Pour Dieu, la famille et la patrie

Son frère est gardien en Ukraine, lui-même a écumé la moitié de l’Europe. L’histoire d’Ivan Santini, le buteur croate de Courtrai.

Né à Zadar, il est un enfant de la guerre.  » Je suis né en 1989, deux ans avec la guerre d’indépendance, qui allait durer cinq ans. Je me rappelle le bruit de l’alarme qui résonnait. Nous devions nous réfugier dans les caves, pour échapper aux bombes. Nous séjournions parfois chez mes grands-parents, sur l’île d’Uglan, à une demi-heure en bateau. Au plus fort des combats, femmes et enfants se sont réfugiés six mois en Slovénie. Heureusement, les hommes ont obtenu l’indépendance, à laquelle notre peuple aspirait depuis mille ans. Je suis fier d’émarger à cette génération. J’ai grandi avec cette idée : il y a Dieu, en première place, puis la famille et la nation. Nous sommes très patriotes, ce qui explique l’enthousiasme suscité par l’équipe nationale. J’ai été international U18, U19 et U21. J’ai la chair de poule quand j’entends l’hymne. Notre jeune nation a bien des problèmes mais ils ne pèsent pas lourd face à notre patriotisme.  »

La volonté

La Croatie est folle de foot.  » Le pays compte 4,5 millions de sélectionneurs. Le problème, c’est que chacun se croit meilleur que les autres ! Mon père a joué au niveau amateur. Il a été lanceur de javelot durant sa jeunesse puis chanteur. Il jouait de la guitare, composait des poèmes et des chansons d’amour et se produisait à des fêtes et des festivals. Les gens lui disaient que si ses fils avaient la moitié de sa volonté, ils deviendraient de grands footballeurs. Pourtant, le karaté a été mon premier amour. J’ai vu certains films de ninja des centaines de fois. Je me suis adonné au tennis, je ne suis pas mauvais en basket-ball et je joue aux échecs mais dans notre quartier, nous passions l’essentiel de notre temps à jouer au football. J’avais huit ans quand mon frère a demandé à notre père de nous affilier à un club. Il est devenu gardien, moi attaquant.  »

Krsevan, son aîné de deux ans, défend actuellement le but du FC Zorya Lohansk, un club de D1 ukrainienne. Ivan lui-même a écumé le sud et l’ouest de l’Europe.  » Jusqu’en U17, j’étais un médian offensif doté du sens du but. On m’a alors avancé en attaque et j’ai inscrit trente goals. J’ai été élu meilleur joueur d’un grand tournoi, ce qui a attiré l’attention de clubs étrangers. J’ai effectué des tests à Monaco, à Bordeaux et à Bâle mais je n’avais que seize ans et un transfert n’était possible qu’à condition que la famille m’accompagne. Pendant six mois, j’ai joué à l’Inter Zaprecic, en D2 croate.

J’ai ensuite rejoint le Red Bull Salzbourg. Seul, sans ma famille et ses amis. J’ai commencé à prier, ce qui m’a aidé à former ma personnalité. Plus on prie, plus on sent la volonté de Dieu. À l’école, je m’intéressais beaucoup aux filles mais une fois en Autriche, j’ai dû repartir à zéro. J’étais dans un internat et la première année a été très pénible. Ensuite, j’ai été performant en U19. GiovanniTrappatoni, l’entraîneur principal de Salzbourg, ne tarissait pas d’éloges à mon égard mais à ce moment, mon père, qui était également mon meilleur ami, est brusquement décédé. Ensuite, j’ai souffert des adducteurs. Opéré, je suis resté à l’infirmerie pendant huit mois et mon contrat n’a pas été prolongé.

Tout le monde me répétait que le football ne me valait rien de bon et que je ferais mieux de reprendre des études mais jamais je n’ai cessé de croire en mes qualités. Branko Zaler, un physiothérapeute très connu de Zagreb, m’a remis sur pied. J’ai ensuite passé des tests au Standard et à Cologne mais aucun club ne voulait débourser 250.000 euros d’indemnités de formation pour un avant qui relevait d’une grave blessure. Finalement, le FC Ingolstadt 04, un club de deuxième Bundesliga, m’a recruté pour six mois. Son entraîneur, Thorsten Fink, me connaissait puisqu’il avait été l’adjoint de Trapattoni à Salzbourg. Malheureusement, il a été limogé et les joueurs qu’il avait embauchés ont dû s’en aller. J’ai passé des tests à Bâle, à Linz et en Grèce, en vain. L’argent posait constamment problème.  »

Il est revenu à son premier club, le NK Zadar.  » Pour obtenir du temps de jeu tout en aidant ma famille. Ma soeur, âgée de six ans, entrait en primaires. Quand ma mère partait au travail, je m’occupais de ma soeur. J’ai dû repartir à zéro, une fois de plus, mais j’étais animé par l’envie de démontrer à Salzbourg et à Ingolstadt qu’ils avaient eu tort de se débarrasser de mois. Deux ans plus tard, j’ai été élu meilleur joueur du championnat croate. Le président demandait trois ou quatre millions pour mon transfert. Le SC Freiburg m’a loué un an et demi, le temps que je sois libre, avant de me proposer un nouveau contrat, que j’ai refusé : je voulais être sûr de jouer davantage. C’est pour ça que j’ai rejoint Courtrai. Je veux montrer ici ce dont je suis capable à tous ceux qui ont douté de moi parce que je faisais banquette en Allemagne.  »

La foi

Avec succès. Courtrai a découvert un avant travailleur, doté d’un fabuleux sens du but dans le rectangle. Il figure en haut du classement des buteurs.  » J’espère que ça va continuer mais je pense que tout est possible, si on travaille dur et qu’on prie.  » Il rêve de se produire un jour en équipe nationale, avec son frère.  » J’y songe depuis que j’ai commencé à jouer, tout petit. Si je continue sur ma lancée, le sélectionneur finira bien par me téléphoner, un jour. Mais je ne veux pas d’une sélection tant que je ne la mérite pas.  »

Entre-temps, la Croatie a fait son entrée officielle dans l’Union européenne, le 1er juillet dernier, ce dont se félicite Ivan Santini.  » Beaucoup de choses doivent encore changer. Après la guerre, nous avons vécu des moments difficiles. Chacun voulait améliorer sa situation le plus vite possible et faisait ce que bon lui semblait. Le monde politique était particulièremet corrompou. J’espère que les règles strictes émises par l’Europe et la surveillance qu’elle a mise en place vont générer plus de justice. Cela va déjà mieux depuis quelques années. La police a déjà fait du bon travail en envoyant les criminels où ils le méritent.  » ?

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

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