Pour ou contre Biglia

El Principito, le Petit Prince. Tel était son surnom lors de son arrivée en 2006 comme capitaine des -20 argentins. L’ex-joueur d’Independiente allait y faire honneur en devenant Jeune Pro de l’Année. Mais les autres consécrations individuelles se font attendre. Et pire encore, l’émerveillement qu’il suscitait a fait place, par moments, à l’agacement. En cause, sa fâcheuse propension à trop conserver le ballon et le manque de profondeur de son jeu. L’aurait-on surévalué ?

Pour Il permet des variantes dans l’entrejeu

Bizarrement, si l’écolage de Lucas Biglia comme milieu de terrain a été rigide, il n’en autorise pas moins les approches les plus différentes au sein de la ligne médiane. L’Argentin a ainsi déjà opéré dans un entrejeu à trois (avec Guillaume Gillet et Jan Polak à ses côtés) dont il formait seul la base. On l’a également retrouvé dans une même configuration mais avec le Tchèque à sa gauche et le Liégeois au sommet du triangle. La dernière variante, c’est une association, toujours avec Polak, devant la défense, en soutien d’une deuxième ligne offensive constituée de Gillet, Mbark Boussoufa et Jonathan Legear.

C’est celle qui convient sans doute le mieux au Sporting actuel. Dans ce cas de figure, Biglia n’est plus seul pour opérer le travail défensif. Quant à Gillet, qui a horreur de jouer dans les couloirs, il évolue toujours là dans une position plus ou moins axiale. De fait, il n’y a que dans un 4-4-2 qu’il y aurait pas mal à redire. Car Gillet et Legear ne sont pas de véritables créateurs excentrés. Et Polak ainsi que Biglia n’ont pas non plus l’étoffe de créateurs.

Une régularité de métronome

Depuis ses débuts en 2006, Biglia a invariablement été synonyme de constance à un haut niveau. S’il n’a jamais été crédité d’un 9 sur 10, il n’est à aucun moment non plus passé à côté d’un match au point de valoir moins que 5. Ses cotes oscillent toujours entre 6 et 8, attestant d’une régularité de tous les instants. Elle se retrouve aussi en matière de matches joués.

Si son pote, Nicolas Frutos, est affublé quelquefois du sobriquet d’ Homme de Verre, le Petit Prince, de son côté, mériterait amplement le surnom d’Homme de Fer car on peut pour ainsi dire compter sur les doigts d’une seule main le nombre de matches qu’il a loupés pour cause de blessure. Et en matière d’avertissements, le topo est du pareil au même.

L’intelligence en mouvement

Il a indubitablement un sixième sens qui lui permet, dans sa zone, d’être toujours là où se trouve le ballon. L’Argentin est aussi de ceux qui se dépensent sans compter. Constamment en mouvement, il se multiplie tour à tour à gauche et à droite et vice-versa. Avec Jelle Van Damme et Polak, il fait partie des joueurs anderlechtois qui couvrent le plus de kilomètres sur la pelouse : entre 10 et 13 par match.

Par rapport à bon nombre de ses collègues, qui éprouvent parfois du mal avec la conduite du ballon, notre homme se signale très souvent par la précision de son jeu en un temps. Même si d’aucuns souligneront qu’il a souvent tendance à monopoliser tant et plus le cuir ou qu’il a tendance à chercher la solution de facilité en alertant un partenaire à l’arrière ou sur les flancs mais rarement en profondeur.

Une couverture de balle exceptionnelle

Autant il parvient à déposséder un adversaire du ballon au prix d’un placement des plus judicieux ou d’une intervention sans tache, autant il est lui-même dur à priver du cuir. Avec un centre de gravité très bas, il est toujours bien campé sur ses jambes et use généralement de tout son corps pour faire écran.

Il n’a pas besoin de tacler non plus. Chez lui, tout se fait toujours debout. Il parvient à garder l’équilibre en toutes circonstances, à la manière d’un Zinédine Zidane.

Une frappe intéressante sur phases arrêtées

Pendant deux ans, quasiment, il avait plutôt bien caché son jeu en ne tirant jamais au goal. A l’occasion d’un Anderlecht-Brussels en toute fin de saison, voici deux ans, on l’a vu botter un penalty en pleine lucarne de Patrick Nys. S’il ne s’est plus exécuté, depuis lors, il lui incombe de plus en plus fréquemment de frapper les coups francs à destination de ses partenaires dans le camp adverse.

Un collègue apprécié de tous

Réservé à ses débuts, il s’est épanoui, au point d’avoir rang d’ambianceur aujourd’hui. Alors qu’il se réfugiait volontiers, lors de ses premiers mois, chez Frutos ou du team-manager José Garcia, Biglia chaperonne à présent le dernier Argentin arrivé, Matias Suarez, aussi discret et timide que lui autrefois.

Un joueur bien en cour

L’intérêt pour sa personne ne s’est jamais démenti. De la part des clubs espagnols d’abord puisque tour à tour l’Atletico Madrid (où évolue actuellement son ancien partenaire de l’Independiente, Sergio Agüero), Villarreal et le Racing Santander l’ont eu dans le viseur à un moment donné. Ces derniers mois, il a fait l’objet d’un suivi de la part des Turcs de Trabzonspor et de Fenerbahce.

A choisir, il aimerait aboutir en Espagne, histoire d’imiter son bon complice Nicolas Pareja, passé à l’Espanyol Barcelone l’été passé. L’Italie, pays dont ses grands-parents maternels sont originaires, recueille son adhésion aussi. En principe, la direction du RSCA ne devrait pas éprouver de problèmes à récupérer sa mise (3 millions d’euros)…

Contre Un formatage trop uniforme

A l’image de ses compatriotes Esteban Cambiasso de l’Inter Milan et Fernando Gago du Real Madrid, Lucas Biglia est le produit d’une formation footballistique sans doute trop uniforme au pays. Elevé en tant que demi contrôleur, son rôle s’est toujours borné à récupérer le ballon devant la défense avant de le transmettre à un équipier, chargé, lui, d’apporter la profondeur. Il a donc besoin d’un relayeur, ou d’un infiltreur à ses côtés, ce qui est le cas à Anderlecht avec Jan Polak et Guillaume Gillet. Le hic, c’est qu’on attend aussi d’un élément qui fait office d’essuie-glace devant l’arrière-garde qu’il soit, de temps à autre, le premier relanceur des siens avec un service transmis dans la verticalité plutôt que l’horizontalité.

Et c’est à ce niveau-là, assurément, que le bât blesse chez le jeune Argentin qui ne se hasarde jamais à jouer en profondeur. Il a beau dire que cette latéralité lui est ordonnée par le staff technique, qui compte énormément sur les flancs pour assurer la pénétration offensive, son absence totale de prise de risques laisse perplexe. D’autant que le garçon prouve quand même de temps en temps qu’il dispose d’un bon coup de patte.

Une popularité légèrement en baisse

Longtemps, les maillots floqués à son nom comptaient parmi les plus vendus au fan shop. Il a toutefois été évincé par Mbark Boussoufa, Van Damme, Sacha Iakovenko ainsi que Tom De Sutter. Lassitude ? A cet égard, on aura noté aussi, ces derniers mois, quelques coups de sifflet du public à son attention. Lorsqu’il avait tendance à trop temporiser, entre autres.

Le reproche que bon nombre d’observateurs lui font est de freiner le jeu. On en a encore eu récemment un exemple face au Standard : alors qu’il avait récupéré un ballon perdu à hauteur du rond central, il préféra le rétrocéder vers un équipier – Roland Juhasz en l’occurrence – au lieu de profiter d’une situation de contre.

Des statistiques offensives mièvres

Un but et deux passes décisives par saison, c’est la moyenne de Lucas en trois ans. Trop peu pour un médian, évidemment, même si son inclination est nettement moins offensive que celle d’un Gillet ou d’un Polak.

L’Argentin a beau se défendre en arguant qu’il joue plus bas ici qu’autrefois au pays, c’est un leurre. Avec Independiente, il n’avait effectivement fait mouche qu’une seule fois et chez les Argentinos Juniors, où il jouait un cran plus haut sur l’échiquier, son compteur personnel était resté bloqué à quatre. Il n’a pas et n’aura jamais l’instinct du buteur.

Une progression stoppée net

Après avoir pris de la bouteille pendant deux ans, l’Argentin ne s’est plus vraiment bonifié cette saison. S’il n’a pas régressé, comme le soutiennent pourtant certains, on ne peut se départir de l’impression qu’il a fait du surplace.

Lui-même met en exergue la mort inopinée de son père, l’été passé, ainsi que l’absence de compétition européenne des Mauves pour expliquer cette moindre passe. Mais avant cela, il y avait déjà eu d’autres signes précurseurs d’une certaine stagnation. Comme sa non-sélection au sein de l’équipe olympique, victorieuse finalement aux Jeux de Pékin en 2008.

Absence d’accélération

Est-ce sa fonction de régulateur, voire de stabilisateur qui le veut ? Toujours est-il que Biglia évolue toujours au même rythme. S’il peut donner de la vitesse au ballon, lui-même n’a pas d’accélération. Mais c’est sûr que s’il avait cette qualité et que s’il était doté d’une bonne passe en profondeur, il ne militerait sans doute pas à Anderlecht.

Pas de jeu de tête

S’il se débrouille plutôt bien des deux pieds, avec une préférence pour le droit, en revanche son heading est anecdotique. Il est vrai que sa taille relativement petite ne constitue nullement un atout face à des opposants qui ont deux têtes de plus que lui.l

par bruno govers

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