Poser son sac

Retour dans la Cité du Doudou pour celui qui en est à sa dixième halte.

Si depuis son départ du stade Charles Tondreau, le nom de Cédric Roussel revenait régulièrement sur la place publique, rien ne laissait présager un retour aux sources cette saison. En deux jours, l’affaire était réglée. Lors de son premier entraînement, l’avant a pu constater l’engouement qu’il suscite. Les supporters s’étaient déplacés en masse pour accueillir leu nouveau joueur, qui portera le numéro 10.

 » Je me suis rendu à l’entraînement avec le président et tout le monde m’a félicité pour l’avoir fait revenir « , explique Alain Lommers. L’événement est donc assez significatif pour attirer toute la section dirigeante au bord du terrain.  » Roussel reprenait souvent contact avec nous. A l’époque, deux jours à peine après s’être retrouvé en Russie, il nous téléphonait déjà « , continue le directeur général. Pourtant, tant le salaire du joueur que son contrat n’ont jamais permis d’envisager un rapatriement.  » Le joueur a clairement dû faire un sacrifice financier. D’autant plus que Dundee United revenait à la charge et que même si je ne connais pas l’offre écossaise, je pense qu’elle était supérieure à la nôtre. Le choix familial a finalement pesé en notre faveur « .

Si Mons a pu s’offrir les services de celui qui fut le premier Diable Rouge maison, c’est aussi parce que Brescia a bien voulu le laisser partir gratuitement.  » Il a compris que nos moyens étaient limités mais il émarge quand même aux salaires importants du noyau aux mêmes titres qu’Hocine Ragued, Wilfried Dalmat, Benjamin Nicaise ou Ilja Stolica entre autres. Enfin, comme la blessure de Mohamed Amroune est considérée comme un accident de travail, son salaire est pris en charge par l’assurance. Cela dégageait un peu d’argent. Si certains éléments pouvaient partir d’ici fin août, on reviendrait dans les limites du budget initial « .

Si Roussel revient chez lui, il doit encore trouver ses marques dans un environnement qui a bien changé depuis quelques années. A la fin de son premier entraînement, il se trompa de chemin pour rejoindre les vestiaires et fut récupéré in extremis par le capitaine Cédric Berthelin.

On vous attendait à Dundee et vous voilà finalement à Mons…

Au départ, j’avais décidé de refuser l’offre de Dundee. Ma femme et ma fille ne pouvaient venir me voir qu’une semaine sur deux et on s’était rendu compte que la vie là-bas n’était pas pratique. Pour arriver à Dundee, il nous fallait quatre à cinq heures. Tout cela à des prix d’avion exorbitants. On était loin des vols Ryanair sur Bergame. Et puis, c’est une ville déprimante. Tout y est gris et noir. Il n’y a pas de couleur. Quand je suis parti en test, il pleuvait et la température affichait 10° en plein mois d’août.

Mais vous étiez quand même proche d’un arrangement avec le club écossais ?

Oui, c’est vrai. La deuxième offre de Dundee était plus avantageuse puisque les dirigeants mettaient à ma disposition un appartement à Edimbourg et payaient les billets d’avion. Sur le plan sportif, le football écossais me convenait parfaitement avec un jeu rapide. Je sentais que je pouvais m’amuser sur le terrain. J’avais été invité à Dundee-Aberdeen, qui n’est pourtant pas un match au sommet, et j’avais relevé l’intensité et l’ambiance. J’étais prêt à foncer jusqu’au coup de téléphone de Dominique Leone.

Que vous a-t-il dit ?

– Surtout ne signe pas. On va trouver une solution. Le lendemain, je me suis présenté à son bureau et deux heures plus tard, le contrat était signé.

Vous revenez à la maison…

Oui, mais je n’ai pas choisi la facilité. J’aurais pu rester à Brescia, au soleil, deux ans de plus. Même sans jouer. Mais je ne voulais pas finir ma carrière sur une fausse note. Je vaux mieux que cela.

 » J’ai l’habitude d’être ami avec mes concurrents  »

Pourtant, ici, vous avez vos repères…

En signant à Mons, je savais que les gens penseraient inévitablement à la saison 2001-2002. Mais je ne veux surtout pas qu’on évoque un retour en arrière. Il ne faut plus parler d’il y a cinq ans et il ne faut pas me voir comme le joueur qui a marqué 22 buts, qui fut le premier international de Mons et meilleur buteur du championnat. Il faut me prendre comme celui qui est capable de concrétiser les actions.

Vous arrivez en terre connue mais le club a fortement changé en cinq ans ?

J’arrive dans un club totalement différent. C’est difficile de comprendre le parcours réalisé il y a cinq ans quand on se souvient des conditions de travail. Pourtant, nous formions un groupe de joueurs de la région, soudés, qui savaient comment le club fonctionnait. On préférait cette mentalité plutôt que la froideur d’un club hyper pro. A l’époque, il y avait une communion avec les supporters qui étaient devenus des amis. 5.000 spectateurs dans un stade de 8.000, ça avait de la gueule. Le même nombre dans une enceinte de 15.000, ça en a moins.

Vous semblez regretter ce temps-là ?

Non. La rénovation des installations était obligatoire. On ne pouvait pas rester dans un stade lugubre. On perd forcément cet aspect amateur sympathique mais pour survivre, il faut placer tout le monde dans les meilleures conditions possibles. Aujourd’hui, plus aucun joueur ne signe dans des clubs où les conditions de travail sont médiocres.

Qu’est ce qui vous a décidé à revenir à Mons ?

C’est le challenge qu’il me fallait. Et un challenge ne se réussit que quand on est bien dans sa tête. C’est clair que je n’aurais jamais fait de tels sacrifices pour un autre club. Je respecte le président Leone. Cela fait cinq ans que je suis parti mais il continue à m’appeler – Mon gamin. Et puis, ma famille est dans le coin. Je suis proche du stade. Je suis Montois et cela, on ne me l’enlèvera pas. Je fais plaisir à tout le monde en signant ici. Il suffit de voir le nombre de coups de téléphone que j’ai reçus depuis l’annonce de mon transfert.

Vous aurez une certaine pression sur les épaules car les attaquants montois éprouvent des difficultés à marquer…

Ici, le jeu est flamboyant. Il manque juste le déclic devant. A l’entraînement, j’ai constaté qu’il y a pas mal de technique dans ce groupe. Cela joue vite et il y a un énorme potentiel. Mons se crée aussi des possibilités. Les attaquants ont huit occasions par match et c’est quand même mieux que de ne pas en avoir du tout ! Je ne veux surtout pas blâmer les attaquants. J’ai d’ailleurs l’habitude d’être ami avec mes concurrents. A la fin, ce sont les deux meilleurs qui seront alignés. Néanmoins, cette concurrence peut s’inscrire dans une bonne ambiance.

Vous manquez de rythme et pourtant vous paraissez affûté…

Ça, c’est l’Italie. La manière de se préparer, la dureté des entraînements et le suivi diététique nous gardent en forme. Je voyais bien que si je voulais être titulaire, je devais avoir une bonne hygiène de vie. A Zulte Waregem, j’ai perdu du poids et j’ai réussi à me stabiliser depuis lors à 88 kg. Quand on pense que j’ai terminé meilleur buteur à Mons avec 92 kg. A long terme, on ne peut pas réussir avec un tel poids !

 » A part la Russie, je referais le même choix de carrière  »

Et question rythme ?

J’ai effectué le premier stage dans les Alpes, avec Brescia et le test à Dundee United. J’espérais quand même prendre part à l’entièreté de la préparation italienne pour rester en mouvement. Mais, je cours seul depuis quinze jours. Et j’avoue que les premiers entraînements avec Mons m’ont fait du bien. Je sens mon c£ur pomper et je retrouve le sentiment de fatigue.

Revenons à votre escapade italienne : un échec ?

L’entraîneur, Mario Somma, était venu me visionner trois fois lorsque j’évoluais à Zulte Waregem. Il me voulait vraiment mais j’ai débarqué dans un club miné par les problèmes. Les résultats étaient médiocres, il y avait des bagarres entre joueurs et les supporters débarquaient à l’entraînement pour tout casser. J’ai disputé mon premier match à huis clos : dans une chaleur pesante sans un supporter. L’entraîneur a tout fait pour se faire virer car il ne voulait pas démissionner, question de contrat. Moi, j’avais disputé trois matches avec lui. Seul devant sans toucher un ballon mais j’étais titulaire. Puis, un autre entraîneur, Serse Cosmi, est arrivé et il a immédiatement annoncé qu’il alignerait les joueurs qu’il connaissait. Les victoires se sont enchaînées et on a terminé à la quatrième place. Mon concurrent, Davide Passanzini, a inscrit 12 buts en 15 rencontres. Je ne pouvais donc pas rivaliser.

Vous en avez profité pour passer sur le billard…

Oui, j’ai subi une arthroscopie au genou. Mais j’étais rétabli pour la fin de championnat. Je comptais être prêt pour la nouvelle saison. Puis, j’ai vu que je ne disputais pas les matches amicaux. J’ai compris que je ne faisais plus partie des plans de l’entraîneur. Il a fallu qu’un des mes équipiers, le Français Sébastien De Maio, qui vient d’effectuer un test au Germinal Beerschot, casse tout dans le vestiaire pour que finalement l’entraîneur déclare : – De toute façon, toi et Cédric, vous pouvez partir.

Mais pourquoi avoir tenté l’aventure là-bas alors que vous vous relanciez à Zulte Waregem ?

Mon premier réflexe lorsque mon manager m’a alerté sur une offre italienne fut de lui dire – Ne m’énerve pas encore avec cela. Je suis bien ici. Mais je voyais que Zulte Waregem n’était pas opposé à mon départ, que je pouvais quadrupler mon salaire…

… mais en Italie, on affirme que votre salaire n’était pas énorme.

Je prenais ce que j’aurais pu toucher à Anderlecht.

Vous reculiez d’une division aussi ?

On parle toujours de Série B mais je suis certain que les clubs du haut de classement peuvent terminer facilement dans le top-5 belge. Quand vous avez la possibilité de rencontrer la Juventus, Genoa, Naples ou Bari, ça vous fait réfléchir. Cependant, je ne savais pas que le club serait miné par des conflits, que l’entraîneur serait viré après trois rencontres et que je ne verrais pas le ballon en trois matches.

Si c’était à refaire, vous repartiriez ?

Oui. A part la Russie, je referais les mêmes choix de carrière. Quitter Zulte Waregem ne fut pas si difficile que cela. J’aurais bien aimé disputer la double confrontation contre Newcastle mais à part cela… En championnat, je restais sur ma faim. On ne pratiquait pas du beau football et puis le statut semi-pro ne me convenait pas. Depuis dix ans, j’avais l’habitude de m’entraîner le matin. Ici, on commençait à 15 h 30. Parfois plus tard. J’étais de retour à la maison à 20 h. Je repartirais donc en Italie.

Quelle était votre relation avec Francky Dury ?

C’était le premier à parler positivement de moi ou à me faire un cadeau, comme m’aligner 20 minutes à Mons. C’est un excellent entraîneur mais sur le plan psychologique, il n’est pas assez à l’écoute de son groupe. Cela peut amener des tensions. Parfois, avec la Coupe d’Europe, on lui demandait de baisser le rythme car on voyait que certains étaient à bout. Il inscrivait ses entraînements dans un cycle de six semaines et il ne voulait pas déroger à son programme. Certaines semaines, on ne savait pas quel allait être notre jour de congé. S’il veut un jour entraîner un club du top – et il en a les capacités – il devra être davantage psychologue.

Depuis votre départ de Mons, vous avez toujours quitté un club sur une note d’échec…

Non. A Genk, j’estime avoir réussi. J’ai marqué 14 buts lors de ma première saison. Malgré la concurrence de Paul Kpaka et de Kevin Vandenbergh, j’ai terminé meilleur buteur du club. J’estime avoir laissé une trace au club. Les supporters continuent à m’accueillir. Cette aventure s’est finalement terminée en eau de boudin, engendrant la seule erreur de ma carrière. Je suis parti vers Kazan alors que Rennes et Saint-Etienne avaient marqué leur intérêt. Les Français n’étaient pas disposés à mettre le prix demandé par Genk alors qu’avec les Russes, mon salaire augmentait à chaque refus.

Et le Standard ?

Je ne vois pas cela comme une erreur car durant le laps de temps qu’on m’a offert pour me distinguer, j’ai quand même inscrit six buts. Les portes se sont fermées quand j’ai refusé de partir à Stoke.

Vous n’en avez pas marre de voyager ?

Si. Je veux finir ma carrière à Mons. Dans ma tête, les voyages, c’est fini. Je me pose et c’est dans cette optique-là que j’ai signé un contrat de trois ans.

par stéphane vande velde

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