À 20 ans et après un détour en Angleterre, ce joueur belgo-congolais fait parler sa technique sur le flanc gauche du Standard.

C’est l’histoire d’un joueur orgueilleux, critiqué avant même d’avoir percé chez les pros. Orgueilleux car coupable, selon certains, d’avoir brûlé les étapes. Critiqué car il avait choisi de déserter cette verte Belgique pour tenter sa chance dans la lucrative Premier League. Voilà à quoi pourrait ressembler l’histoire de Paul-José Mpoku, jeune joueur de 20 ans qui éclate aujourd’hui au Standard. Le retour de l’enfant prodigue, clament les partisans de cette version de la biographie de Mpoku. Pourtant, son histoire, la vraie, ne ressemble pas à celle-là. On n’est pas dans la fable de la grenouille qui se voulait plus grosse que le boeuf. Avec Mpoku, on dépasse le cliché du footballeur attiré uniquement par l’argent. Son départ, il l’a vécu avant tout comme une quête, un apprentissage. Il ne s’en cache d’ailleurs pas quand on évoque l’échec de ses années anglaises.  » Pas du tout, j’ai vécu une expérience enrichissante « , dit-il.

Et si finalement Mpoku avait rallié l’Angleterre pour se construire sur le plan humain et revenir plus fort en Belgique ? Et si, au lieu de perdre trois ans, il en avait gagné trois ? A voir comment il s’est fait une place dans le onze de base du Standard, un peu plus d’un an après son arrivée, on n’en douterait pas.

Pour lui, tout débute vraiment à 16 ans. Fruit de l’Académie Robert Louis-Dreyfus, il survole sa catégorie. Dominique D’Onofrio lui propose un contrat pro. Il refuse, attiré par les sirènes anglaises.  » Il marquait les esprits, par ses qualités techniques et sa capacité à conserver le ballon « , explique José Jeunechamps, ex-coach des Espoirs du Standard.  » Pas étonnant qu’il ait tapé dans l’oeil de Tottenham. A l’époque, il était remuant, truculent, contestataire, impatient et révolutionnaire. Il avait de la personnalité et il ne s’en cachait pas. On l’entendait. Il ne fallait pas lui imposer des exercices qu’il n’appréciait pas. A l’époque, l’Académie suivait les préceptes de Tomislav Ivic et mettait l’accent sur le pressing et le repositionnement en perte de balle. Lui, ce n’était pas trop son truc et il le faisait savoir. Il préférait  » branler le ballon « , comme on dit. Vu ses qualités, il était souvent surclassé et même dans la catégorie supérieure, il continuait à donner son avis alors que généralement, les joueurs qui évoluent une catégorie au-dessus, sont timorés, timides, crispés et renfermés sur eux-mêmes.  »

En 2008, voilà donc le Standard obligé de laisser partir le jeune Mpoku à l’étranger. A la grande fureur des dirigeants de l’époque qui avaient juré qu’on ne reverrait plus jamais Mpoku au Standard. La reprise du club aura finalement raison de cette promesse…

 » Certains ont dit qu’il partait pour l’argent « , continue Jeunechamps.  » Sans doute avait-il un meilleur contrat à Tottenham mais lui, il voulait surtout se confronter à une autre culture, une autre langue. Là, il n’avait pas de pression. On n’avait pas d’a priori sur lui. Ni négatif mais certainement pas positif non plus. Il a dû se battre car il n’était rien ! Il a été obligé de se remettre en question alors qu’au Standard il était considéré comme un petit chef, une petite star. Loin de sa famille, de ses habitudes, il n’a certainement pas choisi le chemin le plus facile. Mais aujourd’hui, on peut se demander s’il aurait été aussi mature en restant en Belgique.  »

 » Il a appris l’anglais très vite  » (Alex Inglethorpe)

Né de parents congolais, voilà donc celui qui avait commencé dans un petit club de la région de Verviers avant de rejoindre le Standard à 10 ans, partir à 16 ans pour l’Angleterre. A Tottenham, il découvre le haut-niveau et un noyau de 40 joueurs. Intégré dans l’équipe Espoirs, il se frotte à la concurrence.  » J’ai découvert quelqu’un qui avait énormément de talent « , explique Alex Inglethorpe, ancien entraîneur des jeunes à Tottenham, désormais à Liverpool.  » Il était très fort athlétiquement et techniquement. J’ai apprécié chaque minute passée à ses côtés car Paul-José est vraiment attachant. De plus, il ne rechigne pas au travail. Il était avide d’apprendre et de s’améliorer. Il restait après l’entraînement et demandait des séances supplémentaires pour corriger ses points faibles. Comme tout jeune joueur, il avait certaines faiblesses mais rien d’irrémédiable capable de freiner sa carrière. En trois ans, il a beaucoup progressé, notamment au niveau de l’efficacité. Il est devenu plus confiant dans ses possibilités également. Il a montré beaucoup de courage. Il a appris à devenir indépendant, a étudié l’anglais et l’a assimilé très vite. Il était d’ailleurs très populaire dans le dressing room. Tottenham voulait le conserver et s’il a décidé de partir, c’est non pas parce qu’il n’avait pas le niveau des Spurs mais parce qu’il désirait faire son trou dans une équipe première. Or, en Angleterre, pour percer dans un club du Top-5, il faut être patient.  »

C’est pour cette raison que Tottenham le prête, lors de la saison 2010-2011 à Leyton Orient, club de Londres, proche des Spurs et qui milite en troisième division.  » C’est courant en Angleterre de prêter les jeunes joueurs à un club de division inférieure « , ajoute Inglethorpe,  » Steven Caulker, Kyle Naughton, Jake Livermore ont tous été prêtés avant de revenir et de faire leur apparition en équipe première. On ne doit pas lutter avec les joueurs pour les faire redescendre. Ils comprennent que cela fait partie de leur processus de développement. Paul-José a très bien saisi cela et n’a pas rechigné à partir une saison à Leyton Orient.  »

Là, il trouve le temps de jeu qu’il désirait. Chez les Os, à l’ombre du stade de Brisbane Road, il dispute 35 matches, dont un mémorable en Cup face au modeste Droylsden. Ce jour-là, les amateurs de Droylsden mènent 1-2 à une minute de la fin avant que Leyton Orient n’égalise et ne déroule lors des prolongations pour gagner…8-2. Mpoku, avec un but, trois assists et un penalty provoqué, est élu homme du match.  » On résume souvent l’apport de Mpoku à ce match « , raconte Matt Porter, chief executive de Leyton Orient.  » Mais il nous fut très précieux durant cette saison. A tel point qu’on voulait prolonger le prêt mais que Tottenham, qui croyait beaucoup en lui, l’a rappelé.  »

Mais c’est également en Angleterre qu’il connaît le premier moment délicat de sa jeune carrière. Son cousin de 32 ans, qui habitait à Birmingham (et qui constituait une des raisons pour lesquelles il avait rallié l’Angleterre) décède dans son sommeil. Ce deuil va le marquer et constituer un tournant dans son rapport à son métier. Il devient très croyant et décide, en mémoire à son cousin, de pratiquer son métier avec encore plus de sérieux.  » Lors de son retour en Belgique, j’ai découvert quelqu’un de très calme et très gentil, mais également de très croyant. Lors des rassemblements, il lisait souvent la bible et nous racontait que cela était devenu très important dans sa vie « , raconte le médian de Mons, Arnor Angeli qui l’a côtoyé en équipe nationale Espoirs et au Standard.

Un autre homme à son retour d’exil

Las de rester sur le banc, Mpoku choisit donc de rentrer au bercail. Le Standard dépose 400.000 euros sur la table et en fait le premier transfert de la nouvelle direction. A 19 ans, Mpoku pense que sa carrière va décoller. Pourtant, c’est dans le noyau Espoirs qu’il est prié, dans un premier temps, de faire ses gammes.  » Quand il revient au Standard, son comportement avait changé « , explique Jeunechamps.  » Pas tellement sur le plan footballistique mais bien au niveau psychologique et mental. En Espoirs, j’avais affaire à quelqu’un de plus mature, qui s’investissait énormément dans l’équipe. Il menait une perpétuelle réflexion sur le jeu tant individuellement que collectivement. Il avait pris de l’envergure dans le vestiaire où il remplissait le rôle de rassembleur, papa et compétiteur. Le genre de caractère qui plaît à un coach car on pouvait s’appuyer sur lui pour faire passer des messages ou servir d’exemple. Ses coéquipiers voyaient que même s’il arrivait de Tottenham, il continuait à bosser ! J’ai rarement connu cela avec un joueur. Je suis resté cinq ans à la tête des Espoirs et personne n’a marqué autant l’équipe de son empreinte. Pas même Mehdi Carcela ou Axel Witsel ! Je me souviens d’un match à Louvain : à la mi-temps, j’engueule Ibrahima Cissé qui trouve des excuses. Polo le coupe et lui dit – Tu te tais et tu écoutes le coach ! A cela s’ajoutait, dans le jeu, le côté rusé et intelligent. On n’avait pas besoin de lui dire de garder le ballon quand on menait 1-0, il le savait très bien. Autre exemple : un jour, il a pris la rentrée en touche, il l’a tapé sur le dos de son coéquipier, le ballon est tombé par terre, il l’a joué et est parti vers le but. Je ne lui avais jamais appris à faire cela et il l’a fait dans l’action. Cela démontre son intelligence spontanée.  »

Ses statistiques (10 buts et 11 assists sur les 16 premières rencontres en U21) lui permettent d’attirer l’attention. Pourtant, José Riga le juge encore trop tendre. Il l’appelle de plus en plus avec les A mais tarde à le lancer dans le grand bain. Après une entrée au jeu face à Gand, il le titularise à Lokeren, face à Genk et à Courtrai. La défaite au stade des Eperons d’Or sonnera le glas de sa première saison rouche.  » Il avait une grosse envie mais entre l’équipe de jeunes de Tottenham et l’équipe première du Standard, il y avait encore une différence « , explique l’ancien entraîneur adjoint du Standard, Bernard Smeets.  » C’était finalement la première fois qu’il côtoyait au quotidien un noyau pro. Il devait encore soigner ses derniers gestes et devenir plus efficace. A sa place, il y avait Jelle Van Damme et Luis Seijas qui nous rendaient de fiers services et nous rapportaient des points. Il a cassé la baraque en Espoirs et certains nous disaient qu’il fallait le prendre mais on remarquait encore un fossé entre l’équipe Espoirs et les A. Le championnat Espoirs compte pour du beurre. Perdre n’était pas coûteux et on allait là pour apprendre. Ce sera peut-être différent lorsque les équipes de jeunes pourront évoluer en Promotion. A ce moment-là, il y aura de l’enjeu. Cette saison, Van Damme a reculé et Seijas se trouve dans les oubliettes. C’est donc logique qu’il saisisse sa chance.  »

 » Marre de jouer en U21  »

Sa première saison lui reste pourtant en travers de la gorge, comme il l’a reconnu récemment en conférence de presse.  » Je pense que j’aurais dû jouer quand je suis revenu de Leyton. Mais José Riga ne m’a jamais donné ma chance (NDLR : Il a quand même été titulaire trois matches d’affilée). Pourtant, je cartonnais en U21. Sur la saison, j’ai mis une vingtaine de buts et donné une quinzaine d’assists. Il me disait d’être patient. Et quand il m’a fait jouer, il m’a mis à droite, à une position qui ne me convient pas. Cela ne me mettait pas en confiance. J’ai perdu un an avec José Riga.  »

Pourtant, le déclic n’arrive pas immédiatement après le départ de Riga. Il doit encore patienter lorsque le Néerlandais Ron Jans prend les rênes de l’équipe. Ce n’est que lors de son dernier match en charge, à Mons, que Jans le place dans le onze de base. Avant cela, il ne lui avait offert que 22 minutes de jeu. Trop peu pour l’impatient Verviétois qui le clame sur Twitter. Marre de jouer en U21, lance-t-il. L’arrivée de Mircea Rednic change complètement la donne. Le Roumain le place à gauche de l’entrejeu, juste devant Van Damme. Le binôme fonctionne bien et la carrière de Mpoku décolle enfin. Avec en apothéose la rencontre face au Lierse, avec un pied dans les trois buts (un but et un assist).

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Il avait le niveau pour Tottenham. C’est lui qui a décidé de partir.  » – (Alex Inglethorpe, ex-coach des jeunes à Tottenham)

 » A l’Académie, on mettait l’accent sur le pressing et la récupération du ballon. Ça ne lui plaisait pas. Il préférait branler le ballon.  » (José Jeunechamps)

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