» POURQUOI VALENCE NE SERAIT PAS CHAMPION ? « 

La poisse. Alors que ses débuts pour Valence s’étaient bien déroulés, l’ancien taulier de Bruges s’est blessé au genou, lors de la deuxième journée de championnat. Son aventure ne reprendra que dans trois semaines.

Vendredi matin, peu après neuf heures. Les portes de la Ciudad Deportiva de Paterna, à Valence, s’ouvrent. Cameramen et photographes se hâtent vers le terrain d’entraînement où les stars viennent d’apparaître. Le long du terrain, en grandes lettres, des déclarations motivantes de sportifs célèbres.

 » On ne doit pas se poser de limites. Rien n’est impossible.  » (Usain Bolt)

 » Les résultats suivent le labeur. Je suis donc aussi concentré à l’entraînement qu’en match.  » (Michael Jordan)

Ou encore :  » Pour connaître le succès, il faut se dévouer à son sport, chercher ses limites et toujours donner le meilleur de soi-même.  » (Ayrton Senna)

Au centre, le slogan du club :  » Il est difficile de battre quelqu’un qui ne renonce jamais.  »

Ces phrases pourraient toutes s’appliquer à Mathew Ryan, le nouveau gardien des Espagnols. En matière de professionnalisme, d’exemplarité. Une bête de travail, un perfectionniste. A 9 h 15, quand il monte sur le terrain, sa concentration est totale. Il ne sourit pas, ne plaisante pas avec ses coéquipiers ni avec les invités asiatiques du président, qui prennent des photos depuis la ligne de touche. Ryan est ici pour travailler. Après quelques mots de l’entraîneur, l’échauffement débute. Après un quart d’heure, tout le monde est prié de quitter le terrain. Les portes se referment.

Notre premier rendez-vous capote. Ryan doit s’acquitter de plusieurs tâches administratives et doit rester au centre. La rencontre est reportée à l’après-midi, plus au club mais dans son appartement, une résidence proche du nouveau stade de Valence. Il est en chantier depuis plusieurs années. Le nouveau propriétaire a également repris le terrain et a promis d’achever la construction mais il n’y a toujours pas trace de travaux.

La résidence de Ryan est belle, neuve, sévèrement gardée. Il vit au rez-de-chaussée et dispose d’une piscine. L’appartement est vaste, avec une grande terrasse ensoleillée, et encore très vide car il n’a pas eu le temps de s’installer. Sur la table, des listes de mots espagnols avec leur traduction en anglais. Ryan se dépêche d’avaler ses pâtes.  » Le moins qu’on puisse dire est que c’est agité. Je ne vis ici que depuis deux semaines. Ça se voit. Je n’ai pas encore de voiture, donc je dois demander l’aide du club. Il y a aussi la langue. On parle beaucoup moins anglais ici qu’à Bruges. J’ai vraiment besoin de cours d’espagnol. C’est du travail mais dans quelques mois, je serai heureux de parler une autre langue. Je vais bientôt avoir ma sixième leçon de deux heures. Au début, j’avais peur de parler. Quand j’ose et que les gens me répondent, je ne sais pas quoi faire car mon vocabulaire est limité.  »

 » RESTER À BRUGES AURAIT ÉTÉ BIEN AUSSI  »

Et le football, comment ça se passe ?

MATHEW RYAN : Très bien. J’ai dû forcer le respect de mes coéquipiers et du staff. Le premier match contre Monaco était important de ce point de vue. Il m’a calmé. J’ai pu justifier ma place au sein de l’équipe.

Tu doutais ?

RYAN : C’est normal pour un nouveau. On veut faire ses preuves. On ne me connaît pas bien, le club a payé une certaine somme, donc je veux prouver que je la vaux. Mais ça ne tourne pas à l’obsession.

Après deux ans en Belgique, tu méritais cette chance, non ?

RYAN : Oui, j’aime le penser… On veut aller le plus loin possible dans tous les métiers et ici, c’est le top en foot. Mais mes sentiments sont mitigés. Je veux atteindre le maximum avec mon équipe mais je n’ai gagné que la Coupe avec le Club, pas le titre. Puis Valence s’est présenté et m’a proposé davantage que Bruges. C’était trop intéressant pour refuser.

Dans quelle mesure tes vacances en ont-elles été gâchées ?

RYAN : Je n’ai été mis au courant qu’avant mon retour à Bruges.

Tu pensais rester un an de plus ?

RYAN : J’ai suivi le mouvement, sans projet. Partir était bien mais une troisième année en Belgique pour le titre l’était aussi. Bernie, un de mes meilleurs amis, a rejoint Bruges, il y avait le titre, éventuellement la Ligue des Champions. Devenir plus régulier… Une saison de plus ne m’aurait pas pesé.

Valence se situe juste en dessous de l’élite européenne absolue…

RYAN : Il faut progresser pas à pas. Les gens ici se croient au niveau du Real et du Barça mais vu de l’extérieur, ils sont juste en dessous.

On n’attend pas de toi que tu gagnes la Ligue des Champions.

Ryan : Oh si ! Ils la veulent. Un seul joueur ne dispose pas d’un contrat de longue durée et le club négocie avec lui. Les ambitions sont élevées. Elles ont été formulées clairement pendant nos discussions : gagner le championnat et la Ligue des Champions le plus vite possible. Pourquoi pas ? L’Atlético y est parvenu il y a deux ans. Champion, finaliste de la Ligue des Champions. Pourquoi Valence ne réussirait-il pas ?

MANQUE DE JUS

As-tu dû adapter ton style ?

RYAN : J’ai immédiatement remarqué que les joueurs avaient plus de qualités. En Belgique, le Gantois Milicevic peut effectuer les mêmes tirs mais c’est tout. Franchement, je ne suis pas encore en super-forme, aussi tôt dans la saison. La lecture du jeu vient avec le fitness. Tu as vu le match à Monaco ? Il y a eu quelques tirs… Je pensais chaque fois : -Ce ballon, je peux l’avoir… Mais il retombait plus vite que je ne le pensais. J’ai commis une petite erreur sur le premier but. Nous aurions pu mieux défendre, tous, mais je suis responsable. Ensuite, j’ai hésité en prenant d’autres décisions. Une erreur coûte de l’assurance. Je me suis détendu en seconde mi-temps. Je vais certainement adapter mon style. Sans vraiment douter de moi car si je suis ici, c’est parce que j’ai été performant.

Les accents sont-ils différents, à l’entraînement ?

RYAN : L’entraîneur des gardiens s’occupe aussi des internationaux espagnols. Durant ma première saison en Belgique, nous avons été rapidement éliminés des épreuves de coupes. Il ne nous restait que le championnat. J’ai bénéficié de nombreux entraînements et j’ai beaucoup travaillé mon physique. L’année dernière a été plus chargée. Pour la première fois de ma carrière, j’ai manqué de fraîcheur. Je n’étais pas au mieux de ma forme pendant les play-offs.

Cela a-t-il eu un impact sur ton jeu ?

RYAN : Oui. Tu ne l’as pas vu mais en me levant pour aller à l’entraînement, je n’avais qu’une envie : me recoucher. Je me concentrais plus difficilement. Je dormais mal. J’ai dû apprendre à me freiner à l’entraînement. L’entraîneur des gardiens de Valence mise sur la qualité plutôt que la quantité. Lors des exercices techniques, j’ai entre deux et quatre ballons. A Bruges, c’était huit ou dix. Je sentais que je travaillais. Ça paraît bête mais je me disais que si je ne travaillais pas dur, ça se verrait en match.

Ce n’est pas bête : c’est grâce à ce travail que tu es à Valence.

RYAN : Oui, mais je suis un fana du contrôle, du travail. Enfin, Valence est un grand club et joue beaucoup de matches. Nous travaillons dur, correctement, mais nous en faisons un minimum point de vue physique. Qui suis-je pour discuter avec quelqu’un qui entraîne Casillas, Reina, De Gea ? Encore qu’il dit lui-même qu’il a peut-être tort !

APPRENDRE / ÉTUDIER / DISCUTER

Tu as peut-être besoin de t’entraîner beaucoup pour bien te sentir ?

RYAN : Comme il le dit, chaque gardien est différent. Il me découvre à peine. Il n’arrête pas de m’observer pour voir les détails à améliorer.

Que pense-t-il de tes qualités ?

RYAN : Nous avons affronté l’Espagne au Mondial et il m’a dit avoir confié à Casillas et à Reina qu’il me trouvait bon.

Tu vois, ce Mondial qui t’a tant déçu a quand même eu un aspect positif !

RYAN : La première mi-temps contre l’Espagne a sans doute été ma meilleure là-bas. Le Mondial a constitué un apprentissage. Je voulais être le héros, signifier davantage pour l’équipe, mais je n’y suis pas parvenu. Le coach a sans doute compris qu’un jeune gardien dépourvu d’expérience européenne et découvrant ce niveau devait fatalement connaître des hauts et des bas. Je commence à le comprendre mais dans un premier temps, c’est la déception qui a dominé.

Tu as trop analysé l’adversaire ?

RYAN : Peut-être. Il faut analyser, pour dénicher le point faible de l’adversaire, mais sans perdre mesure. Le football n’est pas un livre. Je ne peux pas écrire le script d’un match. Il se passe toujours des choses auxquelles je ne suis pas préparé. J’essaie quand même d’en savoir le plus possible. Apprendre, c’est étudier, ici encore plus qu’à Bruges. Là, nous discutions surtout des penalties avant les matches. En équipe nationale et ici, on va plus loin : on me montre des clips de mes adversaires.

Tu as des devoirs ?

RYAN : Non. Diego, l’entraîneur des gardiens, nous dit : -Voilà les informations mais jouez comme vous le sentez sur le moment même. Chacun fait ce qu’il veut de ses infos.

Tu regardes Messi et Ronaldo ?

RYAN : Qui ? (Il rigole).

Tu es content de jouer contre Gand en Ligue des Champions ?

RYAN : J’ai croisé les doigts pendant le tirage au sort ! Retrouver la Belgique, affronter Gand. Je ne sais pas si j’aurai le temps de rencontrer des amis mais en tout cas, j’ai un oignon à peler avec Gand. I dislike them. Parce qu’il nous a battus et qu’il nous a pris le titre. J’espère gagner, pour Valence mais aussi un peu pour Bruges.

À POIL !

C’est vrai qu’après le Mondial, tu n’as plus voulu jouer en orange ?

RYAN : Non, qui dit ça ? Une fois, j’ai dit que je préférais ne pas porter d’orange en match, simplement parce que je préfère le rouge. Ça n’avait rien à voir avec les Pays-Bas ! Si je refusais de jouer avec une couleur dans laquelle j’ai commis une erreur, je devrais monter tout nu sur le terrain.

Tu ne te déshabilleras que si tu es champion ?

RYAN : Oui. Lors de ma présentation, on m’a demandé de montrer mon corps. J’ai répondu : -Seulement si on gagne le championnat. Près de 6.000 personnes assistaient à cette présentation ! Je savais que c’était un grand club, je m’attendais à quelque chose de grand mais la réception avant le match contre Monaco, les fans qui entouraient le bus… C’est à ce moment que j’ai réalisé l’ampleur du club. Plus de kinés, plus de médecins, un plus grand staff, tout a une autre dimension. Les gens me demandent parfois quelle ambiance règne à Mestalla. Je peux difficilement répondre car je suis tellement concentré sur les matches que je ne m’occupe pas beaucoup de l’ambiance.

Revenons sur la saison passée. Qu’est-ce qui a foiré pendant les play-offs ?

RYAN : C’est difficile à préciser. Une combinaison de fatigue, de blessures de joueurs-clefs et enfin, nous n’avons plus été assez bons. Je ne cherche pas d’excuses mais juste avant le début des play-offs, il y avait deux week-ends libres. Pour la finale de la Coupe et des matches internationaux, qui concernaient beaucoup de joueurs de Bruges et d’Anderlecht. Gand a eu deux semaines pour se régénérer, pas nous. Jouer en Coupe d’Europe n’est pas mauvais mais c’est difficile quand on divise les points acquis par deux. Plus les blessures et la fatigue. Si nous avions pu conserver notre avantage réel, nous aurions mieux géré l’aspect mental. Mais soit, à la fin, nous n’étions pas assez bons.

PAR PETER T’KINT A VALENCE – PHOTO’S IMAGEGLOBE

 » Lors des exercices techniques, j’ai entre deux et quatre ballons. A Bruges, c’était huit ou dix. Ici, c’est la qualité au lieu de la quantité.  » MATHEW RYAN

 » Je veux atteindre le maximum avec mon équipe mais je n’ai gagné que la Coupe avec Bruges, pas le titre.  » MATHEW RYAN

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