Pour l’or du Caucase

Genk peut-il inquiéter Anderlecht sans son ancien capitaine, parti faire fortune pendant trois ans et demi au FC Anji Makhatchkala, club du championnat russe ?

Avec ses 460.000 habitants, Makhatchkala, la capitale du Daghestan située sur les bords de la mer Caspienne, une République de la fédération de Russie, présente un visage totalement différent par rapport à celui de Genk…

Il est désormais loin le Plat Pays où Joao Carlos s’est fait un nom au point de devenir un des meilleurs arrières centraux de notre championnat. Brésilien devenu Belge, il a échangé les plaines du Limbourg pour les paysages montagneux du Caucase où des pics flirtent avec les 4.500 m d’altitude. L’ancien défenseur n’aurait-il pas dû viser plus haut ? Ceux qui connaissent mal le football russe sont tentés de répondre positivement à cette question. C’est ignorer que les clubs de cet immense pays se donnent les moyens de leurs ambitions.

La Coupe du Monde 2018, c’est quasiment demain et des clubs peu connus ont envie de se profiler avant que toute la Russie cède à la fièvre du football. La D1 russe compte 16 clubs et, au niveau de la qualité, il se rapproche de plus en plus de ce qu’on voit en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en France.

 » Mon nouveau club n’a pas hésité à transférer Roberto Carlos « , souligne-t-il.  » Il a quitté Corinthians et a signé un contrat de deux ans à Anji. Quand j’ai appris que les négociations avec une telle star avançaient bien, j’en ai su assez sur les ambitions d’Anji. Jouer avec Roberto Carlos, c’est un énorme bonheur pour moi. J’en suis fier…  »

Même si la D1 russe progresse à pas de géant, un joueur du niveau de Joao Carlos n’avait-il pas d’autres offres que celle du FC Anji Makhatchkala ?  » Chaque été et chaque hiver, j’ai eu des contacts « , avance-t-il.  » Je me souviens d’offres de Valenciennes et d’Anderlecht où Ariel Jacobs me voulait absolument. J’étais encore à Lokeren et le président Roger Lambrecht a chaque fois réagi de la même façon : – Non, tu restes, j’ai trop besoin de toi. Valenciennes te propose combien ? Quel serait ton salaire à Anderlecht ? Bon, je m’aligne, tu auras autant chez moi. Point final, la discussion est terminée. Cette fois, la donne fut bien différente. Personne en Belgique, et même de très bons clubs étrangers, ne pouvait me proposer des conditions financières aussi intéressantes que celles d’Anji.  »

Il y a quand même eu une guerre entre clubs russes pour Joao Carlos. Le FC Krasnodar fut même le premier sur la balle et revint plus d’une fois à la charge. Ce club est coaché depuis cette saison par un T1 qui laissa de bons souvenirs à Lokeren : Slavo Muslin. Krasnodar fit monter les enchères mais avança des chiffres intéressants en roubles… alors que Carlos préférait être payé en euros. Cela ne posa aucun problème à Anji.  » Muslin revint encore à la charge mais il était trop tard. J’avais pris ma décision et Genk avait compris mon point de vue. Le Racing préférait que je reste mais l’offre russe arrangeait tout le monde.  »

 » Je quitte des amis « 

A 29 ans, Carlos approche de la limite d’âge pour réaliser la bonne affaire de sa vie. En Russie, où il a signé un contrat de trois ans et demi, l’ancienne tour défensive de Genk devrait toucher un salaire annuel net d’un bon million d’euros. Auquel il convient d’ajouter des primes de victoires très conséquentes et des tas d’avantages. Joao Carlos pourrait revenir un jour de Russie avec quatre millions d’euros sur son compte en banque. Son avenir sera assuré.

Genk perd un de ses meilleurs éléments mais s’y retrouve aussi. Fin 2010-2011, Carlos n’aurait plus eu qu’un an de contrat et sa valeur sur le marché des transferts se serait limitée à 700.000 euros. Or, Anji Makhatchkala aurait proposé 2.500.000 euros à Genk pour finaliser ce transfert. Un montant plus qu’intéressant pour Genk. Et comme le dossier n’a pas été bouclé en deux temps trois mouvements, Genk a eu le temps de se retourner et a pu trouver un arrière central brésilien de 26 ans au Sheriff de Tiraspol en Moldavie : Nadson.

Cela a peut-être joué dans la possibilité de pouvoir repousser des offres pour des Kevin De Bruyne ou Jelle Vossen. Rappel : Dirk Degraen, directeur général de Genk, est un ancien agent de joueurs.  » Je quitte des amis « , précise Carlos.  » A Genk, on m’a dit que la porte serait toujours ouverte pour moi. Et Lambrecht, le président de Lokeren m’a téléphoné : – Joao, si tu ne te sens pas heureux en Russie, tu peux revenir quand tu veux au Daknam. Je sais que ma vie sera différente. La D1 belge est un paradis. Les déplacements sont courts. C’est idéal pour exercer son métier dans les meilleures conditions tout en ayant une vie de famille. Ma femme Fernanda restera à Genk : c’est plus facile pour tout le monde. Nos enfants Maria Eduarda et Joao Pedro sont en âge d’aller à l’école et parlent couramment le néerlandais. Je ne peux pas les déraciner et, en Russie, je serai plus dans les avions et les hôtels qu’à la maison.  »

Lové au bord de la mer Caspienne, Anji Makhatchkala est un des phares du Daghestan, une république de 2.800.000 âmes du Caucase russe qui se transforme parfois en baril de poudre. Principalement musulman, le Daghestan regorge de pétrole, de gaz et de charbon. Ces richesses attirent les convoitises. Il y a 11 ans, des insurgés venus de la Tchétchénie voisine y mirent le feu. En octobre 2010, de sérieux incidents opposèrent les supporters d’Anji à ceux du Spartak Moscou venu gagner 0-1 au Daghestan.

 » Je ne me fais pas de soucis « , commente Joao Carlos.  » Le danger rôde partout. A Rio, les risques sont aussi grands… Je m’adapterai très vite comme je l’avais déjà fait en, Bulgarie et en Belgique. Je me donne six mois pour parler couramment le russe. J’ai le don des langues. En plus du portugais, je me débrouille en bulgare, anglais, néerlandais et français.  » Même si Anji Makhatchkala dispose de moyens financiers importants, la lutte pour le titre russe concernera d’abord les grands clubs de la capitale et le Zénith de Saint-Pétersbourg. Anji devra se contenter pour le moment d’un rôle de petit figurant.

 » La D1 restera dans mon c£ur mais, à l’échelle internationale, on parle plus de la Russie que de la Belgique. « , dit-il.  » Si je m’y distingue, cela ne passera pas inaperçu. Même Georges Leekens sera attentif à mes prestations. J’ai la nationalité belge. Si on fait appel à moi, je viens. Mais je sais qu’il y a de la qualité au c£ur de la défense des Diables Rouges avec Vincent Kompany, Daniel Van Buyten, Thomas Vermaelen, Jan Vertonghen, etc. J’aurais aimé gagner un titre avec Genk. Les circonstances de la vie en ont décidé autrement mais le club a désormais une équipe pour le titre.  »

 » Genk est capable d’inquiéter Anderlecht et même plus… « 

Joao Carlos s’avance sans la moindre hésitation. Il a le regard de l’expert après ses six saisons et demie passées en Belgique.  » J’ai vécu de bons moments à Genk « , retient-il.  » C’est pour cela que j’étais venu de Lokeren. Début 2009-2010, la mécanique s’est grippée. J’étais blessé et j’ai vécu le passage d’ Hein Vanhaezebrouck de loin. Il n’avait pas le groupe derrière lui. Le courant ne passait pas et un coach est condamné si ses idées sont rejetées par les joueurs. Avec Frankie Vercauteren, le ton a tout de suite été très différent. Il a remis les choses en place. C’est un grand coach qui utilise parfaitement tous les paramètres de l’équipe.  »

Les Limbourgeois se distinguent entre autres par leurs qualités offensives. Ils manient facilement la poudre avec les Elyaniv Barda, Marvin Ogunjimi, Vossen, Thomas Buffel, De Bruyne et autres. Une absence ne ruine pas les plans offensifs.  » J’ai rarement vu une telle complémentarité offensive. Il y a beaucoup d’intelligence tactique. Les attaquants jouent avec leur tête et De Bruyne a tout. C’est la grande classe et il est au service du collectif. Il est facile dans le jeu court ou quand le moment est venu d’alterner, d’exploiter la profondeur. Ce jeune joueur est une bénédiction. Je suis persuadé qu’il peut atteindre le top européen. Vossen réussira aussi à l’étranger. Il ne détient pas la grande classe et on parle moins de lui que de Romelu Lukaku ( » l’Anderlechtois est un phénomène « ) mais cet attaquant moderne travaille énormément sur le terrain. Il s’entend bien avec Ogunjimi et Barda. Kennedy sera peut-être une révélation. Je ne dis pas que cette attaque est plus complète ou meilleure que celle d’Anderlecht. Mais elle a beaucoup d’atouts.  »

 » Les autres secteurs sont aussi intéressants. En défense, ils trouveront des solutions sans moi. Eric Matoukou a des planches. Je suis épaté par la classe et le calme d’un jeune gardien de but comme Thibaut Courtois. Il ne panique jamais. Impérial sur les balles hautes, il est vif au sol et rassure toute la défense. David Hubert est un excellent pare-chocs. Et Anthony Vanden Borre apportera sa pierre à l’édifice. Je suis fier d’avoir été le capitaine de cette jeune équipe en plein développement. Il y a un projet sportif, une grosse envie de travailler, une vision du football et une très grande sérénité. De plus, Genk ne doit pas être champion, Anderlecht bien. Ce Genk-là est capable de l’inquiéter jusqu’au bout et même plus. Je suivrai tout cela à distance en croisant les doigts pour le président HerbertHouben, qui a compris que je ne pouvais pas refuser l’offre d’Anji : c’est le genre de contrat qu’on ne reçoit qu’une fois dans sa carrière  »

PAR PIERRE BILIC

 » C’est dangereux là-bas ? Le danger rôde partout. A Rio, les risques sont aussi grands… « 

Joao Carlos a signé un salaire annuel net d’un million d’euros sans les primes !

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