Le portier de l’équipe nationale croate attend les Diables de pied ferme à Zagreb.

Le caissier de l’hôtel Marjan, au centre de Split, a tout de suite reconnu la solide carcasse de Stipe Pletikosa. Il déroule ses longues jambes sous la table, commande un café en lissant sa barbe. A 24 ans, le Dalmate s’est imposé sans problème dans la cage de son équipe nationale où il fit ses débuts le 10 février 1999.

Pletikosa a pris la place de Drazen Ladic. Même Vedran Runje, souvent brillant à Marseille, n’a pas pu empêcher son éclosion. Il est vrai que ni Pletikosa ni Runje ne sont des gars capables de prendre leur mal en patience sur le petit banc des réservistes. Alors, après Mirko Jozic, Otto Baric, le sélectionneur national croate, a opté pour le dernier rempart d’Hajduk Split. A la fin de la saison, il prendra probablement le chemin de l’étranger. Plusieurs clubs sont intéressés.

Sa cote est en hausse et elle le serait encore plus si la Croatie pouvait réaliser des coups fumants dans son groupe qualificatif pour l’EURO 2004. Or, avec un nul contre l’Estonie (0-0) et une défaite en Bulgarie (2-0), c’est mal embarqué. C’est dire si le duel face à la Belgique vaudra son pesant d’or.

Stipe Pletikosa: Nous n’avons pas d’autres solutions que de gagner. Si nous voulons prendre part à la phase finale, c’est la victoire ou rien. Finalement, cela vaut pour la Belgique aussi. Nous comptons un match de moins pour le moment mais on paye déjà le prix du match nul que l’Estonie a forgé à Osijek. Après cela, nous nous sommes rendus à Sofia. J’espérais que nous pourrions y grappiller un des deux points galvaudés contre l’Estonie. Ce ne fut pas possible car l’équipe bulgare recèle de grandes qualités individuelles et collectives. La Bulgarie dispose des meilleurs atouts de notre groupe. Il y avait longtemps que je ne m’étais plus mesuré à une équipe aussi complète et produisant un jeu sans faille durant 90 minutes. La Belgique a pu s’en rendre à Bruxelles où la Bulgarie s’est finalement imposée facilement (0-2). La première place me semble hors portée. La Bulgarie a domptés les Diables Rouges qui, ensuite, ont gagné à Andorre et Estonie. Chaque fois par le plus petit écart (0-1) et sans développer un football de rêve. Nos deux équipes ont visiblement des problèmes dans le processus de rajeunissement ».

Retour au 3-5-2

Ce renouvellement des cadres avait déjà commencé lors de la dernière Coupe du Monde. Malgré un succès face à l’Italie, la Croatie n’y passa pas le cap du premier tour. L’opération rajeunissement a été accentuée par la suite. C’est donc plus difficile que prévu?

C’est un virage délicat. Jarni, Prosinecki et d’autres ont pris du recul et rejoint les héros de l’EURO 96 ou de la Coupe du Monde 98. Cela dit, en Asie, après une défaite (0-1) contre le Mexique, nous avons pris la mesure de l’Italie: 1-2. C’était un exploit et il nous est monté à la tête, d’après moi. La Croatie a cru que l’Equateur ne poserait pas le moindre problème. La qualification était dans la poche. Résultat de la rencontre, Equateur-Croatie: 1-0. Nous n’avons pas été à la hauteur lors d’un moment important. Le gros de la génération actuelle était là mais une page était tournée, c’était évident.

Le Mondial 98 et les exploits ne furent-ils finalement pas une source de blocage, un haut point sportif paralysant pour les générations suivantes?

Non, cela reste un exemple à suivre, la preuve que tout est possible quand on a du talent, évidemment, mais surtout un gros mental. La qualité sportive était présente au Japon, pas le profil psychologique. Maintenant, c’est justement de volonté dont il sera question face à la Belgique. Car du talent on en a. S’il y avait des géants dans la génération de 98, beaucoup d’éléments de base de l’équipe actuelle ont déjà un gros acquis à l’étranger et gardent d’immenses marges de progression. Il suffit de songer à Igor Tudor (Juventus), à Robert Kovac (Bayern), à Boris Zivkovic (Leverkusen) ou à Marko Babic (Leverkusen). Beaucoup de nos joueurs ont du bagage tout en n’ayant que 24 ou 25 ans. Il y a aussi les joueurs internationaux qui sont encore au pays. Tôt ou tard, ils partiront.

Parmi ceux-là, il y a vous mais aussi Darijo Srna, le remarquable médian droit de votre club, Hajduk Split, et Ivica Olic, la tour offensive du Dinamo Zagreb. Srna, c’est la nouvelle star?

Srna est très fort. Si vous citez Hajduk Split, il ne faut pas oublier Milan Rapaic non plus, ce remarquable flanc gauche. Il est important chez nous. Olic marche fort au Dinamo Zagreb où il peut compter sur l’aide de Bosko Balaban en pointe. Il n’y a pas de problèmes quant aux joueurs: le choix est large.

Et peut-on comparer le coach Otto Baric à son prédécesseur, Mirko Jozic?

Cela se ressemble assez. Jozic était parti en Asie avec un 4-4-2 en tête mais se tourna ensuite vers le 3-5-2. Otto Baric a finalement fait le même cheminement. Lui aussi a abandonné le 4-4-2, encore d’application en Estonie, avant d’opter via les matches amicaux contre la Macédoine et la Pologne, pour le 3-5-2 qui colle mieux à nos potentialités techniques. En Croatie, d’ailleurs,la plupart des équipes évoluent en 3-5-2 mais c’est la version moderne et souple. Le trois arrière peut jouer en ligne, avec un ou deux défenseurs qui marquent les attaquants adverses, un correcteur, etc. En fait, c’est un trio à plat. Ce n’est pas à moi de faire la sélection mais il est évident qu’il y a une tradition du 3-5-2 chez nous. »Cela se jouera sur des détails »

Tomislav Ivic estime que votre génération est plus talentueuse que celle de la Coupe du Monde ’98…

Il y a cinq ans, en France, le groupe était plein d’expérience. Le noyau actuel est aussi composé de joueurs qui évoluent déjà, ou ne tarderont pas à le faire, dans de grands clubs étrangers. Dans deux ou trois ans, ce groupe atteindra alors son apogée. S’il y avait des leaders en 98, il y en a aussi actuellement. Le patron, c’est Igor Tudor. Il a du charisme, de la présence, du caractère et de la force. C’est un battant, un vrai lion.

Mais les nombreux essais dans la ligne médiane ont finalement permis l’affirmation, entre autres, de Giovanni Rosso (Maccabi Haïfa) et de Jerko Leko (Dinamo Kiev).

Votre principal problème ne se situe-t-il pas à l’attaque? Depuis l’intronisation de Baric, vous avez disputé six matches, dont quatre amicauxavec une victoire, quatre nuls, une défaite. En phase qualificative de l’EURO 2004, vous n’avez pas encore marqué un seul but…

C’est un problème dont nous sommes conscients mais il y a des solutions et nous avons travaillé en conséquence. Le potentiel est réel.

Ce sera une des clefs de Croatie-Belgique.

La Croatie devra exercer un gros pressing à Zagreb. Nous y jouerons dans une ambiance de folie au stade Maksimir et notre groupe adore être poussé dans le dos par un public actif. La Croatie détient des machines à centrer. A Split, par exemple, nos gars de couloirs, Darijo Srna à droite et Milan Rapaic, offrent des caviars à nos attaquants dont Petar Krpan. Nous écarterons bien le jeu alors que la Belgique aura plus la tentation, il me semble, de miser sur un attaquant de pointe qui plongera dans les espaces. Ce sera serré mais nous avons prouvé, lors des éliminatoires de la dernière Coupe du Monde, que nous savions comment nous y prendre pour battre les Belges. Même si je n’ignore pas que la Belgique a acquis une autre dimension au Japon. »Goor n’est pas Wilmots »

Que voulez-vous dire?

Une telle campagne, avec le bon match contre le Brésil, c’est positif. Mais il y a aussi eu des départs avec Marc Wilmots, Gert Verheyen, Johan Walem. Wilmots et Verheyen étaient les phares de cette équipe. Bart Goor est le nouveau capitaine mais il n’a pas la présence de Wilmots. Je ne suis pas sûr que les piliers belges du Japon aient déjà été remplacés. La Belgique se cherche encore et nous devons en profiter, exercer un énorme pressing de la première à la dernière minute de jeu à Zagreb. Je connais assez bien le football belge: on ne réagit pas de la même façon face à Emile Mpenza ou Wesley Sonck. Le gars de Schalke 04, c’est d’abord la force et la vitesse. Sonck agit plus en vitesse et en décrochage. C’est le meilleur buteur de la D1 belge. Je n’avais pas du tout été impressionné par la Belgique face à la Bulgarie ou par la suite, mais il y a peut-être eu une évolution avec l’arrivée de Thomas Buffel. Nous nous en méfierons. Il devrait se trouver dans la zone de travail d’Igor Tudor qui connaît son job.

Apparemment, vous êtes passé très près de deux transferts.

Oui. J’avais signé un pré-contrat il y a deux ans à l’OM après avoir rencontré Bernard Tapie à Paris. Je garde d’ailleurs cette copie. Deux semaines plus tard, tout se compliqua. On a notamment dit que j’étais plus un gardien de ligne que Runje. Non, ce sont des bêtises. Il y a eu d’autres priorités et, de toute façon, trop d’intermédiaires ont essayé de me représenter sur le marché des transferts. Ce fut le cas aussi quand j’ai été contacté par Gordan Strachan de Southampton l’été passé pour un transfert de 3,250 millions d’euros. Tout me convenait mais neuf personnes ont voulu leur part du gâteau. Inutile de dire que cela a découragé Southampton. Je ne savais comment ils s’y étaient pris pour avoir des procurations pour me représenter. Je suis revenu à Split, j’ai fait le nettoyage et je vais signer avec une agence, ce qui simplifiera tout.

Pierre Bilic, envoyé spécial en Croatie

« Notre leader, c’est Igor Tudor »

« Nous avons une culture de 3-5-2 »

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