Poker carolo

Jamais un retour en D1 n’a suscité autant d’inquiétudes. On a regardé dans les cartes d’Abbas Bayat, de Lucien D’Onofrio et des politiciens locaux.

« L ucien D’Onofrio a toujours envie de s’impliquer au Mambourg mais il se méfie des cadavres qu’on pourrait trouver un jour dans les armoires « , nous signalent deux sources proches des Zèbres. L’inquiétude grandit à vue d’£il. Et on peut le comprendre car rien n’est prêt alors que la fin des vacances approche pour les footballeurs de D1. Quel club les joueurs carolos trouveront-ils quand ils auront définitivement abandonné crèmes solaires et lunettes de soleil ? La coquille est de plus en plus vide. Il suffit parfois d’une ondée pour qu’un désert prenne un coup de vert. Ce sera plus difficile au Sporting de Charleroi où personne n’est étonné d’entendre qu' » Abbas Bayat en a assez et est plus décidé que jamais à céder le club « .

Rejeté par les supporters, il y a longtemps que cet homme d’affaires atypique et isolé comme jamais songe à faire un pas sur le côté. Le dénouement est proche. Mais rien n’est simple dans un club éternellement perclus de problèmes. D’Onofrio a mesuré l’importance du capital populaire des Zèbres. Après avoir sauvé Eupen de la faillite, en prêtant un million d’euros aux Pandas désormais liés aux Qataris d’Aspire, il a repris sa mise et lorgne vers Charleroi. L’homme est un chasseur qui a l’art d’observer une proie intéressante dont personne ne veut en raison de son image négative.

 » Bayat rêvait de vendre pour 10 millions d’euros mais le prix est progressivement descendu à 3,5 millions « , nous dit-on. D’Onofrio et Bayat jouent la montre dans leurs négociations. Le patron des Hennuyers estime probablement qu’un repreneur ne peut pas attendre la dernière minute. Or, D’Ono a l’habitude des négociations au finish. Au fil des semaines, il s’est penché sur les réalités chiffrées de Charleroi. Et elles ne sont pas spécialement rassurantes, au point d’inquiéter les autorités de la Ville.

 » Il y a beaucoup de dossiers à régler « , nous signale-t-on.  » Les dettes à l’égard des fournisseurs s’élèvent à un million d’euros. Il y a six mois qu’ils attendent. Si Bayat n’acquitte pas ces factures, ce sera au repreneur de s’en occuper. Bayat a l’habitue d’attendre le dernier moment avant de payer. Il en va de même avec la TVA, l’ONSS, les salaires des joueurs pour le mois de mai ou le dédit de Jos Daerden, entre autres. Il n’est pas impossible que la Commission des licences l’interdise de transferts. Il faut deux millions d’euros pour effacer les ardoises fournisseurs et les salaires en rade. Et la Ville est inquiète : elle est garante en premier et deuxième rang pour deux prêts d’un total de 5 millions d’euros. Les intérêts ont été payés et le club rembourse normalement le capital, mais le dernier versement n’est pas arrivé chez Belfius. La banque s’est adressée à la Ville.  »

D’Ono comme Scifo en 2010 ?

D’Onofrio ne l’ignore pas et il a ses entrées dans les hautes sphères du monde politique wallon, surtout au PS, le parti de son ami Michel Daerden. On l’a aussi vu à Eupen avec Jean-Claude Marcourt, Vice-Président du gouvernement wallon, Ministre de l’économie, des PME, du commerce extérieur et des technologies nouvelles, Ministre francophone de l’enseignement supérieur. D’Ono a aussi des contacts avec l’étoile montante carolo du PS Paul Magnette (ministre fédéral des Entreprises publiques, de la politique scientifique et de la coopération au développement, chargé des grandes villes). Alors que la Ville traverse des orages financiers, il est important que le club rembourse ses prêts.  » A l’approche des élections communales de cet automne, il serait mal venu qu’on aille chercher cet argent dans la poche des contribuables « , dit-on à Charleroi. Conclusion : la Ville ne croit plus en Bayat et mise sur D’Ono.

Mais elle a un autre gros problème : le stade.  » Il faut réduire d’urgence la capacité et la hauteur des tribunes construites pour l’EURO 2000. « , nous rappelle-t-on.  » Le Conseil communal a donné son accord en mai. Le cahier des charges a été établi et il reste à procéder aux adjudications. Si tout va bien, les travaux pourraient commencer en octobre au rythme d’une tribune par mois, les autres restant ouvertes au public. La Ville prouverait sa bonne volonté alors qu’on attend la décision de la justice à propos de l’éventuel dédommagement des riverains : jusqu’à 10.000 euros par jour, estiment certains, depuis que les tribunes ont été érigées en 1999 sans permis de bâtir légal. « 

On imagine facilement que la Ville espère régler ces problèmes et erreurs du passé. En 2000, Enzo Scifo avait été accueilli en grandes pompes par les autorités avant un scrutin communal. Cette fois, tout est plus discret. La partie de poker devrait se jouer avant la fin juin. Pour le moment, Bayat est seul face à la Ville et D’Onofrio. S’il ne vend pas, il n’a plus le temps de tout réorganiser. D’Ono, dit-on, a un staff et des investisseurs sous la main. Même s’il est cité à Braga, Sergio Conceiçao tient encore la corde pour le job de T1. DominiqueD’Onofrio a prolongé son contrat de Directeur sportif au FC Metz et ne viendrait pas à Charleroi. Mais Lucien a l’habitude de recruter vite et bien. La Ville croise les doigts car sa venue susciterait un énorme élan d’optimisme auprès des supporters qui ne savent plus sur quel pied danser.

Après le départ de Pierre François au Standard, une étonnante rumeur a circulé : Roland Duchâtelet songerait à faire appel à Luciano pour de grands transferts. Peu probable mais Bayat doit y prêter attention en examinant ses cartes. Si le repreneur liégeois s’en allait, il aurait un problème. Et la Ville aussi…

PAR PIERRE BILIC

 » Bayat est plus décidé que jamais à céder le club. « 

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