Prêt à cogner

Le Bayer a assuré le spectacle en Allemagne mais a raté le titre.

Entre-temps, le Bayer Leverkusen s’est qualifié pour la finale de la Coupe d’Allemagne contre Schalke 04 et celle de la Ligue des Champions.

Leverkusen a éliminé Manchester United en demi-finales de la Ligue des Champions. C’est un fameux exploit.

Klaus Toppmöller: J’ai dit aux garçons que 500 millions de téléspectateurs les regardaient et qu’ils devaient faire en sorte de rester dans la mémoire de ces gens.

Voulez-vous dire que la qualité du spectacle primait le résultat?

Cette équipe ne sait pratiquer qu’un football frais et offensif. C’est pour ça que nous avons provoqué un tel émoi à Manchester. Des politiciens nous ont envoyé des fax de congratulations. Tout le monde a loué notre style de jeu. Cette équipe veut constamment jouer vers l’avant. Il est impossible de freiner son élan.

Même pour un entraîneur qui se proclame maître tacticien?

C’est pour ça que je m’énerve lors de certains matches, comme récemment contre Brême. Le frère d’Alex Ferguson était dans la tribune. Il a sûrement pensé : -Quel minable sur le plan tactique! Un entraîneur a beau dire ce qu’il veut: encore faut-il que sur le terrain, les joueurs constatent qu’il a raison.

Comme contre Schalke où vous avez partagé (3-3) après avoir été menés 2-0 et 3-2?

Une défaite peut avoir de lourdes conséquences: elle renforce le préjugé qui poursuit Leverkusen depuis des lustres, comme quoi le l’équipe n’a pas de caractère, pas de rage de vaincre.

Les Sud-Américains favorisés

Du coup, on n’a plus parlé de clans, un phénomène dont était victime le Bayer Leverkusen.

Je l’avais entendu dire avant mon arrivée: il y avait un clan brésilien, un croate et un allemand. Je n’y ai pas prêté attention. J’ai discuté avec les joueurs. Je grimpe aux murs quand j’entends dire qu’il n’est pas nécessaire de motiver des footballeurs professionnels. Foutaises! Les footballeurs ne sont que des êtres humains, et comme tout le monde, ils ont parfois des problèmes. Alors je les écoute. Un exemple: nos Sud-Américains n’ont pas l’habitude de s’entraîner le jour des matches. Si nous jouons le soir, Lucio va faire la grasse matinée jusqu’à 11 heures. J’ai expliqué à Lucio que les médecins sportifs ont constaté, de manière scientifique, qu’un entraînement matinal a une influence positive car il épuise la réserve d’hydrate de carbone, de sorte qu’on peut la reconstituer. Lucio a éclaté de rire. J’ai donc décidé que les séances matinales étaient facultatives le jour des matches.

Ce qui a dû susciter de la jalousie car vous avez favorisé les Sud-américains.

Les joueurs sont évidemment attentifs à ce genre de choses mais moi, je dois placer chaque élément en état de livrer les meilleures performances. C’est aussi valable pour le facteur concentration. Evidemment, j’ai parfois envie de cogner le joueur qui, sur un coup franc, reste immobile et permet à l’adversaire de marquer.

Michael Ballack, qui va rejoindre le Bayern, est devenu un véritable meneur de jeu cette saison. Comment l’avez-vous aidé?

En été, alors que les spéculations quant à son départ possible battaient leur plein, j’ai assisté à une réunion de supporters. Je leur ai expliqué que Michael avait la possibilité de progresser ailleurs, y compris sur le plan financier. Et que n’importe quel employé agirait de la même façon, dans son cas. La salle s’est tue.

Ballack s’en va, d’autres vedettes, comme Lucio et Zé Roberto, sont courtisées par de grands clubs. Votre employeur ne vous déçoit-il pas en ne tentant pas coûte que coûte de conserver le noyau?

Je ne suis pas déçu mais un peu surpris. J’aimerais former une équipe de format mondial. Mais voilà, le club a une philosophie: il ne dépasse pas certaines limites financières. Nous avons discuté avec Torsten Frings, l’international du Werder Brême, et je pensais l’affaire conclue, puis Dortmund s’est amené. Frings doit maintenant rigoler, qaund il songe à l’offre que lui a faite Leverkusen.

« Le Real est unique »

Le Borussia débourserait quatre millions d’euros pour Frings. Leverkusen, soutenu par le groupe Bayer, devrait quand même pouvoir acheter les joueurs qu’il désire?

Nous ne pouvons concurrencer Dortmund et le Bayern. Il nous est impossible de transférer des vedettes issues de ces deux clubs. L’inverse est réalisable. Bon, je le sais. Quand j’entraînais le VfL Bochum, j’ai sacrifié toutes mes vacances pour négocier avec des joueurs mais, à la fin, aucun des éléments que je convoitais n’avait encore signé pour Bochum. Simplement parce que le club n’avait pas les fonds nécessaires. Ça fait mal.

Ça ne vous arriverait jamais dans un club comme le Bayern.

Bien sûr que cela m’énerve. Dans ce genre de situations, un entraîneur paie de sa personne. Mais la Juventus, Barcelone et Liverpool connaissent aussi ce sentiment. Le top absolu, c’est le Real Madrid. Il peut former une équipe de niveau international et clamer qu’il veut rester le numéro un d’Europe pendant des années. Il n’y a qu’un club comme ça. Pas deux.

Le groupe Bayern considère surtout sa filiale football comme un panneau publicitaire. Son unique ambition est de voir l’équipe le plus souvent possible à la télévision, de préférence sur la scène internationale.

L’été dernier, notre manager, Reiner Callmund, a déclaré qu’il signerait des deux mains pour terminer cinq années de suite deuxième de la Bundesliga et se qualifier ainsi pour la Ligue des Champions. Ça m’a choqué car nous devons être les premiers.

Et une telle ambition vous permet de placer sur le banc un joueur de l’envergure d’Ulf Kirsten, sans qu’il bronche, alors qu’il est réputé être un égoïste de première.

En fait, les footballeurs ne demandent qu’une chose: que l’entraîneur soit honnête avec eux et n’ait pas peur des vedettes. Le problème de ces joueurs soi-disant difficiles est qu’ils ont toujours été courtisés et choyés.

Remarques désobligeantes

On vous dit vantard. N’avez-vous pas l’impression de n’être pas estimé à votre juste valeur?

A 50 ans, pourquoi devrais-je me laisser taper sur les doigts? Je suis un homme équilibré mais si on me marche sur les pieds, je me fâche. A Waldhof Mannheim, j’ai bâti une bonne équipe à partir d’une épave. Ensuite, j’ai signé un contrat à l’Eintracht Franfort, où j’ai entendu des commentaires du style: -N’est-ce pas un cran trop haut pour lui? C’en était trop.

Pourquoi vos concurrents sautent-ils en l’air à chacune de vos remarques pleines d’assurance? Récemment, Michael Meier, le manager de Dortmund, a affirmé que vous étiez rongé par l’envie.

Foutaises! Je ne suis pas envieux. Quand Dortmund joue en Coupe d’Europe, je croise les doigts pour lui. Je le fais d’ailleurs chaque fois qu’une formation allemande est en lice. Mais je préfère ne pas faire de commentaire au sujet de Dortmund.

Vous avez affirmé que Dortmund prenait les gens pour des imbéciles en affirmant ne pas être obligé de jouer le titre alors qu’il avait réalisé des transferts pour des millions d’euros.

Et qu’à la fin, leur barbe toucherait le sol avant qu’ils soient champions. Il ne faut pas se moquer du monde. Dortmund a investi 50 millions d’euros, il n’a enrôlé que des vedettes. En fait, il gère difficilement son succès. Terminer deuxième ou troisième avec toutes ces vedettes…

« Je grimpe au mur quand j’entends qu’il ne faut pas motiver les joueurs pros »

« J’ai parfois envie de cogner le joueur qui reste immobile sur un coup franc »

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