Sans plus ».

Le groupe est élargi mais le 11 de base n’est donc pas plus fort? Skoko: « C’est ce que je veux dire. Les nouveaux sont bons mais nous ne pouvons dire qu’untel est venu pour résoudre tel problème. Soley occupe un poste bien défini mais nous ne savons pas encore s’il est l’homme de la situation. Tomasic n’a pas beaucoup joué, à cause de sa blessure, et peut-être que les autres ne joueront pas du tout cette année. L’équipe s’est peut-être renforcée en prévision de l’avenir mais pas pour la Ligue des Champions. Nous ne sommes pas plus forts que l’an passé et nous avions besoin de plus pour espérer surprendre l’Europe. N’oubliez pas non plus qu’une deuxième année est toujours plus difficile. Nous devons défendre notre titre en Belgique tout en disputant deux fois plus de rencontres durant plusieurs mois. Les attaquants vont marquer plus difficilement que la saison passée, je peux déjà vous le garantir. La pression va croître. Or, jusqu’à présent, il est clair qu’elle nous cause des problèmes. Bientôt, aussi, c’en sera fini de notre équipe type, c’est une autre évidence. Il sera impossible de jouer tous ces matches avec la même équipe de base. Mais ces changements ne vont-ils pas induire des problèmes? »

La journée s’achève sur un petit repas. A table, on rit, on plaisante. L’ambiance est au beau fixe. Ronaldo et cie sont attendus de pied ferme.

Peter T’Kint

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