PORTRAIT IAN THORPE

19 ans, génie de la natation, produit australien, vedette mondiale. Trois titres olympiques, huit sacres mondiaux, records du monde sur 200, 400 et 800 mètres nage libre. Récemment, à Manchester, il a remporté six médailles d’or et battu un record du monde, pour la 18e fois de sa jeune carrière. Son objectif dans la vie: obtenir le meilleur de lui-même.

Brian Sutton, un grand entraîneur de natation australien, a trouvé la formule idéale pour le décrire : -Demandez au Dr Frankenstein de créer un nageur et vous aurez Ian Thorpe« . 195 centimètres, 100 kilos, une amplitude de 190 centimètres, avec des mains comme des battes et des pieds comme des nageoires. Il est né pour l’eau. Concurrents, entraîneurs et scientifiques se cassent la tête, les supporters le portent aux nues.

Pourquoi Ian Thorpe émargera-t-il bientôt, à moins que ce ne soit déjà le cas, à la galerie des plus grands? Parce qu’il est le meilleur nageur de tous les temps, techniquement? Pas vraiment. Parce qu’il est le crawleur le plus puissant? Johnny Weismuller et Matt Biondi étaient plus impressionnants. En fait, sa force constitue un ensemble: il allie un talent exceptionnel à un corps capable de s’entraîner longtemps et durement, à de l’ambition et à une maturité très rare à cet âge.

En fait, c’est sa soeur aînée, Christina, qui l’a attiré à la piscine. Chaque week-end, le petit Ian devait accompagner ses parents d’une compétition à l’autre. Il était las de toujours regarder. Pourquoi n’essayerait-il donc pas? Le début a été difficile: allergique au chlore, il devait nager avec un pince-nez et conserver la tête hors de l’eau. Il ne semblait pas avoir d’avenir. Mais un an plus tard, il maîtrisait parfaitement la technique et commençait à gagner.

A 13 ans, Ian Thorpe émergeait déjà nettement. A 14 ans, il pulvérisait tous les records de sa catégorie. Il a été le plus jeune nageur de l’équipe nationale et à 15 ans, à Perth, il est devenu le plus jeune champion du monde de tous les temps. Ensuite, à Sydney, sa ville natale, il a empoché trois médailles d’or, et il a fallu un certain Pieter van den Hoogenband pour le priver de la victoire sur le 200 mètres. Piqué au vif par ce revers, Ian Thorpe a repris immédiatement l’entraînement. En 2001, au Mondial de Fukuoka, il a humilié tous les nageurs. Il en est revenu paré de six titres et de trois records du monde. Du coup, il est devenu un dieu vivant au Japon et a obtenu un plantureux contrat TV. Il vaut déjà cinq millions de dollars. Une bagatelle en regard de ce que son compatriote Greg Norman a gagné au golf mais il est quand même en bonne voie de devenir un grand produit de marketing.

Il ne compte plus titres et trophées, à la grande joie de sa mère, Margareth. En Australie, Thorpey’s Mum est presque aussi populaire que son fils. Ils ont tourné ensemble une publicité en faveur du lait. La famille Thorpe est célèbre. Pourtant, le père, Ken, aurait préféré que la vie de son fils prenne une autre tournure. Il est fier de lui, bien sûr, mais il aurait aimé que son fils devienne un champion de cricket. De préférence sans tout ce celebrity circus qui leur empoisonne la vie.

Ian Thorpe n’est évidemment pas un adolescent comme les autres. Il ne peut plus se montrer en rue sans garde du corps, en dehors de l’Australie. A 18 ans à peine, il était déjà invité à participer à Friends et au Jay Leno Show. Bill Clinton l’a reçu à la Maison Blanche, la Queen l’a convié à prendre le thé, on l’a vu à des premières mondiales de cinéma et à des défilés de mode. Elle McPherson le considère comme un ami, Valentino en fait son invité d’honneur. Pourtant, il ne veut pas être traité en vedette: « Je dors dans une chambre en désordre et ma mère continue à faire ma lessive ».

Il replace tout dans son contexte, donc, et ce qui lui est arrivé l’année dernière le conforte dans son opinion. Sa visite à New York aurait pu lui être fatale. Le 11 septembre, il voulait en effet visiter le World Trade Center. Heureusement pour lui, il avait oublié son appareil photo à l’hôtel et il est retourné le chercher. Sa distraction lui a sauvé la vie et a préservé la natation d’une catastrophe. Il connaît les vraies valeurs de la vie: la famille, les amis, le plaisir de faire son travail.

Ian Thorpe continue à s’éveiller dans une chambre bordélique.

Inge Van Meensel

« Demandez au Dr. Frankenstein de créer un nageur et vous aurez Ian Thorpe ».

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