POURQUOI BOUSSOUFA PREND DES RISQUES

Il y a un quart de siècle, les footballeurs africains n’avaient qu’une seule idée en tête : rejoindre un club européen, quel que soit leur point de chute. Plusieurs noms célèbres ont dès lors entamé leur carrière sur le Vieux Continent dans des équipes modestes. A l’image du Camerounais Roger Milla à Valenciennes, du Ghanéen Abedi Pelé à Niort ou du Nigérian Jay-Jay Okocha au Borussia Neunkirchen. Le sub-top belge, à cette époque, avait accueilli quelques futurs grands noms aussi, comme le Nigérian Stephen Keshi à Lokeren, le Sénégalais Jules Bocandé à Tournai ou le Guinéen Souleymane Oulare à Eeklo. Seul le Marocain Mohamed Timoumi était alors l’exception confirmant la règle : après deux années à Daknam, le Ballon d’Or africain 1985 décida, à 28 ans à peine, de mettre le cap sur les pays du golfe Persique pour y poursuivre sa trajectoire sportive.

Depuis lors, les pétrodollars des Emirats ont constitué un attrait pour de plus en plus de joueurs. L’international algérien Rafik Saïfi, présent au dernier Mondial, jouait alors à Al Khor (Qatar), au même titre que le Burkinabé Moumouni Dagano dont beaucoup se souviennent toujours à Genk. L’Ivoirien Aruna Dindane, autre figure bien connue chez nous, évolue dans le même pays, à Al Shorta, tandis que le Guinéen Pascal Feindouno défend les couleurs d’Al Sad Doha. Le Congolais Trésor Lua-Lua joue à Al Arabi Doha. D’autres ont trouvé refuge dans le même coin. Comme le Marocain Amin El Arbati à Al Wahda, Abu-Dhabi ou l’Angolais André Macanga à Al Kuwait Sports.

Il n’y a toutefois pas que cette région-là qui interpelle les joueurs. La Russie, de même que les républiques de l’ex-URSS constituent elles aussi un pôle d’attraction.  » Voici une bonne dizaine d’années, les Africains constituaient encore une denrée rare chez nous « , commente Boris Bogdonov du quotidien moscovite Sport-Express. Il y avait là le Camerounais Jerry Tchujse au Spartak Moscou et le Nigérian Ajibade Babalade à Alania Vladikavkaz, en Ossétie. Une demi-douzaine d’autres étaient répertoriés en Ukraine, comme le Guinéen Alkaly Soumah à Karpaty Lviv ou les Nigérians Yakubu Ayegbeni au Dinamo Kiev et ses compatriotes Isac Okoronkwo au Shakhtar Donetsk et Daniel Njoku à Vorskla Poltava. Depuis lors, il y a eu une véritable explosion. Pas mal d’autres clubs se sont inspirés de cet exemple. Le FC Kuban Krasnodar a fait appel au Ghanéen Haminu Dramani et à l’Angolais Francisco Zuela. Le Krylia Samara compte en ses rangs le Sud-Africain Matthew Booth et le Metalist Kharkiv s’appuie sur le Sénégalais Papa Gueye. La Tchétchénie n’est pas demeurée en reste non plus, avec l’engagement de deux Camerounais : Guy-Stéphane Essame et Jean Bouli. Récemment, l’Anzji Makhatchkala a imité cet exemple avec l’embrigadement de Roberto Carlos et de Joao Carlos.  »

 » Le propos du président de ce club, Suleyman Kerimov, par ailleurs représentant du Daguestan auprès du Parlement russe, est de construire une équipe des plus compétitives, capable de battre en brèche la suprématie des grands de Moscou, comme le Rubin Kazan l’a fait ces dernières années « , observe Dimitri Vivodtzev, un politologue spécialiste du Caucase et auteur de la publication Foot et politique dans le Caucase russe (www.suite101.fr)  » L’homme est tout simplement désireux d’attirer les meilleurs, à l’image des deux Brésiliens qu’il vient de recruter. L’arrivée de Mbark Boussoufa à l’Anzji doit être perçu comme une victoire de prestige vis-à-vis de son voisin tchétchène Terek Grozny, dirigé par un homme aussi riche que lui, Ramzan Kadyrov, soucieux lui aussi de monter un grand club afin de redorer le blason d’une région volontiers synonyme de violence et de corruption. Accessoirement, le fait que le joueur soit musulman est sûrement perçu comme un plus aussi. Je pense qu’en matière d’adaptation, ce sera plus facile pour lui de composer avec l’islam, en vigueur là-bas, que pour un non-musulman. L’ex-URSS dans son ensemble n’est probablement pas un exil rêvé pour les joueurs africains. Et en particulier pour les Noirs. Beaucoup sont attirés a priori par l’argent. Mais compte tenu des difficultés d’intégration, ils rebroussent souvent chemin très vite. Comme le Guinéen Ismaël Bangoura qui a quitté le Dinamo Kiev après deux saisons à peine en 2009 pour le Stade Rennais, qui lui offrait moins d’argent. Kiev, c’est pourtant autre chose que Makhatchkala ou Grozny, même si tout porte à croire que les étrangers n’y passeront qu’un minimum de temps. Ceux de Grozny résident généralement dans des demeures d’anciens apparatchiks à Kislovodsk, une ville thermale située à 250 kilomètres de la capitale. Pour les joueurs de l’Anzji, c’est différent : ils s’entraînent le plus souvent à Moscou et ne rallient Makhatchkala que pour les matches. C’est une situation déjà plus favorable. Mais est-ce suffisant pour qu’ils aillent tous au bout de leur bail ? La question mérite d’être posée « .

 » Ce sera plus facile pour lui que pour un non-musulman de composer avec l’islam en vigueur là-bas. « 

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