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Les dirigeants sont ambitieux : ils visent la troisième place !

Il y a quelques semaines, Michel Louwagie, le manager de Ga nd, a téléphoné à Trond Sollied, au cas où les négociations du club avec Georges Leekens n’aboutiraient pas . Le Norvégien discutait poliment avec Dubaï pour un million d’euros net…, un contrat de ce montant l’attendant aussi en Arabie Saoudite. Mais après l’Olympiacos, Sollied avait un autre plan de carrière que l’Arabie. D’autant qu’il digère mal son renvoi de Grèce, le premier d’une carrière qui avait jusque-là suivi une courbe ascendante. Il n’a reçu aucune proposition d’habitués de la Ligue des Champions. Hertha BSC lui a préféré Karsten Heine, reprochant au Norvégien sa mauvaise connaissance de l’allemand. Sollied a aussi discuté avec Lokeren, Wolfsburg, Feyenoord et Bordeaux… qui a choisi un débutant, Laurent Blanc. Sollied a donc discuté avec Gand, même s’il couvait d’autres ambitions. De toute façon, il devait passer à Gand, la ville natale de sa femme, pour y acheter un appartement.

Compte tenu de la rupture abrupte, il y a sept ans, le premier entretien a été agréable et long. Sollied a expliqué qu’il était sur la liste d’attente de plusieurs clubs et n’avait pas l’intention d’effectuer un pas en arrière en revenant à Gand ! Sans exclure une discussion s’il ne trouvait pas d’autre employeur et que Leekens quittait Gand.

Ivan De Witte a senti les doutes de Sollied et son amour pour le club, où il revenait souvent boire un verre. Peu après, Leekens a annoncé son départ. Sollied voulait être assisté par Cedomir Janevski et Chris Van Puyvelde. C’était financièrement lourd pour un club comme Gand. Puis Gençlerbirligi a fait une offre plantureuse au Norvégien, la semaine dernière. Il pouvait aussi emmener un de ses adjoints. Cependant, le Scandinave venait avec ses deux hommes ou pas… Gand a accepté. Sollied a signé pour deux ans, en insistant sur le fait qu’il ne comptait pas partir en cours de saison s’il recevait une offre d’un club de plus grand format. En revanche, ce n’est pas exclu au terme de la saison. En apposant sa signature, Sollied ne savait pas de quel matériel sportif il disposerait.

Des nobodies

Il y a neuf ans, Sollied, âgé de 39 ans et célibataire, avait été présenté à Louwagie et à De Witte. Ses idées et son charisme les avaient séduits. Sollied n’avait débarqué à Gand qu’en décembre et avait terminé huitième.

Gand visait la même place pour la première saison complète du Norvégien, en 1999-2000. Le club avait enrôlé onze joueurs, dont Emile Sterbal, Tamas Szekeres, Eric Joly, Saso Gasjer, Tarik Kharif, Cédric Carrez et Anders Christensen, alors inconnus. Ils allaient vivre leur heure de gloire grâce à Sollied. D’une collection de nobodies qui ne s’étaient jamais vus, qui ne savaient même pas communiquer, le Norvégien avait fait une équipe bien huilée, maîtrisant les sacro-saints principes du football en zone. Il y avait deux Belges : le gardien, Frédéric Herpoel, et l’ailier gauche Gunther Schepens. En attaque, Ole Martin Arst marquait à tours de bras et fut transféré au Standard. Tomas Vasov a émigré en Chine et Ivica Dragutinovic, que Johan Boskamp trouvait insuffisant, est devenu un pilier en D1. Il est le seul à émarger à l’élite européenne : il vient de gagner la Coupe UEFA avec Séville.

Sollied n’a jamais adapté son système de jeu ni ses méthodes :  » Il n’est pas nécessaire d’avoir les meilleurs. Il faut des joueurs complémentaires « . Quelques semaines plus tard, Sollied et ses footballeurs étrillaient 6-1 le Willem II Co Adriaanse, qui disputait la Ligue des Champions. Furieux, le Néerlandais avait infligé un entraînement punitif à ses joueurs, les obligeant même à rejoindre le stade à pied ! Neuf mois plus tard, Gand était troisième et qualifié pour l’UEFA. C’était son deuxième meilleur résultat depuis sa deuxième place en 1954-1955. Seul René Vandereycken avait signé cet exploit en 1991.

Vaincre le Real

Le Norvégien a régalé la presse. Au bout de trois mois, il déclarait :  » Gand pourra bientôt battre le Real. Mais pas tous les jours « . Pourquoi les joueurs n’allaient-ils jamais courir dans les bois ?  » Je n’ai jamais vu d’arbre sur un terrain de football « .

Le club avait établi 30 règles de bonne conduite. Aux yeux de Sollied, les règles sont faites pour être contournées. Il leur préfère des conventions strictes sur le terrain, misant sur l’autodiscipline pour le reste. A Bruges aussi, d’aucuns ont été choqués parce qu’il arrivait juste à l’heure, alors que les joueurs étaient déjà sur le terrain.

Les déclarations cyniques et directes du Norvégien n’ont pas ravi tout le monde en Belgique. Un soir, Robert Waseige, alors coach de Charleroi, faillit tomber à la renverse quand, à la conférence de presse, le Norvégien commanda une bière en déclarant que c’était le meilleur moment de la soirée. Waseige, lui, trouvait que le match avait été bon.

En dehors des joutes européennes, Sollied a rarement joué avec prudence. Il mise toujours sur la victoire, quel que soit son matériel joueurs. Comme il le répète, en football, il s’agit de marquer le plus de buts possible. Il ne se fie pas à son instinct : il expose à chacun sa mission, dans les moindres détails, via des shadowgames, des séances tactiques sur le terrain et non au tableau. Anderlecht débordait de louanges à son égard, le Standard le convoitait, mais c’est le Club qui allait le piquer à Gand.

Les jeunes footballeurs belges, dédaignés, l’appréciaient moins. Kristof Snelders est parti, las de sprinter de l’école à l’entraînement pour jouer les juges de touche. L’international espoir Thomas Chatelle n’a pratiquement plus joué. Au bout de cinq saisons très prévisibles, Bruges a également soupiré d’aise, même s’il l’a ensuite davantage regretté qu’il ne l’avoue.

La semaine dernière, lors de la signature de Sollied, deux rescapés de son premier passage étaient toujours au club, même s’il est peut probable que le contrat de Sandy Martens et de Herpoel soit renouvelé. La tâche de l’entraîneur n’est pas simple. Gand ne se satisfera de rien moins que la troisième place. Le coach risque d’effacer les souvenirs quasi mythiques qu’il a laissés. Les piliers de la saison passée, Alin Stoica et Adekanmi Olufade, étaient très attachés à Leekens.

De Witte a réalisé un coup d’éclat médiatique. Le public et la direction sont enchantés, les abonnements vont se vendre comme des petits pains. Sollied sait pertinemment que sa tâche sera plus ardue qu’il y a sept ans. S’il réussit, pour reprendre son expression, les deux parties y gagneront : Gand aura enfin rejoint l’élite belge et Sollied recevra sans doute des offres lucratives… C’est sa motivation actuelle.

par geert foutré

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