Prélude à une Baby Champions League ?

Les U19 anderlechtois ont résisté à Barcelone, en NextGen Series, une initiative privée qui permet aux meilleures équipes de jeunes d’Europe de s’affronter. Son succès est tel que l’UEFA envisage la création d’une vraie Baby Champions League. Anderlecht est contre.

Pour René Peeters, né au quartier bruxellois du Bon Air, non loin de Neerpede, la mini Ligue des Champions constitue le sommet d’une carrière d’entraîneur des jeunes Mauves, longue de 14 ans déjà. Après le nul blanc réalisé contre Barcelone, il a même reçu les félicitations du manager Herman Van Holsbeeck. En réalisant deux matches nuls, les U19 anderlechtois ont fait parler d’eux. Ils sont la seule équipe invaincue face au Barça.

Le match a eu lieu il y a dix jours au stade Constant Vanden Stock, devant 8.532 spectateurs. Parmi eux, le staff technique du noyau A, emmené par John van den Brom, et Paul Van Himst, l’icône du club. Ils ont admiré un Massimo Bruno en verve, qui avait remué ciel et terre pour être repris dans le noyau. Van den Brom a été surpris par cet enthousiasme juvénile et a libéré son attaquant, à la grande satisfaction de René Peeters, ravi de la valeur que les joueurs attachent à ce nouveau tournoi européen.

Barcelone a certes monopolisé le ballon mais sans traduire cette supériorité en occasions de but. Finalement, Bruno et Nathan Kabasele, qui a été fauché, entraînant l’exclusion du n°3 espagnol, Robert, ont été les principaux animateurs de la rencontre. Anderlecht a obtenu ses occasions sans qu’elles soient le résultat de belles combinaisons, ce qui illustre son impuissance. L’équipe locale a constamment laissé six joueurs au moins derrière le ballon et Kabasele a vécu une soirée ingrate, seul en pointe.

Un apprentissage important

René Peeters insiste : résister à un adversaire plus fort est aussi un mérite.  » Nous nous y sommes adaptés. J’avais vu Barcelone à Tottenham et à Wolfsburg, où il s’est imposé respectivement 0-2 et 0-5 : nous ne voulions pas vivre ce scénario. En plus, nous étions privés de six joueurs. Nous savions que ce serait difficile mais c’est un pas important dans l’apprentissage des jeunes. Les former est une chose mais l’étape suivante, c’est le noyau A. Ils doivent donc apprendre à jouer le résultat aussi. Nous avons été dominants contre Wolfsburg mais nous avons perdu. Par contre, le point arraché à Barcelone est flatteur, compte tenu du déroulement du match. « 

Et l’apprentissage ?  » Les joueurs ont vécu ce que je leur rappelle constamment : le football de haut niveau, c’est la vitesse, l’art d’opérer les bons choix et de les exécuter rapidement. Ils réalisent que les membres des noyaux A de Barcelone, du Real ou de Malaga ne sont pas les seuls aptes à briller : leurs compagnons d’âge aussi. Nous avons perdu trop vite le ballon parce que nous avons vécu des phases de jeu auxquelles nous ne sommes pas habitués en Belgique. Barcelone a constamment pressé vers l’avant. Ballon au pied, ses jeunes sont nettement plus avancés que les nôtres. Nous avons bien joué tactiquement mais notre circulation du ballon laissait à désirer. C’est donc un aspect à travailler. « 

La première édition des NextGen Series s’est déroulée la saison passée, avec seize formations. L’initiative a séduit et il a été décidé d’élargir le champ des participants à huit autres équipes cette saison. Herman Van Holsbeeck et Jean Kindermans, le directeur technique des jeunes, ont chargé Bert Van der Auwera, leur Brand Manager & UEFA Liaison, d’inclure Anderlecht dans cette liste, ce qu’il a réussi après onze mois de négociations. Van der Auwera :  » 27 clubs se sont présentés pour ces huit places. Nous avons saisi le dernier brin de paille.  »

Les NextGen Series sont comparables à la Ligue des Champions et à l’Europa League. Des adversaires internationaux, des voyages, l’intérêt de la presse, les grands stades, un niveau supérieur : tout cela offre une expérience supplémentaire aux jeunes joueurs. René Peeters opine :  » Le groupe prépare ces matches très différemment des joutes de championnat. On prend l’avion, on loge à l’hôtel, on s’entraîne sur d’autres terrains. Les matches durent 90 minutes, en plus, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des tournois, où les joueurs disputent généralement deux mi-temps de 25 ou 30 minutes. On joue souvent deux matches par jour. Donc, je ne sélectionne pas toujours ma meilleure équipe, pour éviter toute surcharge. Par contre, en NextGen Series, on aligne sa meilleure phalange et on n’effectue de remplacements qu’en fonction du résultat. « 

Anderlecht s’est forgé une brillante réputation dans les divers tournois de jeunes, ces dernières années. Peeters :  » La saison passée, nos jeunes ont remporté l’Aegon Cup d’Amsterdam. Nous n’avons pas encaissé un seul goal et Dennis Praet a été élu meilleur joueur du tournoi. C’était déjà un signe de notre talent.  »

En plus de leur contexte similaire à la Ligue des Champions, les NextGen Series présentent un autre atout majeur :  » Le fait de jouer contre des joueurs du même âge permet de se livrer à des comparaisons. En Belgique, nos U19 jouent en U21. A l’exception des matches contre Genk, le Standard et Bruges, le niveau laisse à désirer. Nos adversaires alignent souvent des éléments de tous les âges, ce qui nous empêche de réaliser une évaluation correcte. « 

Cycad Sports Management

Les NextGen Series sont une organisation de Cycad Sports Management, une société fondée par l’ancien professionnel anglais Mark Warburton et son compatriote Justin Andrews, issu du monde télévisé. Warburton a été responsable de l’école des jeunes de Watford FC et est actuellement le directeur sportif de Brentford FC, un club de D3. Les deux Britanniques veulent offrir aux étoiles de demain la possibilité de progresser grâce à leur compétition.  » Avant, il n’y avait rien pour les jeunes, à part des tournois de quelques jours, voire une semaine « , précise Justin Andrews depuis Londres.  » Nous voulions un tournoi qui s’étend sur toute la saison. « 

Un coup d’£il aux participants de la première édition révèle que la qualité de la formation n’a pas toujours été le principal critère de sélection. Il y avait cinq clubs britanniques alors qu’ils ne sont pas précisément réputés pour la qualité de leurs écoles.  » Nous sommes une société anglaise « , reconnaît Andrews. Plusieurs clubs sont aussi des habitués de la Ligue des Champions. A-t-on préféré les grands noms aux meilleurs formateurs ? Andrews contre :  » Le Sporting Lisbonne a sans doute la meilleure école d’Europe mais joue-t-il chaque année la Ligue des Champions ? Pas que je sache. Idem pour le PSV et l’Ajax. Il y a aussi Molde… « 

Andrews admet quand même le problème.  » Nous sommes une organisation privée. Nous devons donc chercher un juste équilibre entre nos principes et notre pérennité commerciale. Nous travaillons par invitations et nous avons besoin d’affiches. Mais nous allons encore nous étendre de huit équipes la saison prochaine et nous allons nous baser sur les prestations des équipes dans leurs championnats domestiques. Donc, nous ne toucherons pas nécessairement les plus grands clubs. « 

Contre-attaque de l’UEFA

Le succès des NextGen Series n’a pas échappé à l’UEFA, qui établit des projets pour lancer une initiative similaire la saison prochaine mais pas avec les meilleures académies : avec les U19 des clubs qualifiés pour la phase par poules de la Ligue des Champions. Ce serait donc une vraie Baby Champions League. Les équipes de jeunes se déplaceraient avec l’équipe première et joueraient l’après-midi, voire la veille, non dans le stade principal mais sur un terrain annexe.

Le PSV et l’Ajax sont radicalement opposés à ce projet de l’UEFA et ils ne sont pas les seuls. La plupart des clubs ne peuvent envisager de participer à la Baby Champions League et aux NextGen Series mais leur préférence va clairement à cette dernière, surtout parce que des clubs de moindre envergure peuvent s’y mesurer avec des formations de plus grand renom et qu’on ne joue pas sur un second terrain. Ils redoutent cependant que l’UEFA n’accepte pas leur refus de participer à sa compétition.

Justin Andrews affirme être flatté par la réaction de l’UEFA mais aux yeux des clubs, cette réaction est trop tardive. Il y a cinq ans, quand ils ont demandé, via l’association des clubs européens, la tenue d’une épreuve plus professionnelle pour les jeunes, l’UEFA n’a pas bronché. Maintenant, si elle réagit, c’est surtout parce que les dirigeants suisses ont peur qu’une société privée comme Cycad ne présente un jour une Ligue des Champions alternative pour les plus grands. Cycad a déjà reconnu nourrir de tels projets.

Jean Kindermans, directeur technique de l’école des jeunes d’Anderlecht, joint sa voix à celles du PSV et de l’Ajax.  » Je n’ai pas encore pu en informer notre direction mais je ne puis qu’espérer qu’elle me suive. Lors de la dernière réunion à Londres, en août, nous n’étions pas sûrs du tout que lier un tel tournoi des U19 à la Ligue des Champions soit une bonne idée. Ce serait au détriment de l’impact et de l’intérêt de ces matches. Nous aurions aussi beaucoup moins de chances d’y participer. « 

PAR JAN HAUSPIE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Ballon au pied, les jeunes du Barça sont nettement plus avancés que les nôtres.  » (René Peeters)

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