Porte-DRAPEAU

La n°1 mondiale ne veut pas se mettre trop de pression sur les épaules.

« Je serai de retour sur les courts, c’est ce qui m’importe le plus « .

Cette phrase, sortie du communiqué de presse que JustineHenin a publié sur son site internet est sans doute passée relativement inaperçue alors qu’elle est lourde de sens.

Elle démontre en effet que la numéro un mondiale ne veut pas répéter aux Jeux Olympiques la même erreur qu’à Roland Garros où elle s’était mis une pression énorme sur les épaules, ce qui lui valut d’être battue dès le deuxième tour par TatianaGarbin. En précisant très officiellement que, ce qui compte, c’est de retrouver le chemin de la compétition, la Rochefortoise annonce en réalité à ses fans, à ses sponsors et aux responsables du Comité olympique qu’il ne faut pas trop compter sur elle pour une médaille.

Elle avance certes qu’elle sera ambitieuse mais, très vite, elle précise :  » Je dois aussi être réaliste. Il n’est pas facile de retrouver son niveau du jour au lendemain…  »

Autrement dit, Justine essaye de signaler qu’elle n’ira pas à Athènes avec le dossard de favorite principale mais bien avec celui d’un outsider. Ce qui veut dire qu’elle s’accorde le droit à l’échec et qu’elle entend bien que la pression que pourrait lui infliger la Belgique sportive ne soit pas trop importante.

Un tremplin pour l’US Open

Cela étant, il y a un autre sens caché dans cette phrase. Il faut ici préciser que les véritables objectifs, pour une tenniswoman du niveau de Henin, sont les tournois du Grand Chelem. Or, le dernier de ces tournois 2004 se tiendra à New York quelques jours après la fin des JO. Si elle veut bien se préparer pour l’US Open, il est sportivement logique que la Belge se rende aux Jeux afin de disputer un tournoi presque aussi relevé que le seront les Internationaux des Etats-Unis. Et, cerise sur le gâteau : elle n’a aucun point à défendre aux Jeux Olympiques (et pour cause puisqu’ils n’ont lieu que tous les quatre ans) alors qu’elle doit défendre son titre 2003 sur le ciment de Flushing Meadows. Stratégiquement, il était donc normal que Justine décide de reprendre le chemin des courts, non pas à New York mais bien à Athènes.

Que l’on nous comprenne bien, cependant : cette raison mathématique n’est pas la seule à avoir influencé la championne. D’une part, quand on a le niveau qui est le sien et même si le tennis n’est pas un grand sport olympique, il est toujours frustrant de ne pas pouvoir prendre part à des JO lorsque l’on a une bonne chance de remporter une médaille pour son pays.

 » Je suis fière de pouvoir aller défendre les couleurs de la Belgique. Et j’essaierai de les défendre le mieux possible « , continue-t-elle d’ailleurs dans son communiqué. Si l’on ne peut mettre en doute le sens patriotique de la meilleure joueuse de la planète, il n’est pas faux, non plus, d’affirmer que les pressions ont dû être énormes pour lui faire prendre cette décision. On peut en effet aisément imaginer que les membres du COIB n’ont eu de cesse de présenter leur meilleur profil et qu’ils ont certainement avancé les meilleurs arguments à Justine. Parmi ces arguments, il semble évident que le fait de laisser entendre qu’elle porterait le drapeau lors de la cérémonie d’ouverture n’est pas des moindres. Car, même si cela ne présente aucun avantage direct, le fait d’être le premier d’une nation à fouler la piste olympique confère un statut dont la grand-mère Henin parlera encore dans 40 ans à ses petits-enfants.

Personne, au Comité Olympique et Interfédéral Belge, n’avouera évidemment qu’il a été promis à Henin que ce serait bien elle qui sera désignée mais, si on lit le site de la joueuse, on ne peut que comprendre que la promesse, si elle n’a pas été formulée explicitement, l’a été implicitement :  » Elle sera plus que probablement le porte-drapeau de la délégation belge…  »

Face aux pressions

On peut difficilement être plus clair. Cela étant, cette promesse potentielle n’a rien de choquant. GellaVandecaveye arrivant le 14 août (soit au lendemain de la cérémonie d’ouverture) et JeanMichelSaive ayant déjà eu cet honneur, Justine est sans nul doute l’athlète belge la mieux placée car elle est la plus mondialement reconnue. De plus, elle représente un sport qui a glané deux médailles de bronze ( DominiqueMonami et ElsCallens) il y a quatre ans et, surtout, elle peut briguer, quoi qu’elle en dise, une médaille d’or.

Si les pressions diplomatiques du COIB ont été sérieuses, il en est d’autres qui ont plus que certainement pris des allures plus… économiques. On peut en effet assez bien imaginer que l’équipementier de la première mondiale (Adidas, pour ne pas le citer) aurait été particulièrement déçu de ne pas voir sa joueuse aller à Athènes. Pensez : la marque aux trois bandes n’est pas seulement le sponsor de Justine, il est aussi celui du COIB et c’est lui qui équipe les athlètes belges présents en Grèce. L’absence de sa représentante belge la plus prestigieuse aurait certainement été assez mal perçue par les dirigeants de cette marque mondiale.

En décidant de porter haut les couleurs de la Belgique et de son équipementier, Justine a certainement fait des heureux, et nul doute que les relations de travail entre cet équipementier et la tenniswoman n’en seront encore que meilleures dans les années à venir, avec tout ce que cela sous-entend.

Outre Adidas et le COIB (et, plus prosaïquement, le public belge), il est une autre organisation qui espérait sincèrement que Justine se rende à Athènes. Il s’agit de la Fédération internationale de tennis. Il faut en effet rappeler ici que le tennis est revenu aux Jeux il y a peu de temps (en 1988 de manière officielle, en 1984 comme sport de démonstration) et qu’il ne parvient pas encore à générer l’enthousiasme des amateurs olympiques. Déjà privé de KimClijsters, le tennis aurait eu beaucoup à perdre si son leader planétaire avait fait l’impasse. Nul doute, là aussi, que certains échanges de courrier et de coups de fil, ont eu lieu entre l’entourage de la championne et les membres importants de la FIT.

On pourrait croire qu’il est exagéré de penser qu’autant de pressions aient pu s’abattre sur notre compatriote. Ce serait oublier que le statut de première joueuse mondiale dans un sport aussi important (et riche) que le tennis ne se résume pas uniquement à se montrer la meilleure. Il y a en effet des obligations û dites et non dites û qui sont imposées au leader. De ces obligations naît cette fameuse pression dont on parle beaucoup mais que l’on ne peut réellement comprendre que lorsqu’on la subit soi-même. Justine est bien placée pour savoir qu’il n’est pas aussi simple d’être devant toutes les autres.

En conclusion, on dira cependant que c’est avant tout l’aspect sportif qui a été privilégié. D’une part parce que Justine Henin sait très bien qu’une médaille olympique a une haute valeur ajoutée dans un palmarès (elle croit peut-être aussi que, dans quatre ans, elle ne sera peut-être plus aussi bien placée pour monter sur le podium). D’autre part, on l’a dit, elle a opté pour la meilleure solution stratégique pour réussir une bonne fin de saison…

Les Jeux sont donc un tremplin pour l’US Open et tout ce qui se passera de positif à Athènes devra être considéré comme un bonus. Une défaite prématurée devant par contre être prise comme étant une simple péripétie. Si, du moins, Justine parvient à garder cette logique jusqu’au bout, ce qui ne sera pas aisé.

Bernard Ashed

Justine est bien placée pour savoir qu’il n’est pas AUSSI SIMPLE D’êTRE DEVANT TOUTES LES AUTRES

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