Pourquoi a-t-on oublié de Sart ?

L’entraîneur des Olympiques nous parle de son avenir et revient sur l’épopée chinoise :  » Le foot belge a connu un avant et un après JO. « 

A Oreye aussi, on s’apprête à fêter la fin d’année. Les guirlandes lumineuses sont moins nombreuses que dans les grandes villes mais l’envie est là. La cité respire l’odeur de la chicorée que l’ancienne sucrerie crache par ses longues cheminées. Juste en face, une petite banque ING rassure les clients inquiets par la crise internationale. C’est là que Jean-François de Sart officie. Il a repris son rythme quotidien après un été chargé d’émotion. A le voir vaquer à ses occupations, on en oublierait que de Sart pourrait revendiquer le titre d’Homme de l’Année dans le monde du football, tant il a fourni, à la tête de l’équipe olympique, la dose d’adrénaline que la Belgique attendait depuis des années.

 » On revenait de Chine le dimanche, et le mardi, j’étais déjà à la banque. Tout cela est passé très vite. Il y a des échéances qui tombent et je n’ai pas eu le temps de traîner en chemin. L’agence avait bien tourné grâce à mes trois employés et comme il s’agissait de la période de vacances, traditionnellement moins agitée, je n’ai pas eu de retard à rattraper. De toute façon, je ne me plains pas. Cela m’a permis de me replonger dans la réalité et de reprendre pied. « 

Cela fait maintenant des années que de Sart navigue dans le monde du football pro mais, grâce à la banque, il peut garder de la hauteur par rapport aux événements :  » J’ai toujours connu cette dualité. Déjà comme joueur, je possédais un bureau que j’ouvrais deux fois deux heures par semaine. Cela m’a toujours permis de rester en contact avec la vie quotidienne, de ne pas être en permanence dans la bulle footballistique. Ici, je discute de la situation financière de mes clients mais aussi parfois de leur vie privée. Je suis en phase avec la réalité quotidienne. « 

L’anonymat de la petite cité hesbignonne ne cadre absolument pas avec l’année que vient de vivre de Sart. Car un seul mot peut résumer 2008 : bouillonnement. Tant sur le plan sportif avec l’épopée des Olympiques à Pékin que sur le plan professionnel avec la crise financière qui a touché les banques :  » En tant qu’agent bancaire, je n’ai pas été tellement touché. Au contraire, on a accueilli de nouveaux clients. En termes d’activité, il n’y a pas eu d’implication directe. Du moins pas encore car la chute des marchés boursiers peut avoir une incidence à terme. « 

Entraîneur ? Directeur Technique ? Responsable des jeunes ?

Celui à qui on promettait, en août, un bel avenir dans le football belge est aujourd’hui en roue libre. Son contrat avec la Fédération court jusqu’en juin 2009 mais il ne déborde pas de travail puisque les Espoirs ne disputeront plus de matches avant le prochain mois de septembre :  » On ne peut pas dire que les résultats forgés aux Jeux Olympiques n’ont pas eu d’incidence pour moi. Mon image est bonne. Que ce soit dans le football belge ou en dehors de nos frontières. J’ai noué des contacts internationaux qui n’existaient pas dans le passé. Et quand un entraîneur est viré, mon nom est directement cité. Sur une carte de visite, une demi-finale à l’Euro Espoirs et une demi-finale aux Jeux Olympiques, cela procure un beau palmarès. « 

Pourtant rien n’aboutit. Lorsque Roulers s’était présenté, certains avaient dit que de Sart se réservait pour le premier club francophone qui limogerait son entraîneur. Depuis lors, Charleroi a privilégié la piste écossaise et Mons élague les candidatures.  » Je pense que si quelque chose doit se passer, ce sera davantage pour la saison prochaine. Ce serait plus logique « . Ah bon ? Au risque peut-être de se voir oublié par un microcosme qui ne retient souvent que les exploits encore frais.  » Je ne pense pas. Et puis ma situation professionnelle est ce qu’elle est. Je pense que j’ai réussi ma reconversion et je ne peux pas laisser tout ce que j’ai construit pour un projet à court terme. Je suis dans une position dans laquelle je peux choisir. J’ai un profil avec des qualités et des défauts. Certes, je suis sur le marché, mais signer dans un club pour six mois ne m’intéresse pas. Moi, j’ai une vue à moyen terme et j’ose espérer qu’il existe encore des clubs qui ont ce type de projet. « 

Certains n’hésiteront pas à dire que de Sart est gourmand. On choisira plutôt le terme visionnaire.  » En divisions inférieures ? C’est possible s’il y a un véritable projet. Je sais que c’est paradoxal de demander de la stabilité dans un club de football mais c’est, je pense, une garantie de succès « . Le poste décrit par de Sart ressemble finalement davantage à celui de directeur technique ou de responsable de l’école des jeunes :  » Oui, c’est vrai. Tout est possible. Je n’ai pas d’a priori. Ce qui m’intéresse, c’est le projet qui se cache derrière la fonction et la mesure dans laquelle ma compétence peut être utilisée. Je n’ai pas besoin de la lumière pour travailler et je possède assez d’expérience pour savoir comment le milieu fonctionne. « 

Parfois, le discours de de Sart prend des allures très politiciennes.  » La politique ? J’ai envie de faire progresser les choses. Même au niveau du sport en général car on est en train de reculer de façon inquiétante en termes de politique sportive. J’ai passé une journée au Spiroudôme avec le ministre Dupont et quand je vois ce que le sport peut apporter comme école de vie, je me rends compte qu’on est en train de passer à côté de quelque chose de fondamental. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir une certaine image et un temps de parole. Je n’ai reçu aucune proposition concrète d’un parti politique mais j’ai envie de collaborer et d’aborder avec les responsables notamment la formation des jeunes. Cette problématique mérite l’attention de tous. Dans son plan de relance économique, le gouvernement parle de grands travaux. Pourquoi pas des infrastructures sportives ? Et investir dans des formateurs ?  »

 » Il faut remonter à 2004 pour expliquer les résultats de 2008 « 

De Chine, il lui reste encore quelques regrets ( » Quand on voit à quel niveau évoluent aujourd’hui Vincent Kompany et Marouane Fellaini, on se dit que si ces deux-là, voire Steven Defour et Axel Witsel avaient été présents en demi-finales, on aurait pu aller encore plus loin « ), des souvenirs et le sentiment du travail accompli.  » Avec ce groupe, on a vécu deux grandes expériences. Inévitablement, des liens se créent et sur un mois, il y a eu des discussions mais pas de conflits, ni de dérapages. J’accorde une grande importance à la notion de respect. Moi, je respecte leur jeunesse, leur enthousiasme, leurs envies. J’ai essayé de comprendre leurs états d’âme. Et je pense qu’eux ont respecté mon approche du travail. J’avais un rôle de guide.  »

De Sart a donc atteint son nirvana à Pékin. La juste récompense d’un travail de fond de dix ans à la tête des Espoirs.  » Il faut remonter quatre ans en arrière pour expliquer la genèse de ces résultats, lorsque la levée de 1983 avec les Silvio Proto, Mark De Man, Kevin Vandenbergh et Pieterjan Monteyne a été éliminée lors des barrages face à l’Ukraine qui allait atteindre la finale de l’Euro. On avait battu notamment l’Espagne d’ Andres Iniesta et de Cesc Fabregas. Pour moi, tout débute là. A ce moment, on a pris conscience qu’on pouvait faire quelque chose de grand. Je ne suis pas déçu ni surpris de l’évolution de ces joueurs-là. Lorsqu’on les a en Espoirs, ils sont encore en phase de développement. Certains ne franchissent pas le dernier échelon à cause de leur mental. D’autres ne progressent plus. Une carrière se construit pas à pas. Ceux qui sont montés trop vite au top connaissent un coup de bambou. Je pense notamment à Jurgen Cavens ou Carl Hoefkens qui ont vécu des années difficiles avant de rebondir.  »

Aujourd’hui, de Sart regarde les A, ce noyau pris d’assaut par ses jeunes pousses, avec fierté.  » Si les Diables Rouges fonctionnent maintenant, c’est parce que les jeunes ont pris confiance et ont acquis de l’ambition en -21 ans. On peut dire que le football belge a connu un avant et un après Jeux Olympiques. « 

Et quand on lui fait remarquer que le sélectionneur fédéral, René Vandereycken, applique désormais les recettes des Olympiques, il lâche :  » Tant mieux si mes recettes sont reprises au dessus !  »

par stéphane vande velde

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