« Preud’homme ne croyait pas en moi »

Le foot est bizarre : c’est depuis que le meilleur coach belge actuel ne s’occupe plus de lui que le Sénégalais explose !

A Gand, les fans sont convaincus que quand Elimane Coulibaly ne trouve pas le chemin des filets, les Buffalos ne marquent pas. A Rotterdam, au match aller d’Europa League remporté par le Feyenoord 1-0, le Sénégalais avait loupé une occasion énorme à 0-0. Jeudi dernier, c’est lui qui a mis le 2-0 de la victoire ! Bonjour la pression ?

Elimane Coulibaly : Plus on est connu, moins on est apprécié. Je ressens cela ici aussi : dès que je suis moins bien, on me le fait sentir. Les gens en veulent de plus en plus, ils n’acceptent plus vos limites, ils ne voient que leur intérêt. C’est également comme cela sur le plan matériel. Ma famille sait que, la saison dernière, j’ai évolué et j’ai plus de succès que par le passé mais mon contrat, lui, est toujours le même que l’année précédente.

La saison dernière, vous avez été vice-champion et vous avez gagné la Coupe avec La Gantoise. Que pouvez-vous faire de mieux ?

Avec La Gantoise ? Etre champion !

Est-ce réaliste ?

Avec les qualités qu’il y a dans le groupe, c’est possible.

Même terminer devant Anderlecht ?

A la différence de la plupart de mes équipiers, je ne m’occupe pas des autres équipes. Si nous jouons bien, nous pouvons battre tout le monde. Il est encore tôt pour l’affirmer mais, selon moi, Anderlecht va connaître une saison plus difficile. L’équipe me semble moins compacte. La Gantoise évolue bien donc, pourquoi ne pourrions-nous pas lutter pour le titre ? Le club se donne peut-être cinq ans pour y arriver mais, en ce qui me concerne, cela peut être plus rapide.

Travailler à onze

Le début de saison fut pourtant agité. On dit que, face au Dinamo Kiev, vous avez refusé de monter au jeu. Que s’est-il dès lors passé exactement ?

J’étais déçu de ne pas avoir entamé la partie. Il faut savoir que, la saison dernière, je n’ai pas disputé une seule seconde des matches de Coupe d’Europe ! La rencontre à Kiev devait donc être celle de mes grands débuts sur la scène européenne. Mais reparler de ce qui s’est dit et de ce qui s’est passé, c’est du temps perdu. Tout a été réglé en interne, la page est tournée.

Pourquoi le groupe est-il parfois aussi nerveux ?

On parle d’un club d’avenir, hein ! Combien y a-t-il de personnalités dans l’équipe ? Pas une, pas quatre mais plus de cinq. Il n’y a pas un seul leader, nous sommes un groupe et ce qui scinde ce groupe, c’est tout ce qui paraît dans la presse au sujet de ce qui se serait passé en interne. C’est cela qui nous affaiblit. Nous devons résoudre nos problèmes entre nous, pas par l’intermédiaire de la presse. Sans quoi on s’occupe de choses qui ne nous sont d’aucune utilité pour gagner un match.

Le chaos est-il survenu à cause du changement d’entraîneur ?

Cet entraîneur nous apporte un plus. Francky Dury est un très bon coach, il est arrivé à un moment difficile et j’espère qu’on lui laissera le temps de faire son travail. Il essaie de nous faire produire un meilleur football : il soigne notre placement, nos combinaisons, la circulation du ballon… Sur le plan tactique, c’est une plus-value. Si nous parvenons à combiner cela avec notre enthousiasme, ce sera un plus pour l’équipe mais il faut que chacun accepte, essaie de comprendre et s’en convainque.

Certains joueurs préféraient le style de Michel Preud’homme ?

Peut-être.

Et vous ?

Non. Je suis convaincu que je vais progresser avec cet entraîneur. La saison dernière, je devais aller en profondeur ou attendre le ballon pour conclure. Maintenant, je participe beaucoup plus au jeu. Comme il y a deux ans à Courtrai ?

Oui, comme avec Hein Vanhaezebrouck. J’étais plus impliqué dans le jeu et c’était mon point fort. La saison dernière, on jouait plus sur la vitesse et les infiltrations, ce n’était pas trop mon truc. Mais entre-temps, je me suis habitué à un autre système et à une autre façon de jouer que celle-ci. J’essaie de combiner les deux. La plus grosse difficulté, c’est que l’équipe n’était pas à niveau.

A cause de quoi ?

Après le succès de la saison dernière, nous avons cru que c’était arrivé alors que ce n’est jamais arrivé. C’est le problème depuis le début de saison. Beaucoup de joueurs pensent qu’ils sont bons et que nous allons donc gagner. C’est pourquoi nous étions plus faibles et que nous formions un bloc moins solide. Peut-être ai-je réagi comme cela aussi. C’était peut-être dû également aux transferts, aux petites blessures ou tout simplement à une méforme. Je n’en sais rien mais nous serons vite fixés : une fois la période des transferts terminée, on verra si nos succès de la saison dernière étaient dus au hasard ou pas.

Vous doutez ?

Non, mais nous devons mettre les points sur les i. La technique et la tactique, c’est très bien mais si on ne travaille pas dur à onze, ça n’a pas de sens. Nous possédons cette force et nous devons nous en servir.

Que signifiaient, pour vous, les matches contre Feyenoord ?

Pour un joueur comme moi, c’était un défi. Lorsque Feyenoord a remporté la Coupe UEFA, en 2002, j’évoluais en Provinciales et je travaillais à côté. Huit ans plus tard, je jouais contre eux et je voulais les bouffer. Je suis content d’avoir remporté la Coupe de Belgique mais ceux qui me connaissaient savent que j’ai beaucoup plus d’ambition. J’ai 30 ans mais, à l’intérieur, je suis encore très jeune.

Vous rêvez encore de la Bundesliga ?

Mon rêve, c’est d’affronter, un jour, le Bayern Munich. Malheureusement, le Dinamo Kiev nous a sortis de la Champions League. Enfin, si nous sommes champions cette saison, nous participerons peut-être aux poules la saison prochaine. Pourquoi ne pas y croire ? Lorsque je suis arrivé ici l’an dernier, la plupart des joueurs ont rigolé de moi. Ce n’est qu’après avoir signé mon contrat que j’ai appris qu’on m’avait pris comme doublure. Il faut être fort et costaud pour percer dans ce club mais je l’ai fait.

Quelqu’un de spécial ?

Passez-vous pour quelqu’un de spécial ?

Nous sommes tous spéciaux, non ? Certains joueurs me jugent car cela leur permet d’éviter de se regarder dans la glace mais je pense que la majorité commence à comprendre qu’il ne sert à rien de se focaliser sur les différences. Seuls le respect mutuel et l’esprit d’équipe paient.

Vous sentez-vous plus important qu’avant ?

Non.

Preud’homme n’était pas votre ami.

Il ne croyait pas en moi. Ni au début, ni à la fin. Jamais. Mais je n’ai pas lâché le morceau. A Malines, lorsqu’il n’a pas eu d’autre choix que de m’aligner, parce qu’il y avait des blessés, j’ai commencé à marquer et il n’a plus pu m’enlever de l’équipe.

Dury, en revanche, voulait vous attirer à Zulte Waregem la saison dernière.

Oui et cela me fait plaisir même si c’est délicat car il vient ici avec la même vision des choses et trouve un joueur qui, entre-temps, joue différemment parce que son prédécesseur lui a demandé de le faire. Je dois donc retrouver le style de jeu qui était le mien il y a un an. J’aime cela bien qu’il faille du temps pour changer les habitudes et les automatismes. Il s’agit parfois de détails qu’un observateur ne voit pas mais que l’on sent.

Vous avez une chance de montrer qu’Elimane-le-Terrible peut aussi jouer au football.

Mon image ne colle pas à la réalité. En fait, une partie de la presse se plaît à l’entretenir. Par le choix des photos, notamment : on préfère une image d’un Coulibaly agressif à celle d’un Coulibaly gentil. Si je suis un gagneur et je joue dur, je ne suis pas un sale type et je préfère recevoir le ballon dans les pieds.

Vous semblez plus calme.

Oui. Allez, un peu. (Il rit.)

Grâce à quoi ?

Peut-être grâce au yoga. Cela me détend. Je me sens plus relax.

Qui vous a fait découvrir cela ?

Ma femme. (Il rit.)

Vous étiez insupportable à la maison ?

Au début de la saison, j’étais trop négatif. Des choses dont je ne veux pas parler dans les médias me rendaient nerveux. Je me concentrais moins sur le football, j’avais la tête ailleurs et cela se voyait sur le terrain : j’avais l’air lourd. Quand ma femme m’a parlé du yoga, j’ai d’abord rigolé. Puis, j’ai essayé et j’ai fini par prendre un abonnement. Maintenant, j’en fais une fois par semaine, pendant une heure et demie, et ça marche : les étirements m’aident à me concentrer sur mes mouvements, ils me détendent et favorisent ma souplesse. C’est bon pour mon équilibre.

Etes-vous fier de ce que vous avez réalisé les années précédentes ?

Je sais que je n’ai pas à me plaindre car j’ai déjà atteint plus de choses dans la vie que ce que je pensais. Un homme essaie toujours de faire mieux et de gagner plus mais il est trop facile de ne penser qu’à soi. C’est ainsi qu’il y a peu, j’ai demandé à pouvoir lancer, dans mon quartier de Dakar, un centre de formation où les enfants pourraient venir jouer chaque jour au football tout en étant obligés d’aller à l’école. Je veux aussi m’engager dans un projet visant à doter les villages d’eau potable. Moi, j’ai besoin de boire deux à trois litres d’eau par jour ; il m’est très difficile de rester plus de deux heures sans m’hydrater. C’est d’ailleurs pour ça que je ne suis pas le ramadan pour la première fois. En guise de compensation, je vais verser la somme que je dépense en alimentation pendant le ramadan aux pauvres. Je vais acheter des sacs de riz pour quelques familles à Dakar.

Dury nous apporte un plus : c’est un très bon coach, il est arrivé à un moment difficile.

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