Présidents donneurs

Les autorités communales ont toujours apporté leur écot à la bonne marche du Daring puis du RWDM. Mais que faire face à un trou de quatre millions d’euros? Rien.

Jamal Ikazban, échevin des Sports et de la Jeunesse de Molenbeek et porte-parole du bourgmestre, Philippe Moureaux, observe: « Que le RWDM évolue en D1 ou dans une division inférieure ne change rien, pour la commune, en matière d’engagement vis-à-vis du club.Il faut bien se dire que contrairement à ce qui se passe à Charleroi, par exemple, où la ville a l’un ou l’autre représentant dans le Conseil d’Administration du Sporting, pareille immixtion n’existe pas à notre niveau. Notre ingérence se limite, en tout et pour tout, à un droit de regard quant au fonctionnement et aux débours de l’Asbl Jeunes, l’une des deux composantes du RWDM à côté de la section Pro. Quoi de plus normal, dans la mesure où la commune subsidie depuis de nombreuses années l’école des jeunes du club à hauteur de 57.000 euros par an. Certains diront que ce n’est pas beaucoup, mais les autorités communales mettent également à la disposition du RWDM l’ensemble des infrastructures sportives du stade: les tribunes, le terrain principal et les deux aires de jeu annexes, les business seats, les salles de fête et les bureaux. Deux ouvriers sont également détachés en permanence pour l’entretien des pelouses. En outre, le service d’ordre lors des matches à domicile est aussi du ressort de la commune. Une intervention qui s’élève à 250.000 euros par an. Quand on saura que la commune ne prélève pas de taxes sur les spectacles, de même que sur les panneaux publicitaires, voilà encore une économie de plusieurs millions d’anciens francs pour le club molenbeekois. La liste n’est d’ailleurs pas exhaustive, puisque les frais de rafraîchissement du stade, en début de saison, ont nécessité un débours important. Sans compter que la commune projetait également de rénover la toiture de la tribune 2. Dont coût: 400.000 euros. Nous ne comprenons pas ceux qui soutiennent que nous n’en faisons pas assez pour le RWDM. Désolé, mais Philippe Moureaux a davantage été un président donneur qu’un président d’honneur pour le RWDM ».

Un trou de 60.000 euros chez les jeunes

« Ces derniers mois, vu la situation financière précaire du club, il va de soi que la commune a été plus d’une fois sollicitée afin de venir en aide au club », poursuit Jamal Ikazban. « Mais par respect envers les habitants de Molenbeek, il était exclu d’alimenter une trésorerie qui ressemblait à un gouffre sans fond. La goutte qui fit déborder le vase, pour nous, fut la vérification des comptes du centre de formation, au printemps. A ce moment-là, déjà, il y avait un trou de 60.000 euros. Une somme qui aurait dû servir à payer les entraîneurs mais qui fut utilisée pour combler un autre trou en Première, par un système de vases communicants qui n’était pas du tout prévu par la commune. Aujourd’hui, notre préoccupation essentielle vise tout simplement à sauver l’école des jeunes. Pas moins de 1.100 joueurs en herbe, alignés et non-alignés, fréquentent le RWDM. Il y a, parmi eux, 33% de Molenbeekois. Nous voulons mettre tout en oeuvre pour contribuer à leur épanouissement, comme nous l’avons toujours fait par le passé. Dans ce contexte, ce qui importe avant tout, c’est qu’un club continue à fonctionner à la rue Malis quel que soit le niveau où il se produise. L’élite, c’est bien sûr le gage d’une médiatisation plus importante. Mais il convient quand même d’avouer que, ces dernières années, le club et tous ses déboires étaient surtout synonymes de contre-publicité. Au lieu de traîner des casseroles chaque année, l’idéal, pour le RWDM, serait bel et bien de redémarrer sur des bases saines, avec des compteurs remis à zéro. Dans l’intérêt du club, il vaut mieux reculer pour mieux sauter ».

Armand Swartenbroeks et Oscar Bossaert

L’implication des autorités communales dans leur club-phare ne date pas d’hier. Au début du siècle, à l’époque où le RWDM s’appelait encore Daring et évoluait sur le plateau de Koekelberg, à l’emplacement de la basilique actuelle, les édiles, bourgmestre en tête, suivaient déjà d’un oeil intéressé tout ce qui se rapportait au football. Sport et politique faisaient même d’autant mieux bon ménage que deux joueurs, et non des moindres, se retrouvèrent à un moment donné à la tête de la commune après avoir marqué d’une empreinte indélébile la trajectoire du matricule 2: Armand Swartenbroeks et Oscar Bossaert.

Comme Daringman, Swartenbroeks fut le plus réputé des deux, puisqu’il entra dans la légende du football belge comme le premier international à disputer 50 matches avec les Diables Rouges, totalisant 53 sélections au total, obtenues entre 1913 et 1928. Bossaert, qui porta lui aussi la casaque de notre équipe nationale, se limita pour sa part à 12 sélections. Mais son nom passa sans doute davantage encore à la postérité que celui de son ancien équipier, puisque avant d’être baptisée Stade Edmond Machtens (encore le patronyme d’un bourgmestre!), l’enceinte du Daring était connue sous le nom de Stade Oscar Bossaert.

Le parcours d’Armand Swartenbroeks aura été pour le moins original. Né à Laeken le 30 juin 1892, il suivit en effet les cours à l’Athénée de Namur avant de poursuivre des études de médecine à l’Université Libre de Bruxelles. Le football étant encore purement amateur en ces temps reculés, il combina ses activités de généraliste avec les entraînements et les matches au Daring. Parallèlement, il se destina également à la politique, dès 1921, année au cours de laquelle il fut élu conseiller communal à Koekelberg. En 1939, il devint échevin de l’Instruction publique dans la même commune avant d’y succéder au poste de bourgmestre à son ancien coéquipier, Oscar Bossaert, né pour sa part le 3 novembre 1887.

A propos de celui que l’on nommait affectueusement Swart, on signalera que, comme médecin, il dispensait gracieusement ses soins aux Daringmen, des jeunes aux chevronnés. C’était sa manière de remercier un club qui lui avait tant donné.

De Koekelberg à Molenbeek

Armand Swartenbroeks et Oscar Bossaert avaient tous deux contribué, au cours du premier quart du siècle, à la conquête des trois titres glanés par le Daring en 1911-12, 1913-14 et 1920-21. Pendant sa carrière active, Oscar Bossaert eut d’ailleurs tôt fait de porter une double casquette. Non content de son statut de demi-centre, il devint aussi membre du conseil d’administration de la société coopérative constituée le 10 juillet 1914. Le Daring, sacré champion de Division d’Honneur pour la deuxième fois quelques semaines plus tôt, se sentait particulièrement à l’étroit dans ses installations, à la chaussée de Jette, où il avait abouti après avoir dû quitter le plateau de Koekelberg.

Commune exiguë, Koekelberg ne disposait malheureusement pas des dix hectares de terrain souhaités par la direction du club pour l’érection d’un nouveau stade, d’aires de jeu annexes, de courts de tennis, de bâtiments administratifs ainsi que d’un club-house. Seule Molenbeek offrait l’emplacement requis dans un périmètre compris entre les rues des béguines, Charles Malis, Van Calck et le boulevard de la grande ceinture. Le domaine offrait même de la place à un solarium, ajouté au projet initial, même s’il ne rencontrait pas l’assentiment d’Oscar Bossaert, qui préférait la construction d’un terrain de football supplémentaire. Il obtint d’ailleurs gain de cause, à ce propos, beaucoup plus tard. En attendant, le Daring, devenu Royal suite à son quart de siècle d’existence (il avait été tenu sur les fonts baptismaux, dans une guinguette de la place Simonis, le 2 mai 1895) inaugura ses nouvelles installations le 12 septembre 1920, peu après que son capitaine, Armand Swartenbroeks, eut remporté la médaille d’or au tournoi de football organisé à l’occasion des Jeux Olympiques d’Anvers.

Dix ans plus tard, Oscar Bossaert succéda à Adolphe De Kinder en tant que président du Daring. Celui-ci était alors rentré quelque peu dans le rang au profit d’un autre club bruxellois légendaire, l’Union Saint-Gilloise, qui réussit la gageure, entre le 1 février 1932 et le 10 février 1935 de livrer 60 rencontres consécutives sans défaite. Une série qui fut stoppée par le Daring. Sous la houlette du coach anglais Jack Butler, ancien joueur d’Arsenal, le club molenbeekois vécut alors un nouvel âge d’or, marqué par l’obtention de deux nouveaux titres en 1936 et 1937. La guerre provoqua toutefois une cassure et le Daring bascula subitement dans la hiérarchie.

Des taxes rabotées

Il dut attendre 1950 pour reconquérir sa place parmi l’élite. Un événement qui valut au club et à ses dirigeants d’être reçus à la maison communale par le bourgmestre, Edmond Machtens. Celui-là même qui, 23 ans plus tard, dans la même salle du conseil, allait officialiser l’union entre le Daring de Molenbeek et le Racing-White sous le nouveau nom de RWDM. Dans la foulée, le stade, objet d’un lifting lui aussi, fut d’ailleurs rebaptisé à son nom. Mais avant de nous pencher sur son action, revenons une dernière fois à Oscar Bossaert.

Dans son allocution à l’occasion du retour du club au plus haut échelon du football belge, le président du Daring, également bourgmestre de Koekelberg, avait plaidé auprès de son collègue davantage de compréhension pour la situation sportive et financière de son club. Un refrain qui était donc déjà dans l’air du temps à cette lointaine époque.

« Le Daring est davantage qu’un grand club de football », dit-il. « C’est une oeuvre sociale, un gigantesque poumon pour la jeunesse et les adultes de notre agglomération industrielle. Si j’ai tenu à ouvrir le rideau sur cet aspect de notre travail, c’est pour projeter un peu de lumière sur la considérable charge financière que représentent les multiples formes de l’activité d’un grand club comme le Daring. Aussi, à peine est-il nécessaire, je pense, de faire appel à la compréhension de l’édilité molenbeekoise dans l’examen en cours des impositions communales sur les spectacles ainsi que de nos infrastructures ».

Un appel du pied qui ne demeura pas sans suite car, dès ce moment, les taxes furent singulièrement rabotées. Quant au solarium, qui avait fonctionné pendant bon nombre d’années, il fut comblé, le Daring bénéficiant de ce fait d’une aire de jeu supplémentaire. Le 25 novembre de la même année 1950, le Daring créa l’asbl Royal Daring Club. Son but était de donner une plus large autonomie aux sections sportives (Club omnisports, le Daring avait également des sections de tennis, hockey et athlétisme) et de permettre à la société coopérative de conclure avec l’asbl un bail d’une durée de 50 ans pour lui assurer durant cette période la jouissance des installations sportives.

Bruno Govers

« Peu importe la division, du moment que le RWDM redémarre sur des bases saines » (la commune)

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