Prison break

Pas une semaine ne se déroule sans qu’un footballeur ne soit à la une des tabloïds pour un délit grave : c’est la face cachée du foot anglais.

La Premier League roule sur l’or, ce n’est un secret pour personne mais cela aussi se reflète dans les divisions inférieures. Avec les conséquences parfois désastreuses que cela peut avoir. Les joueurs reçoivent des salaires que l’on qualifie, sans tomber dans l’insulte, d’indécents et perdent, parfois, de ce fait le sens de la réalité.

Direction la League One, l’équivalent de notre D3, dans les faubourgs crasseux du nord de Manchester. Oldham n’arrive pas à cacher sa misère. Les petites maisons d’ouvriers côtoient les grands immeubles où s’entassent ceux qui n’ont pas su profiter de la révolution que devait apporter le Blairisme. Le club de football est un symbole de ce délabrement. Il se souvient encore d’un temps pas si lointain où il avait fait partie des fondateurs de la Premiership en 1992. Mais depuis, les Latics n’en finissent plus de ramer. Boundary Park, le stade, voit défiler les fantômes qui semblent tout droit sortis de l’hôpital voisin.

Même dans les coins les plus inhospitaliers de l’Angleterre, les destins les plus sombres peuvent parfois tourner en conte de fées. Le club semble sorti de sa longue descente aux enfers suite à l’arrivée des trois repreneurs américains, Simon Blitz, Simon Corney et Danny Gazal. Le stade va être refait et on assiste même à des résurrections de joueurs. C’est le cas de Lee Hugues qui a planté son premier doublé il y a quinze jours, suivi d’un triplé quelques jours plus tard à Millwall. Vous allez me dire quoi de plus normal pour un attaquant de 31 ans qui compte pas moins de 200 apparitions dans les divisions inférieures ?

Le hic, c’est qu’Oldham avait décidé de miser sur un attaquant qui n’avait plus touché un ballon depuis trois saisons. Ces trois ans, Hugues les a passés à la prison de Featherstone, près de Wolverhampton, après avoir été condamné par la Cour de Coventry, en août 2004 pour avoir causé la mort de Douglas Graham fauché dans un accident de voiture.

A l’époque, Hugues était un footballeur reconnu. Il évoluait à West Bromwich Albion (qui évoluait alors en Championship, l’équivalent de notre D2) et avait même connu son heure de gloire en plantant 32 goals lors de la saison 1998-1999 -ce qui lui avait permis de recevoir un contrat de 24.000 euros de salaire hebdomadaire.

En sortant de prison, en août, Hugues, qui s’était entretenu avec l’équipe du pénitencier mais n’avait plus connu d’entraînements professionnels, n’a jamais douté. Il voulait retrouver les terrains. Oldham a exaucé son v£u. Trois mois plus tard, le bilan est satisfaisant.  » Il joue bien, cause beaucoup de problèmes à la défense adverse et ses deux buts vont le mettre en confiance « , confie le manager du club John Sheridan, l’ancien international irlandais. Le défi physique a donc été relevé.  » Ce n’était pas gagné d’avance. Trois ans sans compétition, sans entraînements, coupé des réalités d’un club de foot pro « , expose Fred Austin, journaliste au Manchester Evening News.  » Les premiers mois furent d’ailleurs éprouvants. Mais un buteur ne perd jamais son instinct « .

Restait à voir la réaction des supporters. Le directeur général, Barry Owen, avait d’ailleurs lancé un appel à la clémence. John Evans vient à Boundary Park depuis quarante ans. Il fera le déplacement à Everton, le 5 janvier, pour le troisième tour de la Cup. Quand on lui parle d’Hugues, il montre son pouce vers le haut et ajoute :  » Il s’est amélioré et on le sent de plus en plus affûté. Jamais, nous ne l’avons jugé. Pourquoi n’aurait-il plus sa place sur un terrain ? Il a fait une faute et il a purgé sa peine. Le chapitre est clos « .

Avec un bracelet électronique

Autre club, autre cas. Cette fois-ci, la route nous mène à Stoke-on-Trent. Difficile d’y croire mais cette ville renferme deux clubs ! Un en League One, Port Vale, soutenu financièrement par le chanteur Robbie Williams, natif de la cité, et un en Championship, Stoke City.

Stoke City, l’ancien club de Carl Hoefkens, n’a jamais beaucoup défrayé la chronique. Parfois, les supporters se font remarquer comme lorsqu’ils décident de reprendre comme hymne le tube du chanteur gallois, Tom Jones, Delilah, prototype de la chanson romantique. Juste pour chambrer leurs ennemis jurés, les Gallois de Cardiff City (il y a des rivalités qui ne s’expliquent pas). Les Potters – car Stoke-on-Trent est réputé pour ses poteries- ont certes vu grandir Sir Stanley Matthews, premier Ballon d’or en 1956, mais depuis lors, le club se bat pour exister médiatiquement.

Aujourd’hui, c’est chose faite. Les médias anglais ont débrayé, vite suivis par les confrères français. Fin octobre, L’Equipe Magazine débarquait pour écrire un papier sur L’enferré. Au centre de cette attention, une autre histoire de conduite dangereuse. En janvier 2006, l’attaquant français Vincent Péricard, 25 ans, ancien grand espoir de son pays lorsqu’il avait été transféré de Saint-Etienne à la Juventus de Turin, à 17 ans, est flashé à 162 km/h sur une route limitée à 112. Le joueur ne répondra jamais aux convocations et le 24 août dernier, un tribunal de Plymouth le condamnait à quatre mois de prison ferme pour entrave à la bonne marche de la justice. Le 29 septembre, Péricard est libéré sous condition. Celle de porter un bracelet électronique, de ne jamais s’en séparer et de ne pas quitter son domicile entre 19 heures et 7 heures du matin. Depuis lors, Péricard joue toutes ses rencontres avec le bracelet en question sous sa chaussette.

Pourtant, il est des publicités dont on voudrait bien se passer. Le club est fatigué des demandes d’interviews de Péricard.  » Sorry but the player is too busy  » (Désolé mais le joueur est trop occupé). Telle est la réponse que n’importe quel média reçoit désormais. Pas d’exception que l’on vienne de Belgique ou que l’on suive Stoke City quotidiennement.  » On peut comprendre le club. Il protège un élément que l’on sait faible psychologiquement. Par moments, on se demande si Péricard n’en a pas marre de tout cela et on se dit qu’il ne va pas tarder à remiser ses crampons « , avance Simon Lowe, journaliste à The Sentinel.

Marre à tel point que le 11 octobre dernier, Péricard a dû retourner au centre pénitentiaire parce qu’il avait retiré son bracelet lors d’un entraînement. De tels exemples, le football anglais en regorge. Des joueurs coupables de petites violations de la loi ou de bagarres à la sortie des boîtes, aux petites heures de la nuit. Pas une semaine ne se déroule sans qu’un footballeur ne soit à la une des tabloïds pour un délit quelconque. Dernièrement, c’est l’ancien joueur de l’Antwerp, Ronnie Wallwork (aujourd’hui à Huddersfield Town) qui faisait parler de lui. Il s’était battu au couteau avec l’ancien petit copain de sa petite amie (il n’était pas coupable mais victime). Tiens, n’avait-il pas déjà eu des problèmes du même ordre lors de son passage dans la métropole anversoise ?

par stéphane vande velde – photo: reporters

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