Professeur Tournesol

Le double champion du monde est distrait mais génial.

Pour le reste, rien n’a échappé aux Italiens. Mapei a remporté deux classiques, grâce à Andrea Tafi et Paolo Bettini. Et l’équipe d’Eric Vanderaerden a un autre atout dans sa manche: Oscar Freire Gomez, qui intéresse d’ailleurs d’autres formations. Les Espagnols de Banesto sont disposés à bâtir leur prochaine équipe autour du double champion du monde.

Freire (26 ans) ne participera pas au Giro. Cinquième de l’Amstel Gold Race, il a d’autres objectifs.

Oscar Freire: Je suis dixième de la Coupe du Monde. Je peux encore espérer la gagner.

Comment êtes-vous devenu cycliste?

Mon oncle m’a offert un vélo quand j’avais neuf ans. Je me suis affilié dans un club. C’était un hobby mais j’ai multiplié les victoires, d’emblée.

Vous avez déclaré à un journal espagnol: « Je dois mon sprint à tous les escaliers grimpés à longueur de journée ».

Nous habitions au quatrième étage d’un immeuble sans ascenseur. Monter les escaliers plusieurs fois par jour vous maintient en forme. Mais ce n’est évidemment pas ma seule recette. Maintenant, j’habite au troisième mais j’ai un ascenseur. D’ailleurs, mon sprint s’émousse (il rit).

« Je m’entraîne peu mais bien »

Votre frère Antonio est aussi votre manager. Il vous décrit comme une bête d’entraînement.

Je me livre à fond, je vais dans le rouge mais je ne me considère pas comme une bête d’entraînement. Je n’y consacre pas énormément de temps. Je privilégie l’intensité. En plus, je suis toujours seul. Les rares coureurs de ma région s’entraînent différemment.

Personne ne vous connaissait, en 1999, quand vous avez remporté votre premier sacre mondial. Etait-ce une surprise pour vous aussi?

Je n’étais pas inconnu en Espagne. J’avais collectionné des places d’honneur, dont une troisième dans une étape de la Vuelta, et j’avais gagné une étape du Tour de Castille. J’ai été surpris de me retrouver dans le peloton de tête mais en même temps, j’ai compris que j’avais une chance, grâce à ma vitesse.

L’année dernière, Lanfranchi, un de vos équipiers chez Mapei, s’est lancé à la poursuite de Simoni, son compatriote, qui venait de s’échapper. Courir pour son pays n’est-il pas démodé?

Lanfranchi jure qu’il ignorait que Simoni était en tête. Moi, je courais pour mon pays, pas pour Mapei. Tous mes compatriotes, issus d’équipes différentes, ont livré un travail fantastique au service de l’Espagne. Evidemment, je comprends que nos employeurs n’apprécient pas de nous voir arborer d’autres publicités à l’occasion d’un des rendez-vous les plus importants.

Mapei possède deux sprinters: Tom Steels et vous. Ce n’est pas trop?

Nous nous mettons au service de celui qui est dans la meilleure forme. Sans problème.

Milan-Sanremo est taillé à votre mesure. N’êtes-vous pas déçu que votre équipe ne se soit pas mise à votre service?

Elle a commis une erreur tactique puisque Bettini s’est échappé dans le Poggio. On ne peut pas empêcher un coureur de filer mais normalement, Milan-Sanremo s’achève au sprint. J’aurais dû taper du poing sur la table. Toutefois, c’est la direction qui décide de la tactique.

« Bébé, j’ai failli être amputé »

Patrick Lefevere vous estime capable de gagner n’importe quelle classique.

Mais je n’en ai pas encore remporté une seule! Ça doit changer dès cet automne.

Vous êtes le premier spécialiste espagnol de classiques. Vous déclarez: « Je veux introduire une nouvelle culture cycliste en Espagne ». Réussissez-vous?

L’Espagne commence à s’intéresser aux classiques. Samuel Sanchez a attaqué dans le Poggio et d’autres pourront bientôt prétendre à la victoire, comme David Etxebarria ou Juan Antonio Flecha.

Parlons de blessures: vous avez toujours été fragile?

Pas du tout. Ma première blessure date de ma deuxième saison professionnelle, mais depuis lors, ça n’arrête pas. J’ai d’abord souffert du dos. Une fois guéri, après une semaine d’entraînement, j’ai eu mal au genou et j’ai dû être opéré.

Votre mal de dos persiste. En Espagne, on parle du syndrome Freire.

J’ai dû consulter plus de 20 spécialistes. On ne trouve pas la cause du problème. Depuis quelque temps, je ne sens plus rien mais je m’adonne au stretching avant et après chaque entraînement. Je surveille aussi ma position sur le vélo et au lit, je place un coussin entre mes jambes pour empêcher mon dos de tourner.

On critique votre fragilité. Ça vous touche?

Non. Avant, je n’avais jamais rien. Revenir chaque fois coûte beaucoup d’efforts. Sans doute en ai-je payé la rançon.

Bébé, vous avez été opéré du pied à trois reprises et il a même été question d’amputation?

Ç’est ce qu’on dit. A la troisième intervention, c’était tout ou rien. J’aurais été encore un peu plus petit si on m’avait amputé (il rit). Mais l’opération a réussi et je n’ai plus jamais rien senti.

« Je suis plus tête en l’air que les autres »

Vous avez été confronté à la malchance, aussi. La veille de Milan-Sanremo 2000, un ordinateur vous est tombé sur la tête dans l’avion. Cette même saison, vous avez été renversé par un véhicule de Festina au Tour d’Aragon.

Et deux semaines après Milan-Sanremo, ma tête a heurté le lit (il rit). Ce furent trois coups rudes, dans tous les sens du terme, mais ils n’ont pas été trop graves. J’ai quand même gagné l’étape du Tour d’Aragon durant laquelle j’avais été renversé.

Vous êtes le Professeur Tournesol du peloton, non?

Je suis un peu distrait, en effet!

Comme la veille du dernier Mondial, quand vous vous êtes perdu pendant l’entraînement…

Disons que je me suis entraîné une heure de plus! J’ai perdu la trace des autres et j’ignorais le nom de l’hôtel, mais je suis quand même rentré sain et sauf.

Vous vous êtes présenté au prologue du Circuito Monatañés alors qu’il était terminé…

C’était d’autant plus dommage qu’il se courait dans ma région. Ça arrive… A moi plus souvent qu’aux autres.

Quels sont vos objectifs, cette saison?

La Coupe du Monde. J’espère en gagner une manche et terminer le plus haut possible au classement. Je souhaite honorer mon titre mondial. Je vais courir mon premier Tour de France et j’enchaînerai avec la Vuelta pour préparer le Mondial.

Roel Van den Broeck,

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire