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Pourquoi Carrasco ne surprend plus

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

L’histoire nationale de Yannick Carrasco commence par un malheur. Le Colchonero a grandi dans la peau d’un ailier gauche dribbleur, mais est né sur le même territoire qu’Eden Hazard. Alors, la Belgique a dû le faire entrer dans un costume différent. Marc Wilmots avait tenté de l’installer à droite, mais ses dribbles ne faisaient alors peur à personne. Il y a un an, à Nicosie, Roberto Martinez a donc décidé de lancer la nouvelle vie nationale de Yannick en même temps que son 3-4-2-1. Placé dans un rôle de carrilero (joueur de couloir), il doit alors jouer très haut sur le flanc quand la Belgique a le ballon, et libérer des espaces entre les lignes pour Eden Hazard.

L’aventure commence bien. À Chypre, Carrasco dribble beaucoup, marque un but, et combine sans cesse avec Hazard sur un flanc gauche terrifiant. La Bosnie subit également l’ouragan Yannick, qui profite de sa position très écartée pour lancer les fameuses chevauchées balle au pied qui sont devenues sa marque de fabrique. L’auto-but d’Emir Spahic naît de ses pieds. Plus personne ne peut ignorer ce nouveau rôle, et son impact majuscule sur les offensives diaboliques. Alors, les adversaires s’adaptent.

La mue commence dans l’anonymat d’un déplacement à Gibraltar, rapidement réglé par un but supersonique de Christian Benteke. Ce soir-là, Carrasco est emprisonné dans le 5-4-1 des locaux, qui l’empêchent de recevoir le ballon très haut. Et le joueur de l’Atlético est gourmand. Il aime voir le ballon, le plus souvent possible. Alors, il décroche, se retourne et, malgré la masse d’adversaires qui se dresse face à lui, il fonce tête baissée. Ses dribbles réussis sont évidemment plus rares, mais il ne désespère jamais. Cela lui donne un côté agaçant, mais qui fait aussi de lui le Diable le plus entreprenant du match aller face aux Grecs, ou la source de l’ouverture du score de Michy Batshuayi contre les Tchèques.

Si son état de forme joue les montagnes russes, le style de Carrasco ne change jamais. Il est bien moins efficace, pourtant, quand les blessures d’Eden Hazard flanquent le Colchonero de Radja Nainggolan ou de Dries Mertens, qui profitent bien moins que le numéro 10 des espaces libérés par la position toujours intéressante de Yannick. Un placement audacieux, qui incite aussi les adversaires à chercher l’espoir d’un but dans son dos. Roberto Martinez est un homme rationnel, et a mesuré le risque : au ratio occasions créées / occasions concédées, la balance penche toujours du bon côté pour Carrasco.

Le but concédé en Grèce, le premier qui lui est vraiment imputable depuis le début de la campagne qualificative, n’y change sans doute pas grand-chose. Même s’il a rappelé à tout le monde que l’ailier n’avait rien d’un défenseur. Mais qu’importe : l’idée, c’est justement qu’il doive défendre le moins possible. De l’autre côté du terrain, le placement de Thomas Meunier était d’ailleurs loin d’être irréprochable, car c’est lui qui aurait dû être dans les pieds du centreur, qui offre si facilement le but égalisateur à Zeca.

Le côté gauche des Diables est surveillé de très près. Chaque mouvement de Carrasco est étudié, et le football belge commence à le rendre prévisible. La pire des choses, pour un dribbleur. Mais cette surveillance accrue libère aussi des espaces de l’autre côté du terrain. Thomas Meunier, trois buts et quatre passes décisives en deux matches, peut en témoigner.

GUILLAUME GAUTIER

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