» Prenez-moi au sérieux ! « 

A 39 ans, il dirige le club limbourgeois depuis un peu plus d’un an. Après des débuts difficiles, ponctués du renvoi d’un entraîneur, l’équipe va de mieux en mieux.

Sa mère, Hilde Houben-Bertrand, ancien gouverneur du Limbourg, est originaire de Saint-Trond et supportrice du STVV. Herbert est, lui, Genkois de c£ur, à l’image de son père, un médecin qui emmenait ses deux fils aux matches de Winterslag et de Waterschei. Licencié en droit et en notariat, il a joué au foot jusqu’à 18 ans avant de choisir son autre passion : DJ. Et l’est resté pratiquement jusqu’à la fin de ses études, quand on lui a volé sa collection de 1.500 disques et CD au lendemain d’un bal. Dégoûté, il a tout arrêté.

Devant nous, un notaire vêtu de noir, dans un bureau au style dépouillé. Ses dossiers sont soigneusement rangés : le président de Genk ne supporte pas le désordre.

Votre première tâche n’était-elle pas de remettre de l’ordre au Racing ?

Herbert Houben : Les gens n’étaient pas habitués à recevoir des responsabilités mais quand on leur en confie, ils ont des ailes. Dirk Degraen a pris ses fonctions de directeur général à peu près en même temps que moi. L’organigramme était bon mais il fallait mettre en place la nouvelle organisation. Avant, le président entrait et sortait à sa guise, convoquait les gens à qui il voulait parler. Moi, je tiens des réunions à des moments fixes, mes responsabilités et mes horaires sont déterminés. Pour combiner mes deux métiers, je dois être très organisé.

Vous n’avez que 39 ans. Quand avez-vous rejoint le conseil d’administration ?

Le jour de la naissance de ma fille cadette, le 27 novembre, il y a neuf ans, à la demande de Jos Vaessen, qui voulait rajeunir le conseil en faisant appel à des Genkois. Je n’ai pas assisté à la première réunion, ma femme se trouvant à la maternité.

Vous succédez à un homme fort. Comment et pourquoi avez-vous accepté ?

A deux reprises, j’avais refusé l’offre de Vaessen, las de la présidence. Je n’avais pas le temps : mon étude marche bien et je ne voulais pas faire les choses à moitié. La troisième fois, il m’a dit que je n’étais pas correct de refuser mes responsabilités. J’étais le cadet du conseil, dont j’étais membre depuis huit ans. Les autres avaient tous au moins 55 ans, ils souhaitaient passer le témoin à la jeune garde mais celle-ci n’en voulait pas. Il avait raison.

Le deuxième motif, c’est qu’il est important que les gens puissent être fiers de quelque chose. J’ai travaillé à Anvers et tous les jours, on se moquait de moi, parce que je venais du Limbourg. J’assumais, mais quand Genk a été champion, j’ai eu la paix un mois, parce qu’une équipe limbourgeoise était championne. J’ai compris l’impact social d’un club. Je menais une vie agréable et c’était sans doute le moment de rendre quelque chose à ma région en faisant de Genk un grand club.

Ne l’était-il pas déjà ?

Il en avait le potentiel mais on n’est pas un grand club sans être reconnu comme tel. Nos résultats sportifs ne sont pas assez constants. En revanche, le reste est là : l’encadrement, le public, les sponsors.

L’équipe tourne très bien : êtes-vous tenté de crier victoire ?

Ce n’est pas parce qu’on réalise une bonne saison qu’on est un grand club. Cela ne peut qu’aller moins bien. Le pire viendra quand nous ne pourrons conserver quelques bons joueurs. Nous affaiblirons l’équipe en gagnant de l’argent : il s’agira de bien l’investir pour reformer une bonne équipe. Genk a une bonne école de jeunes et fait éclore des talents mais nous devons améliorer le recrutement d’étrangers. Il y a trois ou quatre ans, nous pensions rallier l’élite absolue. En un mois, nous avons investi huit millions en quatre joueurs. Hélas, nous n’avons pas obtenu le résultat escompté et nous avons mis du temps à surmonter ce passage à vide.

Vous parlez de Töszer, Pudil, Carlos et Nemec. Dans quelle mesure le directeur technique d’alors, Willy Reynders, a-t-il échoué ?

Personne n’a commis d’erreur. Le conseil a décidé de transférer ces joueurs et en a chargé Reynders, qui a acquis de bons éléments. La preuve, ils sont tous dans l’équipe actuelle. Le club n’était tout simplement pas prêt. La pression l’a paralysé.

Vaessen jugeait Reynders responsable. C’est étrange : vous êtes président grâce à lui mais vous êtes complètement différent.

Vaessen a investi dix millions dans le club. Si l’école des jeunes est aussi efficace, c’est aussi grâce à lui, puisqu’il l’a fondée. Il a dirigé le club dans des conditions difficiles. Mais j’ai le droit d’avoir mon opinion. Je veux assumer mes responsabilités. Jos n’est pas venu aux réunions pendant un temps, pour ne pas peser sur nous, pas parce que nous étions en dispute. Il n’est pas aussi dictatorial qu’on le pense. Il accepte la contradiction si son interlocuteur sait de quoi il parle.

Contrairement à lui, vous ne prenez pas de risques.

Si mais je considère qu’un club doit être viable sans apport externe. Si je démissionne, la vie du club ne s’arrêtera pas. Je n’ai pas les moyens d’investir personnellement mais ce n’est pas nécessaire. Mais qu’arrivera-t-il quand Roger Lambrechts, Roland Duchâtelet ou Maged Samy ne sera plus là ? Mon club doit être soutenu par sa région, pas par moi. C’est le seul moyen de devenir un grand club, à terme.

 » Le foot est un cirque « 

Quelle est la situation financière de Genk ?

Bonne. Si nous l’avions voulu, en août, nous aurions pu vendre un de nos meilleurs joueurs pour cinq millions. Combien de clubs peuvent-ils refuser ça ? Cela prouve que le club est sain.

Pourtant, le club a donné l’impression de ne plus avoir d’argent ?

Tous les clubs doivent effectuer des transferts pour équilibrer leur budget. Pendant dix ans, nous avons vendu des joueurs pour 4,5 millions par an, en moyenne. Bailly, qui a rapporté 3,5 millions, était le dernier. Genk n’a plus de dette, hormis un crédit à long terme de cinq millions chez Dexia, pour le stade. Le conseil d’administration va octroyer un crédit-pont au club, juste pour lui octroyer du liquide sans transfert.

Pourquoi cette cure d’assainissement, alors ?

Ce n’est pas parce qu’on a de l’argent qu’il faut le dépenser. Le Racing a vite grandi puis s’est retrouvé sur la pente descendante. Nous l’avons surmontée. Le club avait besoin de sérénité.

Le sympathique Racing est-il devenu plus pro ?

On peut prendre un petit café ensemble tout en abordant l’un ou l’autre problème mais nous avons des réunions fixes et il faut faire son travail. Est-ce plus professionnel ? Peut-être mais c’est nécessaire. Nous parlons ici d’un budget de 20 millions !

Selon vous, la presse est trop négative envers Genk. Quel genre d’article auriez-vous aimé lire en été ?

Que nous avions une vision et qu’elle méritait un crédit.

Pourtant, c’est votre entraîneur qui répétait que le noyau était trop faible.

Le foot est un cirque. Si l’équipe ne tourne pas, tous les joueurs sont mauvais. Si elle est bonne, tous ses membres le sont. Ce n’est évidemment pas vrai. Où est la raison ? Nous estimions avoir de bons footballeurs, qui avaient besoin d’être dirigés autrement. Ronny Van Geneugden et Hein Vanhaezebrouck ont beaucoup de qualités mais ils n’ont pas réussi chez nous, pour différentes raisons. Notre groupe n’était pas réceptif à ce genre d’entraîneurs, sans doute parce qu’ils manquaient d’expérience. Si nous avons commis une erreur, c’est dans le profil de l’entraîneur.

Saviez-vous que Vercauteren vous mènerait à la deuxième place ?

Non, mais nous avons eu raison de le choisir. Sinon, nous ne serions pas aussi bien classés. Un entraîneur en veut toujours plus mais il est aussi content de toucher son salaire à la fin du mois. Devions-nous finir comme Mouscron ? Frankie Vercauteren est facile, de ce point de vue, voire même agréable. Il ne requiert pas de footballeurs coûteux, il demande simplement que nous soyons prêts à agir.

Vous avez remis en question la tactique de Vanhaezebrouck peu avant son renvoi et il a confié :  » J’étais confronté à un jeune président sans expérience du football mais obligé d’intervenir. C’est ce qui a mis fin à notre collaboration.  » Votre commentaire ?

Comparez les résultats d’alors et d’aujourd’hui. Aux réceptions d’après-match, j’entendais toujours ce refrain : -Comment pouvait-on jouer avec une défense pareille ? Moi, je me demandais, en mon for intérieur, pourquoi il était aussi têtu, et je le lui ai dit.

Avez-vous parfois regretté d’avoir accepté la présidence ?

Non, j’étais convaincu que nous nous en sortirions. Plus un objectif est difficile à atteindre, plus je suis motivé. Le football est très superficiel. Je compare souvent les journalistes sportifs à des analystes boursiers : après-coup, ils savent toujours tout. Des gens compétents ont affirmé que Jelle Vossen avait tout au plus le niveau de la D2 et qu’Elyaniv Barda ne valait rien. Que doit faire un conseil d’administration qui reçoit de tels avis de personnes plongées au quotidien dans le milieu et très bien payées ?

Vous visez Vanhaezebrouck ?

Je ne l’ai pas dit. Mais il n’y a pas de sagesse supérieure en football. Personne ne pouvait savoir que Vossen serait aussi bon maintenant. Quoi qu’on raconte, un club doit continuer à travailler sereinement, sans se laisser influencer.

Vous adoptez un profil bas. Ne craignez-vous pas de donner l’image d’un homme mou ?

Est-ce l’image qu’on a de moi ? Je ne suis pas un personnage de vaudeville. Ce que je dis est correct. Je veux être pris au sérieux pour ce que je réalise, pas pour ce que je dis. Les vedettes doivent être sur le terrain, pas dans les bureaux.

PAR JAN HAUSPIE

 » Ce n’est pas parce qu’on réalise une bonne saison qu’on est un grand club. « 

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