POURQUOI ça crise

Voilà trois ans que le Racing n’arrive plus à faire honneur à son statut, si l’on excepte la Coupe de Belgique remportée en 2009.

Genk est, avec le Standard -et peut-être davantage encore car, au contraire des Liégeois, les Limbourgeois n’ont pas brillé sur la scène européenne – la grosse déception de la saison. Et surtout, voilà trois ans que cela dure : 10e en 2008, 8e en 2009 et encore 10e en 2010. C’est trop peu pour un club que l’on considérait comme le 4e grand du championnat de Belgique – un statut désormais revendiqué à juste titre par La Gantoise – et qui avait, du moins le croyait-on, avait lancé une politique de jeunes basée sur une vision à long terme. La conquête de la Coupe de Belgique 2009 n’a été qu’un arbre qui cachait la forêt.

 » Il y a tout à Genk, sauf les résultats  » (Herbert Houben)

On veut aujourd’hui repartir sur de nouvelles bases. Il est déjà acquis que Frankie Vercauteren restera coach : l’option a été levée. DirkDegraen reste directeur général, et depuis quelques mois, le club a un nouveau directeur sportif, HermanVermeulen (qui remplissait la fonction de scout depuis 2009) et un nouveau président HerbertHouben. Avec ses 38 ans et son physique de play-boy, c’est le plus jeune président de D1 : une modeste carrière d’arrière droit et de stoppeur à Genk VV jusqu’à ses 18 ans lorsque ses activités de… disc-jockey devinrent incompatibles avec la pratique sportive.

Aujourd’hui, il gère une étude notariale :  » En fait, Genk avait auparavant deux présidents. JosVaessen était le président du conseil d’administration alors qu’ HarryLemmens était le président du club. En juin 2009, j’ai succédé à Vaessen à la tête du conseil d’administration et je me suis efforcé de réaliser le plan Vergoossen, qui consistait à restructurer le club. On a pris un directeur général, Degraen, et l’intention était d’en arriver à un seul président. Pourquoi ? Parce qu’on a constaté que la grande partie du travail du président du club était, en réalité, celle du directeur général. Finalement, suite aux circonstances, Lemmens s’est retiré (tout en restant administrateur) et le conseil d’administration a décidé de poursuivre avec un seul président : moi, en l’occurrence.  »

Ses premières impressions ?  » Sur le plan sportif, on a encore beaucoup de travail. Sur le plan de la restructuration, en revanche, on est prêt : l’organigramme est fixé, toutes les fonctions sont remplies. « 

Houben était entré au club comme administrateur, il y a huit ans, à la demande de Vaessen pour s’occuper de tout ce qui ne concernait pas le football : les assurances, le patrimoine, les contacts avec les autorités, etc. Il veut rester logique avec lui-même : comme il n’était pas entré au club pour s’occuper de football, il s’en mêlera le moins possible.  » C’est la tâche de Vermeulen. En concertation avec la cellule sportive, il devra analyser le noyau et suggérer ce qu’il convient de faire. Si l’on nomme quelqu’un à un poste important, on doit lui donner des responsabilités. « 

Certains s’attendent à une grande lessive.  » Ce ne sera pas le cas « , corrige Houben.  » A l’exception de Tiago, tous les joueurs sont encore sous contrat et il n’entre pas dans nos intentions de les virer. Certes, si certains souhaitent partir, on ne les retiendra pas. Dans ces play-offs II, les joueurs reçoivent aussi l’occasion de démontrer s’ils veulent rester ou pas. Mais ce n’est pas à nous à faire tourner le carrousel des transferts.  »

Houben admet que deux 10e places et une 8e place en trois ans, c’est trop peu pour un club qui possède un budget oscillant entre 16 et 18 millions, soit le 4e ou 5e de l’élite.  » Sur le plan purement footballistique, on a de bons joueurs « , estime-t-il.  » Mais ils ne sont pas toujours prêts à se donner à 100 %. C’est sur le plan mental que le bât blesse. Le contraire de nos voisins de Saint-Trond, par exemple, qui – et c’est un comble pour Genk – doivent être cités en exemple sur ce plan-là. On a trop peu de leaders dans notre groupe. « 

Trop de nationalités différentes, aussi ?  » L’un découle de l’autre. Sur le marché des transferts, on ne devra pas forcément engager des footballeurs géniaux mais des gens qui ont une mentalité à toute épreuve et peuvent s’ériger en leaders.  » Et surtout belges ?  » C’est vous qui le dites, mais cela me paraît une déduction logique. Encore faut-il qu’ils soient abordables, financièrement. On manque aussi de buteurs dans l’équipe. Si l’on peut résoudre le problème de l’efficacité, on aura déjà fait un grand pas. Car notre défense est l’une des trois ou quatre moins perméables. On ne doit pas penser qu’on résoudra tout avec de l’argent. Les compétences, c’est plus important que l’argent. Une grande équipe ne s’achète pas, elle se construit. Il faut être patient. On ne solutionnera pas tous les problèmes avec une seule période de transferts. Cela doit se faire en plusieurs étapes. D’abord veiller à mériter une place dans les play-offs I, puis éventuellement viser plus haut. On doit se stabiliser dans le sub-top avant de viser le top. « 

Quant à l’école des jeunes ?  » Elle est toujours performante, et certains talents peuvent percer, mais à eux aussi on doit laisser le temps de mûrir. C’est mon rêve, peut-être mon seul rêve, dans le football : avoir un jeune, issu de l’école de jeunes, qui s’érige en véritable vedette de l’équipe. Pas seulement un faire-valoir, mais une figure emblématique. Ce rêve-là, j’aimerais le réaliser. « 

Ces dernières années, le taux de fréquentation de la Crystal Arena a baissé.  » C’est logique « , estime Houben.  » D’une part, on doit faire face à la crise économique mondiale, et d’autre part, les résultats sportifs n’incitent pas les gens à se rendre massivement au stade. On tient compte de cette donnée dans le budget. « 

Le sponsoring, en revanche, est stable.  » Nos cinq sponsors principaux, dont le contrat se terminait en fin de saison, ont tous prolongé, et à de meilleures conditions. C’est une belle marque de confiance. Ils ne l’ont pas fait pour mes beaux yeux, mais parce qu’ils obtiennent un return intéressant sur leur investissement.  »

Voilà au moins un point positif. Le seul, peut-être.  » Non, pas du tout. En réalité, il n’y a qu’un seul point négatif : c’est qu’on n’a pas pris assez de points. Tout le reste est positif à Genk. On a tout dans ce club : du public, des sponsors, un beau stade – peut-être le plus beau de Belgique – qui a encore été modernisé il y a trois ans et qui pourrait être agrandi si la Belgique obtenait l’organisation de la Coupe du Monde 2018. Genk reviendra au sommet, je vous l’assure. « 

 » Une ambiance pourrie et le départ de Poco  » (Hugo Broos)

HugoBroos est le dernier entraîneur à avoir connu le succès en championnat avec Genk : en 2007, le club limbourgeois termina 2e. Mais huit mois plus tard, Broos n’était plus assez bon : il fut remercié en février 2008.  » On restait sur une série de 1 point sur 21 « , se souvient-il.  » La situation était devenue très difficile. Mais il faut se demander pourquoi on était devenu aussi peu performant. Pour moi, l’une des explications réside dans l’ambiance pourrie du vestiaire. Il y avait des clans, chacun se regardait en chiens de faïence. Le groupe avait explosé. Je n’aime pas citer des noms, mais un garçon comme MomoDahmane n’était pas étranger à cette ambiance pourrie : ce gars-là est ingérable.  »

Il n’y avait pas que cela : sportivement, l’équipe avait été déforcée.  » On n’a jamais réussi à remplacer SébastienPocognoli « , reconnaît Broos.  » Le club a touché trois millions de l’AZ, mais au bout du compte, on peut se dire que cette somme n’a pas compensé le manque à gagner lié à la perte des résultats sportifs et de tout ce qui en découle. Peut-être les dirigeants de Genk craignaient-ils de revivre la même mésaventure qu’avec StevenDefour un an plus tôt, et n’ont-ils pas osé retenir Poco ? Il y a aussi eu la grave blessure de ThomasChatelle. J’en avais fait mon capitaine et ce fut peut-être la meilleure décision que j’ai prise à Genk : c’était un vrai leader de vestiaire. Mais un jour, Chatelle m’a dit : – Coach, avecl’ambiancequirègnedanslegroupe, cen’estpluspossibled’entreprendrequelquechose ! Si lui-même le disait…  »

Aujourd’hui, Genk est devenu une véritable tour de Babel.  » Je suis trop loin pour juger la situation actuelle « , précise Broos.  » Mais c’est vrai qu’à mon époque, il y avait une base belge importante. Des gars comme WouterVrancken et WimDeDecker étaient également capables de tenir la baraque. Je ne retrouve plus cela aujourd’hui.  »

Broos pointe aussi les ambitions peut-être démesurées du club :  » Lorsque j’étais 2e, ce n’était pas suffisant : il aurait fallu être champion. 5e, en 2006, ce n’était forcément pas suffisant non plus. Idem pour la 4e place de RenéVandereycken : c’était trop bas…  »

 » Trop de pression émanant de l’extérieur  » (Ronny Van Geneugden)

C’est RonnyVanGeneugden qui succéda à Broos en février 2008. Il n’a pas souvenance de la mauvaise ambiance qui régnait dans le vestiaire. En revanche, il se souvient des circonstances qui l’ont amené à la tête de l’équipe Première.  » Une décision a été prise après le match perdu à domicile contre Saint-Trond. Le comité m’a demandé d’assurer la fin de la saison, et plus si affinités. Qu’il y avait des deux côtés puisque j’ai été prolongé. J’ai demandé quelles étaient les ambitions du club, on m’a répondu : être européen, que ce soit en terminant parmi le quatre premiers du championnat ou en remportant la Coupe. Dans le même temps, il fallait faciliter le passage des jeunes vers l’équipe Première.  »

A l’époque, Genk avait effectivement adopté une politique stipulant que le club ne transférerait pas de joueurs de l’extérieur s’il y avait, dans le réservoir des jeunes, un élément susceptible d’occuper cette position à court terme.  » Mais il y avait quatre positions pour lesquelles on ne trouvait pas de joueur adéquat dans notre vivier « , se souvient Van Geneugden.  » C’était celle de défenseur central (on a transféré JoaoCarlos), de milieu gauche ( DanielTözser), d’arrière gauche ( DanielPudil) et d’attaquant ( AdamNemec, plus le retour de MarvinOgunjimi qui avait été prêté au RKC Waalwijk). Je pense qu’on a disputé une saison 2008-2009 tout à fait correcte. Au moment où j’ai quitté le club, c’est-à-dire en mars 2009, Genk occupait la 4e place (à trois points de Bruges) et était demi-finaliste de la Coupe. Le seul regret que je nourris, c’est que malgré le fait qu’on était dans les temps pour réaliser les objectifs proclamés (top 4 + Coupe), je ne sois pas parvenu à garder la sérénité au sein du club. Visiblement, certaines personnes – je ne citerai pas de noms – en voulaient toujours plus. En principe, lorsque le monde extérieur exerce une certaine forme de pression, les gens du club devraient calmer le jeu. A Genk, ce n’était pas le cas.  »

Un autre regret est sans doute le fait qu’il n’ait pas pu récupérer son poste de responsable du centre de formation, comme on le lui avait promis.  » Début mars, j’avais moi-même demandé à effectuer un pas en arrière : quitter mon poste d’entraîneur en chef pour retourner au centre de formation. Si cela pouvait aider à rétablir le calme… Mais, fin avril, on m’a annoncé qu’on ne souhaitait plus poursuivre la collaboration avec moi. Ni comme entraîneur en chef, ni comme responsable du centre de formation. « 

De peur qu’il n’influe sur le travail du nouvel entraîneur ? C’est ce qui a été chuchoté, mais Van Geneugden n’ose pas se prononcer. Après tout, Vercauteren n’avait pas récupéré son poste à Anderlecht non plus, après avoir été viré comme entraîneur. Van Geneugden avait pourtant effectué du bon travail. S’il y avait neuf joueurs de Genk dans la sélection U17 qui fut demi-finaliste de l’EURO 2007, c’était grâce à lui.  » Au total, 34 joueurs qui sont passés par le centre de formation de Genk durant mon époque sont aujourd’hui footballeurs professionnels, que ce soit en Belgique ou aux Pays-Bas « , constate-t-il fièrement.  » Je peux garder la tête haute lorsque j’effectue le bilan de mes six années au Racing. « 

Van Geneugden habite toujours à Genk, dans une belle maison qu’il occupe depuis 16 ans et où il attend un coup de fil d’un éventuel employeur… qui ne se manifeste pas.  » Genk parle de trois saisons catastrophiques : je ne suis pas d’accord « , affirme-t-il.  » En 2009, le club a gagné la Coupe. C’est un trophée qu’on n’apprécie pas à sa juste valeur. J’admets que les premiers mois qui ont suivi mon limogeage ont été durs à vivre. Aujourd’hui, j’ai enfin réussi à tourner la page Genk et à regarder vers l’avenir. « 

par Daniel Devos – photos: belga

Dahmane n’était pas étranger à cette ambiance pourrie : ce gars-là est ingérable. (Hugo Broos)

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