Power to the pipoles

Les footballeurs du nord du pays font courir les paparazzi. Pourquoi ce phénomène n’est-il pas encore hot dans le sud de la Belgique ?

« C’est le plus beau jour de notre vie « , ont lancé le modeste footballeur Gunter Van Handenhoven et son ex-Miss Belgique d’épouse, Ann Van Elsen. Cette speakerine aussi intelligente (elle a fait un doctorat en sciences économiques) que charmante et l’ancien médian de La Louvière ont récemment convolé en justes noces en recevant leurs nombreux et prestigieux invités au Château Diepensteyn à Steenhuffel.

Leur mariage a été célébré avec fastes et la presse pipole flamande s’est arrachée les morceaux du gâteau médiatique. Etonnant intérêt mais surtout… big business dans le cadre de la nouvelle jet-set flamande. Personne n’en a parlé dans la partie francophone du pays alors qu’on a noté un déferlement de photos, de textes et autres reportages vidéo dans de nombreux médias du nord de la Belgique où ces gloires glamour intéressent et font sourire (ou rêver…) pas mal de monde.

Ce sont les héros et starlettes d’une actu paillettes non négligeable dans la presse spécialisée ou pas. Avec eux, c’est Saint-Trop’-sur-Escaut ou Ibiza-sur-Lys tous les jours. En Flandre aussi, les pipoles se marient, se quittent, sniffent, flambent, défilent, se crashent en bagnole, font faillite, intriguent, trompent, racontent leurs étapes du tour des lits, etc. Avant  » l’événement nuptial du siècle « , Nina, le supplément week-end du Laatste Nieuws (le plus gros tirage de la presse quotidienne belge), avait mis les petits plats dans les grands en emmenant An et Gunter sur les plages de l’Ile Maurice.

Et ce ne fut pas un voyage organisé à la va-vite mais une expédition avec journaliste, styliste, photographe, assistant, etc. Cela représente un budget important bouclé avec la participation d’une compagnie aérienne, d’un hôtel, d’une société de location de véhicules et tutti quanti. Le plus important dans la liste des sponsors (dont le nom et le prix des créations sont repris dans les légendes des photos) n’est cependant autre que Lamaya de chez Anakaël, la couturière de la future mariée. Cette dernière posa au bord de l’eau dans une longue robe blanche différente de celle du grand jour où les tourtereaux se dirent – Oui. Pour le Laatste Nieuws, il était amusant d’être dans le coup en précédant la concurrence qui avait acheté l’exclusivité des photos de la cérémonie de mariage.

 » Les footballeurs et les pipoles flamands devaient se rencontrer  » (Marc Coenegracht, Laatste Nieuws)

Le prix payé par Story, un des plus solides magazines people flamands ( Dag Allemaal, Ché, P-Magazine, TV Familie et d’autres hebdos sont présents sur ce créneau tout comme la presse quotidienne, l’agence de presse Belga et les télés) n’est pas connu mais devrait tourner autour des 10.000 euros. C’est une broutille si on songe au mariage de Wayne Rooney et de son amie d’enfance Coleen McLoughlin à Gênes. Pour les clichés exclusifs de la cérémonie officielle et de la fête, le magazine OK aurait déboursé près de 2,5 millions de livres. La star de Manchester United est connue dans le monde entier et ces photos ont été vendues et vues aux quatre coins de la planète. Ce n’est évidemment pas le cas de Gunter Van Handenhoven et d’Ann Van Elsen mais le marché est en pleine expansion. Et les footballeurs occupent progressivement plus de place dans le monde des VIPS néerlandophones, plus connus sous l’appellation BV ( Bekende Vlamingen, Flamands connus).

Le conte de fées de l’ancien joueur de La Louvière a fait du bien à ces gloires secouées ces derniers temps par le problème de cocaïne de Tom Boonen et les ennuis de Jean-Marie Pfaff avec le fisc qui n’a pas vu sa feuille d’impôts depuis 10 ans. Un beau mariage a rendu le sourire aux amateurs de petits canapés et de champagne rose médiatisés. Footballeur modeste, Van Vandenhoven est évidemment amoureux de son épouse et, même si ce n’est pas voulu, ses épousailles lui ont permis de se refaire une réputation.

Il avait été indiqué du doigt dans le cadre des problèmes chinois de La Louvière et finalement suspendu six mois par le Comité sportif de l’Union Belge le 21 décembre 2006 pour avoir bafoué l’éthique sportive en ne défendant pas ses chances lors de Lierse-la Louvière (7-0) du 21 mai 2005. Les joueurs entendaient protester ainsi contre les retards de payements des salaires. Le 25 janvier 2007, la Commission d’évocation avait annulé sa suspension.

Après un séjour d’un an au Qatar, il a retrouvé de l’embauche en Belgique, à Roulers, où son talent sera utile. Sa renommée de pipole du nord aussi. Il y a gros à parier, même s’il s’en défend, qu’on le verra avec son épouse, à des réceptions organisées par les sponsors de son nouvel employeur. Cela peut aider le club à séduire des investisseurs, à élargir le cercle de ses contacts, à avoir plus de notoriété. Les résultats restent prioritaires mais un peu de glamour peut mettre du beurre dans les épinards. Gand a engagé Michel Preud’homme pour ses talents de coach mais pour son côté VIP aussi : ce n’est pas négligeable alors que les Buffalos construisent un stade, cherchent de nouveaux partenaires commerciaux. MPH est un BV…

Marc Coenegracht, du quotidien Het Laatste Nieuws, connaît le monde des VIPS flamands depuis de longues années. Rien ne lui échappe.  » Les footballeurs et les pipoles flamands devaient forcément se rencontrer « , dit-il.  » Les sportifs occupent de plus en plus les écrans de télévision. Ce n’est plus un secret : les meilleurs footballeurs sont célèbres, riches, adulés et cela attire les attentions. De plus, ils se soignent, sont élégants, beaux, etc. Ces idoles sportives sortent dans les mêmes boîtes (surtout le Carré entre Bruxelles et Anvers mais il y en a d’autres) que les speakerines, chanteuses, comédiennes, mannequins, Miss Belgique ou reines de beauté régionales, etc. Ils se retrouvent dans des tas d’inaugurations, de réceptions, de fêtes et de galas comme le Soulier d’Or ou le Footballeur Pro de l’Année. Les photographes et les télés sont là pour les belles toilettes, les sourires, les complicités amoureuses, etc. C’est un cocktail de célébrités, de richesses et de beautés.

L’intérêt de la presse pour ce milieu ne date pas d’hier. Certains joueurs y avaient déjà leurs entrées il y a quelques années. Paul Okon fut le petit ami de Phaedra Hoste, mannequin, top modèle et habituée des plateaux de télé. Bjorn Dewilde vit depuis des années avec Evelyne Hoste, ex-Miss Belgium Beauty. Les amourettes ne se comptent pas. Je sais que le phénomène pipole et football est nettement moins vivant dans le sud du pays. Je ne sais pas pourquoi. Il y a peut-être moins des vedettes en Wallonie. Pourtant, quand Daniel Van Buyten défile à Milan pour Bikkembergs, cela fait le tour de l’Europe. François Sterchele avait de l’impact auprès des gens : le Liégeois du Club Bruges était un BV avant sa tragique disparition. En ce qui concerne le mariage d’Ann et Gunter, le but de notre reportage à l’Ile Maurice n’était pas de contrer la concurrence. Non, Het Laatste Nieuws entendait présenter cette histoire d’amour sous un angle original. Ann est plus connue que Gunter mais il ne faut pas oublier que la s£ur du joueur, Sandrine, est une chanteuse qui rencontre de plus en plus de succès en Flandre « .

 » En Wallonie, on ne starifie pas les footballeurs. En Flandre bien.  » (Daniel Camus)

Tiens, tiens, mardi passé, Sandrine présentait justement son 10e et dernier CD ( Boosted2) au Cointreaupolitanbar. Et qui assistait à cette première ? Ann, Gunter, Clouseau, des tas de chanteurs flamands, quelques footballeurs discrets, etc. De plus, ce lancement a été présenté sur De rode loper, l’émission télévisée pipole de la VRT. La boucle est bouclée : foot et showbiz, mêmes affinités ? La famille Van Handenhoven a une belle histoire. Le paternel était prêtre au Congo où il rencontra sa femme qui lui a donné trois enfants. Il abandonna sa soutane catholique et opta pour la Vieille Eglise de Hollande (de tendance protestante) qui permet le mariage des prêtres. Le papa de Gunter est aumônier au port d’Anvers où il est à l’écoute des marins au long cours : une famille toute simple est devenue célèbre. C’est attendrissant mais la presse du c£ur peut être féroce quand cela tourne mal pour une de ses idoles. La présentation du CD de Sandrine au Cointreaupolitanbar a été mise sur pied par une personnalité bien connue à Bruxelles et en Wallonie : Daniel Camus. L’ancien joueur du RWDM possède une société d’organisation d’événements ( 5e Saison) et de communication cotée en Bourse. Camus connaît par c£ur le monde des célébrités et autres BV. On peut même dire que c’est une bonne partie de son fonds de commerce. Il organise des réceptions courues, des défilés à ne pas manquer, des lancements de produits ultra classe, etc.

 » Je réalise 75 % de mon chiffre d’affaires en Flandre « , avance Camus.  » Les footballeurs montrent le bout du nez lors de ces fêtes. C’est bien mais il reste du chemin à faire. A l’heure actuelle, ils sont encore dans la roue des vedettes de la télé. Les footballeurs se voient mais ne pèsent pas encore très lourd entre les grands pipoles flamands. Les regards se tournent d’abord vers ceux qui ont l’habitude d’être à l’aise devant les caméras et les micros. Il faut former les joueurs qui doivent être des vecteurs de communication. Franck Ribéry est devenu une star des médias en France. Or, au départ, ce joueur n’avait pas grand-chose pour lui : il ne disait rien d’intéressant, n’était pas le plus beau. Cette anti-star est pourtant devenue un grand pipole international à force de travailler sa com’. C’est de la notoriété en plus et cela rapporte de la pub, donc des rentrées financières à son club. Il faut être vu à l’heure actuelle. J’ai lu un jour une interview de DonaldTrump qui racontait une anecdote cruelle mais qui veut tout dire : – Ma plus belle vente ? C’est celle d’un immeuble où un homme s’est suicidé en se jetant du 17e étage : tout le monde avait vu le building à la télé. En Wallonie, seul le Standard a compris que ses joueurs doivent se montrer à l’occasion de certains événements. Ailleurs, les joueurs se cachent quand ils sortent : c’est ridicule. En Flandre, on fait du commerce avec le glamour. Quand j’organise un événement important, je reçois des centaines de demandes de vedettes qui veulent assister à l’inauguration, au drink, à la conférence de presse. Je dois refuser beaucoup de monde. Cet intérêt fait plaisir à mes clients et les célébrités espèrent retrouver leur photo dans la presse. Certains VIPS sont payés si elles sont plus importantes que l’événement mais pas les footballeurs. Du moins pas pour le moment. En Belgique, ce ne sont pas encore des vraies stars. Surtout pas en Wallonie. Les étoiles comme Vincent Kompany et Daniel Van Buyten sont à l’étranger et c’est différent car ils naviguent dans un autre monde. En Flandre, les VIPS ont créé leur monde économique à eux. Il ne faudrait surtout pas en rire ou même en sourire car c’est très important. La Wallonie a le regard tourné vers la France et sa presse people qui ne s’intéresse pas du tout à nos vedettes. Mais je suis persuadé qu’il y a un marché dans le sud du pays….  »

par pierre bilic

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