» Pourquoi Leekens aurait dû rester? Euh… ! « 

Le meilleur joueur de Grèce au parloir entre sa démonstration contre le Monténégro et le voyage à Wembley  » où quelques Diables peuvent faire basculer leur carrière « .

Pas de victoire et une sortie sous les sifflets du public ! Rien n’aurait changé chez les Diables, il n’y aurait pas d’effet Marc Wilmots.  » Ça fait mal « , soupire Kevin Mirallas (24 ans) après le nul décevant contre le Monténégro.  » Tout était là pour que ça se passe très bien. Un match à domicile face à un adversaire qui n’est pas dans le top européen, un nouveau coach, plein d’ambition et d’envie de gagner. C’était aussi l’occasion de prendre de la confiance pour aller à Wembley. « 

Le Liégeois qui cartonne en Grèce a fait son boulot en marquant son cinquième but avec les Diables et en provoquant le penalty. Et il s’est amusé.  » Marc Wilmots avait donné carte blanche à Eden Hazard, Dries Mertens et moi. Nous avons pris beaucoup de plaisir. C’est malheureux que ce match ait ressemblé aussi fort à plusieurs rendez-vous manqués des éliminatoires pour l’EURO : une Belgique dominante mais punie par de grosses erreurs. « 

Tu n’as pas été surpris de faire partie des premiers titulaires de l’ère Wilmots ?

Kevin Mirallas : Nous n’avions pas vraiment de repères, c’est toujours comme ça quand un nouvel entraîneur arrive. Un autre coach, c’est parfois une approche très différente et une nouvelle composition. Quand Wilmots m’a annoncé que je commencerais le match, il m’a dit : -Tu vas jouer sur le côté et fais-moi la même chose qu’avec l’Olympiacos, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Déjà à ce moment-là, je savourais parce qu’il y avait un paquet de joueurs offensifs dans le noyau et j’avais ses faveurs.

Samedi, c’est l’Angleterre. Ce match-là, tout le monde rêve de le jouer !

Absolument. Wembley, c’est mythique, le stade sera plein, il y aura des stars en face et du beau monde dans les tribunes. Je ne parle pas des spectateurs mais des scouts de grands clubs. Ce sera une vitrine magnifique. Rien qu’un match pareil peut faire basculer le destin d’un footballeur.

26 sélections, 26 matches

Tu as 26 sélections et tu as joué 26 matches : quand tu reviens en Belgique, c’est pour quelque chose !

Oui, c’est rare qu’un international soit systématiquement sur le terrain. Et moi, soit je commence, soit je rentre en cours de match. Il y aura bientôt cinq ans que je suis chez les Diables : les coaches ont défilé et ils m’ont tous fait confiance à un moment ou l’autre.

Mais tu as joué combien de rencontres complètes ?

Je ne sais pas… Est-ce qu’il y en a au moins eu une ? Pas sûr.

Une seule, en Estonie ! Ça veut dire que la confiance n’est quand même pas totale…

Quand un attaquant est remplacé, ça ne veut pas nécessairement dire qu’il a été mauvais. Tout le monde a envie de rester sur le terrain, mais quand un entraîneur me sort pour injecter de la fraîcheur, je comprends.

Tu jures que tu ne ressens jamais de l’injustice ou de la frustration ?

Ça dépend. Si je n’ai pas été bon, je suis fâché, frustré. Si j’ai été performant, je râle un peu mais je n’en rajoute pas : je fais signe au public, puis c’est bon… En tout cas, c’est ce que j’arrive à faire maintenant. Dans le temps, ça n’a pas toujours été comme ça. J’ai parfois eu des réactions épidermiques. Il m’a aussi fallu du temps pour comprendre que le joueur lui-même ne voit pas nécessairement les réalités d’un match. Quand tu es plongé dans le truc, tu ne vois pas tout, ou alors tu vois mal. Tu peux avoir l’impression que tu es bon alors que tu ne l’es pas. L’entraîneur fait la bonne analyse, pas toi.

C’est quoi, une réaction épidermique chez toi ?

J’en ai eu plus d’une fois, quand je n’avais pas encore compris que j’avais intérêt à prendre du recul. Cela fait partie de toutes les erreurs commises avant d’aller en Grèce, de ce qui m’a freiné. Cette saison, je n’ai eu qu’un seul coup de sang, et encore : il était assez maîtrisé et je suis vite retombé. Quand le coach de l’Olympiacos m’a fait sortir à dix minutes de la fin alors que nous étions menés, j’étais furieux et je suis rentré au vestiaire sans repasser par le banc. Un quart d’heure plus tard, j’avais déjà compris mon erreur, je me suis excusé auprès du staff et de tout le noyau : c’était terminé. En fait, l’entraîneur m’avait sorti parce que je venais de prendre un coup sur le genou et il voulait me préserver pour le match suivant, qui était hyper important. Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais touché. Quand je te dis que le joueur dans le feu de l’action n’a pas toujours la bonne vision des événements…

Tu sembles pourtant très calme ! Tu as deux visages ?

Dans la vie, je suis calme, par moments timide. Mais sur le terrain, je suis un autre homme, oui. Il m’est arrivé d’avoir des gestes déplacés. J’ai mis des coups, je me suis énervé sur des coéquipiers, j’ai pris des cartes rouges pour mes débordements. Une fois que tu retombes, tu es mal car tu te rends compte que les gosses dont tu es une idole risquent de faire la même chose le week-end qui suit ! Tout ça à cause de toi.

Foufou

Entre novembre 2009 et le match de vendredi, tu n’avais pas marqué une seule fois…

J’ai aussi eu quelques absences, hein ! (Il rigole). Il y a eu des périodes où on ne m’a plus appelé.

Comment tu gères tes périodes sans but, en club ou chez les Diables ?

Je refais à l’entraînement les gestes que je n’ose plus tenter en match à cause du manque de confiance. Et j’essaie de gérer au mieux les réactions parfois très négatives du public. J’ai par exemple été pris en grippe plus d’une fois par les supporters de Saint-Etienne. Quand tu as 20 ans, ce n’est pas simple. Là, j’ai pris une bonne claque. J’avais été transféré pour beaucoup d’argent et on a fini par m’y considérer comme un des pires transferts de l’histoire récente du club. C’est dur même si ça peut se comprendre : on avait dépensé 7 millions pour moi et j’ai été revendu à l’Olympiacos pour 2,5 millions. Mais je n’accuse personne : le premier responsable de l’échec, c’est moi. Si tu veux réussir, tu n’as qu’à vivre comme un pro. Ne pas prendre les temps nécessaires de repos, manger n’importe quoi et sortir, ça ne colle pas avec la vie d’un footballeur professionnel. J’étais un peu foufou. J’ai compris tout ça quand j’ai quitté Saint-Etienne et ça porte méchamment ses fruits. Depuis le jour où j’ai décidé d’être sérieux, ça roule…

Ton style de jeu a aussi évolué ?

Oui, j’ai beaucoup progressé dans la répétition des efforts, je sais enchaîner les missions offensives et défensives mais j’ai toujours la même première priorité : aller vers l’avant, foncer vers l’adversaire pour lui faire mal en étant dangereux en zone de finition.

Mais en Grèce, tu ne joues pas en pointe !

Non, jamais ! Je me rends compte qu’en Belgique, j’ai encore une étiquette de pur attaquant de pointe. Chez les jeunes, j’ai toujours joué à cette place-là. Mais c’est en ayant un autre rôle que je suis occupé à progresser. A Lille, Claude Puel m’a dit que j’étais fait pour jouer dans un couloir ou derrière la pointe. Je n’en croyais rien, et donc, je n’en faisais qu’à ma tête. Mon rapport avec lui était difficile. Pour moi, le flanc, ça voulait dire marquer peu de buts, centrer pour d’autres, et je ne m’y retrouvais pas, je voulais autre chose. Mais il avait raison. Progressivement, je me suis rendu compte que je pouvais faire encore plus mal en arrivant lancé. A la limite, je marque plus facilement quand je ne suis pas tout devant. Avec l’Olympiacos, je suis toujours à gauche ou deuxième attaquant, et alors, je tourne le plus souvent autour de Rafik Djebbour, j’ai pas mal de liberté.

Tu te compares à quel autre attaquant ?

Evidemment, je ne dis pas que je le vaux, mais je citerais David Villa. Quand il joue à gauche avec Barcelone, nous avons un peu les mêmes caractéristiques. Lui aussi, il va vite et il aime rentrer dans le jeu. Mais il est beaucoup plus méchant que moi devant le but et il sent mieux les coups. Moi, j’ai encore trop l’aspect ballon, je veux trop faire quelque chose de joli alors que je devrais plus penser à finir l’action au plus vite. Dans le haut niveau, il faut être direct !

 » Le départ de Leekens n’a traumatisé personne « 

Qu’est-ce que Wilmots vous apporte de plus que Leekens ?

Le départ de Leekens n’a pas bouleversé ou traumatisé le groupe…

Qu’est-ce qu’il t’a apporté ?

Je retiendrai que nous avons eu une relation difficile au début, à cause de l’un ou l’autre malentendu. Il n’avait pas apprécié que je dise dans la presse qu’il manquait de leaders dans le noyau, il s’était un peu braqué. Des bêtises. Dès que nous avons eu une bonne discussion entre quatre-z-yeux, notre relation est devenue nickel.

Donne-moi trois raisons pour lesquelles il était l’homme de la situation chez les Diables.

Il y a son franc-parler…

… tu trouves qu’il va droit au but ? C’est juste l’inverse, il tourne toujours autour du pot et ne répond jamais aux questions délicates !

Bah, peut-être avec les journalistes. Mais aux joueurs, il disait les choses en face.

Deux autres bonnes raisons ?…

(Il réfléchit). Je n’en vois pas, désolé…

Des raisons pour lesquelles il a eu raison de partir ?

Il s’est sans doute dit que c’était mieux pour lui de retourner dans un club. Peut-être qu’il s’ennuyait avec nous.

Tu as l’impression qu’il ne croyait plus au projet ?

Soit il ne croyait plus au projet, soit il a senti qu’il n’avait plus trop la confiance en interne.

Les Grecs vont à l’EURO : ils comprennent qu’on n’y aille pas ?

Pas du tout, c’est un mystère pour eux.

Qu’est-ce qu’ils disent ?

Il y a un an, ils se posaient déjà des questions. Après le transfert d’Axel Witsel à Benfica et le départ de Romelu Lukaku à Chelsea, ils ont été encore plus interpellés. Pour eux, c’est incompréhensible que les résultats des Diables ne soient pas meilleurs. Ils ont posé encore plus de questions après notre match contre eux en cours de saison. Ils m’ont fait remarquer qu’en Belgique, on savait super bien jouer au ballon et qu’on savait accélérer dès qu’on le décidait. Je dois alors leur expliquer que nous avons l’habitude de perdre un bête point ici, deux bêtes points là,…

 » C’est la guerre « 

En deux saisons à Saint-Etienne, tu as marqué trois buts. En deux ans à l’Olympiacos, tu en as mis 34… C’est tellement plus facile et ouvert là-bas ?

En plus de mon changement de comportement et de ma progression, ça s’explique aussi par le statut de l’Olympiacos. Quand tu joues dans le meilleur club du championnat, tu as plus de pression mais ça implique aussi beaucoup d’excitation. Tu sais que tu vas nécessairement faire la course en tête, tu es dans un noyau talentueux, ton club fait les plus gros transferts et offre les meilleurs salaires, les infrastructures sont au niveau du top européen alors que de nombreuses autres équipes ont des facilités qui ne valent que la D2, etc. Et pour un attaquant, c’est du bonheur d’avoir plein de grands joueurs autour. Nous avons souvent le ballon, nous attaquons tout le temps. Evidemment, le revers, c’est que tu joues dans l’équipe à battre. A chaque match à l’extérieur, c’est la guerre. Cette saison, nous n’avons gagné que deux matches en déplacement sans trop devoir forcer.

On t’a élu meilleur joueur du championnat, qu’est-ce que ça signifie pour toi ?

On m’avait mis en garde il y a un an : la saison de la confirmation est toujours très compliquée. Au bout de mon premier championnat en Grèce, j’étais meilleur buteur de l’Olympiacos, deuxième au classement, champion national et les supporters m’avaient élu meilleur joueur de l’équipe. Mon grand défi, c’était de faire encore mieux. C’est réussi : nous venons de faire le doublé, je suis meilleur buteur et meilleur joueur du championnat. Collectivement et individuellement, j’ai tout gagné !

Le public aurait voulu que tu deviennes capitaine !

Oui, on en a de plus en plus parlé mais j’ai fait savoir qu’il était plus logique de laisser le rôle au capitaine et au vice-capitaine actuels : deux internationaux grecs. Je serais très fier d’avoir le brassard, on me l’a d’ailleurs donné lors de notre tournée de fin de saison en Australie, mais il y a aussi une question de respect.

Le coach en pense quoi ?

Il m’a toujours fait confiance les yeux fermés, mais pour certaines choses bien précises, il ne veut pas me laisser carte-blanche. C’est peut-être mieux pour moi, il cherche à me protéger. Quand il laisse le brassard à un autre, c’est pour ça. Idem quand il me demande de ne pas tirer les penalties. Vu le statut que j’ai acquis en Grèce, on attend déjà de moi, chaque week-end, que je fasse des gestes techniques, que je marque, que je sois décisif. L’entraîneur estime que si je devais gérer en plus le dossier des penalties, ça pourrait être trop. Je n’en ai tiré qu’un cette saison. Si je les avais tous bottés, j’aurais sans doute mis encore quelques buts de plus.

C’est vrai que tu as vendu plus de maillots en deux ans que Rivaldo en trois saisons ?

Oui… On me demande d’aller à la boutique chaque fois qu’il y a une séance de dédicaces. Un jour, 3.000 supporters faisaient la file ! C’est une immense fierté d’avoir fait mieux que Rivaldo sur ce coup-là !

 » Les Grecs savent que c’est le gouvernement qui a foutu le bordel, pas les footballeurs « 

En deux ans, tu as gagné deux titres, une Coupe de Grèce, tu as été meilleur buteur et meilleur joueur du championnat. Tu n’as pas l’impression d’avoir fait le tour de la question ?

Tout le monde me dit ça, on veut me convaincre que c’est le bon moment pour partir, que je risque de faire l’année de trop. J’en ai encore discuté avec le président il y a quelques jours. Tout est clair : je ne m’en irai que pour un club du top européen. L’aspect familial et l’environnement joueront aussi. Ma femme accouchera dans un mois, je ne vais pas déménager n’importe où. Et je préfère Athènes, avec son soleil, à la grisaille du nord de l’Angleterre. La réflexion ne sera pas tellement financière. Le patron de l’Olympiacos est un armateur milliardaire, j’ai encore deux ans de contrat et je peux prolonger à tout moment en étant bien augmenté.

C’est quoi, pour toi, le top européen ?

Un club qui joue la Ligue des Champions, à la limite l’Europa League. Et une équipe qui fait d’office la course en tête dans son pays.

On te cite en Angleterre mais ce sera difficile d’aller tout en haut de l’affiche là-bas.

Il faut bien réfléchir. On a beaucoup parlé de moi à Everton et à Newcastle, par exemple. Il est possible d’aller dans un club pareil, de s’y mettre en évidence puis de signer encore plus haut, au top absolu. Mais on peut aussi rester des années dans une équipe du subtop, et ça, je n’y tiens pas. En quatre ans à Everton, qu’est-ce que Marouane Fellaini a gagné ? Rien du tout ! Moi, je veux jouer pour gagner des trophées.

Comment tu évalues tes chances de partir cet été ?

50 /50.

On parle même de toi au Bayern.

C’est du concret. Vraiment. A l’Olympiacos, ils sont au courant.

Tu te sens prêt pour un club pareil ? C’est le plus haut sommet européen !

Le Bayern, ça veut dire des stars mondiales, un énorme défi. Mais je vais avoir 25 ans et le train des meilleurs clubs du monde ne passe pas tous les ans. En plus, Daniel Van Buyten est mon meilleur ami.

Tu as une clause de départ ?

Oui : 8 millions.

L’Olympiacos ne connaît pas la crise ?

Absolument pas. Mais c’est clair que la crise grecque frappe à tous les niveaux, aussi dans le foot. De plus en plus de clubs sont encore plus forts dans un domaine qui est sport national en Turquie aussi : le paiement en retard des salaires. Par contre, dans les stades, c’est toujours blindé.

Comment tu vis la crise au quotidien ?

Depuis mon retour en Belgique… avec l’impression qu’on déforme fort la réalité. Je m’en suis déjà rendu compte pendant notre tournée en Australie. Quand on allume la télé, on peut penser que c’est le chaos total à Athènes, que les gens ne vivent plus, que le pays est au bord de la guerre civile. On n’en est pas là.

Il n’y a pas de réaction négative de la population par rapport aux footballeurs qui gagnent beaucoup d’argent ?

Aucune. Les gens ont un grand respect pour nous, ils savent que c’est le gouvernement qui a foutu le bordel, pas les joueurs de foot ! Nous sommes toujours fort idolâtrés et la colère ne retombe pas sur nous.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Il y aura bientôt 5 ans que je suis Diable : les coaches ont défilé et ils m’ont tous fait confiance. « 

 » Les Grecs ne comprennent pas pourquoi on ne va pas à l’EURO. « 

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