© BELGAIMAGE

Qui pourra remplacer Pozuelo durant les PO1?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

En pleine lutte pour le titre, Genk voit s’envoler son maître à jouer. Alejandro Pozuelo était arrivé dans le Limbourg pour retrouver son passé, et le quitte pour assurer son avenir.

Du soleil, des amis et des vacances. L’été 2015 d’ Alejandro Pozuelo transforme son Séville en paradis, et le tableau est tellement idyllique qu’il vous ferait presque oublier le jour de la rentrée. Pourtant, Pozo ne peut plus s’empêcher d’y penser :  » Je sortais d’une saison très difficile au Rayo Vallecano, et je devenais un peu nerveux. Mon idée, c’était de rester en Espagne, mais aucune offre vraiment intéressante pour moi n’est arrivée.  »

Déjà familiarisé aux expériences hors de la péninsule par un séjour à Swansea, dans le sillage de Michael Laudrup, le Sévillan se laisse donc convaincre par son manager de s’installer dans les tribunes de ce qui est encore la Cristal Arena. Genk accueille le 15 août Westerlo dans son antre, et des buts de Yoni Buyens et Thomas Buffel écrivent l’histoire d’une victoire anecdotique.

Puisque aucune option plus alléchante n’atterrit sous ses yeux, Pozuelo décide de poser ses crampons dans le Limbourg au bout du mois, quelques heures avant la deadline fatidique. Pas à contrecoeur, mais faute de mieux. Le séjour belge doit alors ressembler à une impulsion sur un tremplin, histoire de relancer une carrière prometteuse qui commence à regarder vers le bas.

DE MAES À STUIVENBERG

Par l’intermédiaire d’ Erwin Lemmens, l’entraîneur des gardiens emmené au Racing par le nouveau coach Peter Maes, Alejandro s’acclimate assez rapidement au pays. L’accoutumance au jeu national prend un peu plus de temps, mais l’expérience anglaise permet à Pozo de digérer la transition, pour conclure sa première année belge par des play-offs 1 aboutis, avec trois buts et deux passes décisives en dix rencontres. Suffisant pour s’installer comme l’une des valeurs sûres du onze de son entraîneur, mais pas pour éveiller l’intérêt des cylindrées dont il espérait attirer le regard en débarquant dans le club qui a fait éclore Thibaut Courtois et Kevin De Bruyne.

Une deuxième saison démarre donc dans le Limbourg. Les résultats européens, avec une qualification dans une poule pourtant peuplée de calibres comme l’Athletic Bilbao ou Sassuolo, ne suffisent pas à occulter un jeu trop aléatoire et un séjour prolongé en dehors du top 6. La défaite de fin d’année au stade arc-en-ciel a raison de Peter Maes, et les semaines qui suivent font débarquer Albert Stuivenberg à l’ombre de la Luminus Arena.

Dans l’esprit de Pozuelo, initialement arrivé à Genk pour redécoller au plus vite, l’aventure limbourgeoise aura certainement duré bien plus longtemps que prévu.

 » Pour lui j’étais un professeur, pas un père « , illustre le Néerlandais. Une métaphore qui résume la relation glaciale entre le maître à jouer du Racing et son nouveau coach, disciple de Louis van Gaal et de son jeu de position rigoureux, pour ne pas dire rigide. Très vite, il remet en cause le professionnalisme de l’Espagnol, le trouve trop rapidement satisfait de ses performances et trop peu impliqué dans les mécanismes collectifs de l’équipe.

Pourtant, son Genk robotisé brille, à la fois sur la scène nationale et sur les pelouses continentales, où le club atteint les quarts de finale de l’Europa League. Pozuelo impressionne, au point de subir un marquage individuel mis au point par Yannick Ferrera lors d’un déplacement de Genk à Malines, au terme duquel le coach présente le numéro 24 des Limbourgeois comme  » le Johan Cruijff du championnat de Belgique « .

Les portes d’un départ pour l’étranger semblent s’ouvrir pour Pozuelo, malgré une fin de saison prévue dans le purgatoire anonyme des play-offs 2.

TRANSFERT PERDU AU KEHRWEG

Le transfert radieux promis à Pozo tourne court lors d’un déplacement au Kehrweg, en plein sprint dominant du Racing de Stuivenberg vers la victoire en PO2. Une blessure à l’aine quelques secondes avant la mi-temps qui condamne la fin de saison de l’Espagnol, et fait reculer une bonne partie des candidats acquéreurs.

En quête d’un meneur de jeu, l’Espanyol, deuxième club de Barcelone, rêvait de Borja Valero, mais le départ pour l’Inter du maestro de la Fiorentina incite le club à activer la piste Pozuelo. Toujours avide d’un retour au pays, Pozo considère sérieusement la piste catalane, et attire également quelques convoitises en Allemagne.

Finalement, c’est le Lyonnais Sergi Darder qui s’installe à l’Espanyol, et le Sévillan prolonge son séjour à Genk, alléché par les ambitions d’un club qui voit bien son milieu de terrain composé de Pozuelo, Ruslan Malinovskyi et Sander Berge régner sur le prochain championnat.

L’accord, doublé d’une belle revalorisation financière, insère également dans le contrat de Pozo une clause selon laquelle le club qui posera huit millions d’euros sur la table pourra discuter directement avec le joueur, sans que Genk ne puisse y mettre son veto.

Les ambitions s’éteignent rapidement, sous les yeux d’un Pozuelo impuissant qui assiste depuis les tribunes au départ raté de son équipe face aux Waeslandiens de Philippe Clement. Genk domine outrageusement toutes ses rencontres, mais ne parvient pas à profiter de son calendrier vierge de Coupe d’Europe pour faire trembler les autres ténors au classement.

Malgré un sursaut qui voit les Limbourgeois battre Anderlecht et Bruges en octobre, ils se séparent de Stuivenberg au bout d’un improbable partage face à Eupen, qui paraphe un bilan de 23 points sur 54 et une neuvième place fatale au Néerlandais.

LE RÊVE VERT

L’arrivée de Philippe Clement ravive le sourire d’Alejandro Pozuelo. Lors du stage à Benidorm, l’Espagnol retrouve le rythme et le plaisir de jouer qui vont faire de lui l’un des meilleurs joueurs de la première moitié de l’année 2018. Deux buts et huit passes décisives, en plus d’un impact majeur sur les rencontres de play-offs 1, suffisent pour réveiller les convoitises étrangères. Et une nouvelle fois, Pozuelo hésite. Il faut dire qu’un club particulier est entré dans la danse.

 » Je pense que si n’importe qui va au Betis et voit l’ambiance, la façon dont on y vit le football, il ne peut que tomber amoureux « , racontait Pozuelo au cours d’un entretien mené en début de saison dernière. Bético jusqu’au bout des ongles, Alejandro rêve d’un retour au bercail, dans sa ville et sous ses premières couleurs professionnelles. L’émotion est visible dans le regard quand il évoque les 50.000 socios, ou les 1.500 supporters qui s’installent au bord du terrain pour chaque entraînement.

Malheureusement pour les rêves sévillans de Pozo, les Verdiblancos ne déposent pas plus de trois millions d’euros sur la table. Même quand ils y ajoutent deux millions de bonus éventuels, la somme reste trop mince pour approcher la clause mentionnée dans le contrat de l’Espagnol, et Genk n’est pas disposé à faire de cadeau à l’aube d’une saison qui pourrait venir garnir son armoire à trophées, vu les promesses de Berge, Malinovskyi et Trossard d’étendre de quelques mois au moins leur bail dans le Limbourg.

Quand Toronto et ses quatre millions annuels pendant quatre saisons se sont présentés à lui, Pozo a choisi de faire le forcing pour franchir l’Atlantique.

Malgré une crainte qui vogue jusqu’aux dernières minutes du mois d’août dans les bureaux de la Luminus Arena, Pozuelo est bien présent début septembre pour mettre un peu de folie dans le jeu spectaculaire du Racing.

DERNIER CONTRAT

Genk accueille l’hiver dans la peau du leader incontesté, et place des verrous sur toutes les portes de sortie. Personne ne quittera la Luminus Arena. Personne, sauf peut-être Pozuelo, dont la clause fixée à huit millions d’euros est devenue un secret de Polichinelle.

Une nouvelle fois, le Betis fait partie des candidats. La possibilité d’aligner la somme indiquée dans le contrat de Pozo est suspendue à un éventuel départ de Ryad Boudebouz, devenu superflu au stade Benito Villamarín et que le club espère envoyer vers des cieux rémunérateurs.

S’il est vendu pour huit millions, l’Algérien permettra au Betis de consacrer cet argent à la venue de Pozuelo. Au bout du mois de janvier, alors que Pozo a déjà repoussé les millions du Moyen-Orient, Boudebouz ne trouve pas d’acquéreur et file finalement au Celta Vigo. En prêt…

Du haut de ses vingt-huit ans, Alejandro Pozuelo est bien conscient que ses possibilités d’avenir au sommet du continent sont rares. Trop court pour les clubs du top, trop vieux pour ceux du subtop qui visent des jeunes joueurs capables de leur rapporter une plus-value. Et trop cher pour les autres.

L’objectif de l’Espagnol est donc de signer un dernier gros et long contrat, avant de dépasser la trentaine. Une perspective que Genk ne lui a pas offerte, en ne revenant pas à la table des négociations après le rejet par Pozuelo de l’offre d’Al-Ahly. Alors, quand Toronto et ses quatre millions annuels pendant quatre saisons se sont présentés à lui, Pozo a choisi de faire le forcing pour franchir l’Atlantique.

L’aventure limbourgeoise prendra fin au bout de la phase classique. Trop tôt, sans doute, pour Philippe Clement et son staff. Mais dans l’esprit de Pozuelo, initialement arrivé pour redécoller au plus vite, elle aura certainement duré bien plus longtemps que prévu.

La vie sans Pozuelo

Qui pourra remplacer Pozuelo durant les PO1 ? La question reste ouverte.
Qui pourra remplacer Pozuelo durant les PO1 ? La question reste ouverte.© BELGAIMAGE

Genk se prépare à l’inattendu. Le sprint final vers un titre qui semblait déjà annoncé voici quelques semaines se fera sans Alejandro Pozuelo. Et pour le remplacer, aucune solution ne semble être livrée clé sur porte.

Arrivé dans le Limbourg l’été dernier, pour préparer en douceur la succession de l’Espagnol, Ivan Fiolic n’est pas encore prêt. Beaucoup moins exigeant dans l’impact physique, le championnat croate a déposé à la Luminus Arena un joueur frêle, pas encore adapté aux duels musclés que la Jupiler Pro League propose autour du rond central. L’avenir à court terme du Racing devra donc, probablement, se trouver ailleurs.

Puisque ni Ruslan Malinovskyi, ni Leandro Trossard ne semblent prêts à s’installer dans le costume de numéro 10, Philippe Clement devra peut-être envisager une adaptation de son système de jeu. Un travail qui demandera forcément du temps. La précieuse trêve internationale qui précédera le coup d’envoi des play-offs pourra-t-elle être mise à profit ?

Ce doute qui a envahi le futur du jeu limbourgeois explique peut-être cette situation étrange, où Pozuelo est encore un titulaire alors qu’il n’est déjà plus vraiment un Genkie. Comme si chaque point engrangé dans le money-time de la phase classique était particulièrement précieux, même divisé par deux.

Comme si Genk sans Pozuelo était jugé trop court pour prendre suffisamment de points en play-offs, jusque dans les couloirs de la Luminus Arena. Le message adressé au groupe est étrange. Et pourtant, les joueurs semblent l’avoir compris et accepté. La réponse à la justesse de ce choix attendra probablement le mois de mai.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire