Point d’appui

Malgré la défaite à Genk, le flanc droit des Zèbres offre de l’optimisme et du plaisir de jouer à son équipe.

Lancé en D1 par Raymond Mommens, Grégory Dufer (21 ans) est rapidement devenu une promesse de Charleroi, même un espoir du football belge. Il accentua sa progression sous la houlette de Manu Ferrera et d’Enzo Scifo. Par contre, son actuelle saison ne fut pas des plus brillantes jusqu’au récent match face à Mouscron.

Le désir de bien faire était présent dans ses intentions mais la tâche et les ambitions placées en lui étaient probablement trop lourdes pour ses jeunes épaules. Les Zèbres avaient perdu trop d’éléments expérimentés pour que les expériences tentées par Etienne Delangre soient couronnées de succès. Greg fut déplacé sur l’échiquier, joua parfois dans l’axe, et même s’il affirme que cela ne lui déplaisait pas, le Carolo vit en exil loin de son flanc droit. Dante Brogno hérita de quelques maçons expérimentés et les murs de la grande maison hennuyère furent redressés. Dufer retrouva son impact sur l’équipe à droite avec, en héritage des galères actuelles, une maturité plus affirmée sur le terrain mais aussi face à ses responsabilités.

Après le voyage chez les champions de Belgique en titre, vous vous rendez à Anderlecht. Pas un programme facile quand on tente de sortir la tête de l’eau…

Grégory Dufer: Nous n’avons pas à rougir de la défaite subie à Genk. Même si la récolte est finalement nulle, j’inscris ce match dans la progression qui avait été notée face à Mouscron. Ceux qui n’ont pas vu la rencontre pourraient croire, vu le résultat (3-0), que Charleroi a été laminé. C’est totalement faux. Nous avons largement géré la circulation de la balle. Charleroi a imposé son jeu à Genk. Au repos,nous méritions de mener à la marque. Une tête d’Eduardo fut repoussée par la barre. Malgré cela, c’est Genk qui est rentré au vestiaire avec un but d’avance. Le scénario fut le même en deuxième mi-temps. C’est simple: Genk a eu quatre occasions et en a transformé trois. Charleroi aurait pu marquer cinq fois mais n’a finalement pas battu une seule fois Jan Moons.

Nous avons été vaincus par le réalisme de Genk. C’est la vérité des chiffres et, sans l’oublier, je note la qualité de notre football sur un terrain très difficile. Quand on retient cet élément, on peut se dire que ce groupe doit rester en D1. Je ne regarde pas tellement le calendrier. Tout le monde doit jouer contre Genk, Anderlecht, Bruges, le Lierse. Je pense que nous sommes prêts, dans notre football, et dans nos têtes, pour aller à Anderlecht. Le but était de gagner à Genk. Nous avons prouvé que ce n’était pas une ambition au-dessus de nos forces. Je prépare le match à Anderlecht dans le même état d’esprit. Si on y va pour bétonner,la défaite est garantie sur facture. Les Mauves sont fragilisés, dans le doute, et c’est à Charleroi d’en tirer le plus grand profit.

Les Zèbres peuvent l’emporter à Anderlecht à condition de rester aussi solidaires, aussi certains de notre choix tactique. Je me dis carrément: « On gagne à Anderlecht » Il serait impossible d’affirmer cela sans nos récents progrès. Mais, pour y arriver, nous devrons être plus concrets à la finition et plus réalistes dans le replacement défensif, qu’à Genk, c’est évident. La saison passée, nous avons été écrasés à Anderlecht. Cela n’arrivera pas cette fois mais il ne faudra rien lâcher, tout exploiter, être concentrés à 100% durant tout le match.Un concept tactique qui colle au groupe

N’est-il pas temps de se demander comment Charleroi en est arrivé là?

Non, on n’a pas le temps. Il faut s’en sortir et, pour cela, il ne faut pas perdre le moindre influx.

Oui, mais il y a eu tellement de remous avec le départ de Scifo, la dispute Scifo-Brogno, les renforts que Delangre espérait mais qui ne sont pas venus: ces tensions n’ont-elles pas miné le moral des joueurs?

Ce débat, c’est du pipeau et quand les résultats sont bons, on n’en parle pas. Il y a eu des pro-Scifo et des pro-Brogno. Je m’en fous complètement, cela ne m’intéresse pas. Je respecte les deux et ma seule obsession concerne le sauvetage de Charleroi. Ce sont deux bons coaches et Etienne Delangre l’était aussi. C’était un type bien. Il n’avait pas de patte de lapin et son effectif était trop court. L’entraîneur paye la note quand cela va mal. Dante Brogno a demandé et obtenu des renforts et a dessiné un concept tactique qui colle au groupe. Il mise sur un système auquel nous n’avons plus touché depuis des mois. C’est la meilleure façon de tricoter des automatismes. Quand on change trop souvent d’occupation de terrain, l’équipe se cherche.

C’est un débat que Daryuosch Yazdani avait abordé récemment. Il se plaignait d’avoir été déplacé trop souvent sur l’échiquier. N’était-ce pas votre cas aussi?

Oui mais je peux concevoir qu’on m’aligne à une place inhabituelle pour moi. A condition que ce soit dans un contexte tactique qui, sans être figé, soit longtemps le même. Moi, cela ne me déplait franchement pas de jouer un peu plus dans l’axe. Je peux aussi y jaillir. Il y avait visiblement des trous dans l’équipe et c’est pour cela qu’on me plaça dans une position plus centrale. La venue de Laurent Macquet a résolu ce problème. L’ancien Cannois est un distributeur. Il dispatchele jeu et assure plus de présence technique dans la ligne médiane. A droite, c’est ma place de prédilection, je m’y sens de mieux en mieux car les automatismes sont désormais concrets.

Dante Brogno vous a souvent parlé, je crois, afin que vous haussiez la qualité de votre production…

J’en reviens aux automatismes. C’était parfait la saison passée via le duo que je formais avec Gauthier Remacle. Cette saison, cela a bougé sur le flanc droit avant que notre capitaine, Frank Defays, y prenne ses marques dans notre 4-4-2. J’en ai bénéficié et c’est forcément plus facile pour moi. Les choses sont en place. Il reste des détails à régler afin de marquer plus et d’encaisser moins. Le jeu est meilleur mais nous avons longtemps gambergé. Je ne dirai qu’on a peur de tuer l’adversaire. Non, certains doutent d’en être capables, il faut encore vaincre la hantise du dernier geste. Je crois, malgré tout, que le large succès obtenu face à Mouscron a fait du bien à la défense et à l’attaque de notre équipe. Même si on a été battu à Genk, le courant est positif. Il faudra y ajouter de la hargne.

A Genk, Moumouni Dagano et Kevin Vandenbergh ont marqué malgré une forêt de défenseurs autour d’eux: hélas, ils furent tous passifs… trois fois. N’est-ce pas un tout gros problème?

Si nous avions ouvert la marque, je ne crois pas que Genk serait passé trois fois. A la longue, quand cela ne rentre pas, il y a des hésitations. On peut examiner tout le problème dans l’autre sens et se dire que Genk n’a eu que quatre occasions. C’est peu et cela veut dire que notre occupation était bonne. Genk a eu de la chance. Je préfère perdre après avoir dominé, car c’est un signe d’espoir, que d’abandonner les trois points après avoir stupidement bétonné. Contre Mouscron, Sama avait mis Mbo Mpenza dans sa poche. Il m’impressionne. Charleroi ne descendra pas. Cette équipe ne le veut pas…A peine 21 ans

Pourquoi a-t-il fallu attendre le match contre Mouscron avant de revoir le vrai Grégory Dufer?

Je ne sais pas s’il faut être aussi sévère. Je n’ai que 21 ans et il ne m’est pas encore possible d’être sans cesse un des éléments dominants de l’équipe. Mais le récent séjour avec les Espoirs en Italie m’a fait du bien. J’avais mis quelques kilomètres entre moi et les soucis du club. Ce fut une fantastique bouffée d’oxygène et j’ai pu discuter d’autre chose avec Jean-François de Sart et Philippe Saint-Jean qui, comme Dante Brogno, savent écouter leurs joueurs.

La transformation était telle que Dante Brogno vous enverrait bien toutes les semaines en Italie…

Ce ne serait pas de refus.

A votre retour, vous avez à nouveau émergé sur le flanc droit. On revoit enfin le Dufer qui avait attiré le regard de quelques clubs étrangers. Pas de regrets de ne pas être parti à ce moment-là?

Non, aucun. Mouscron et Hugo Broos me voulaient. Avec un peu de recul, je me dis même que j’ai bien fait de rester. Je devais et je dois encore grandir. Toutefois, cela ne veut pas dire que je ne serais pas parti si l’une ou l’autre offre avait pu être finalisée. Un jour, je jouerai ailleurs. Je ne sais pas quand mais je m’en irai car c’est le lot des footballeurs professionnels. En attendant j’ai un contrat jusqu’en 2006 et c’est ce qui compte. J’ai vécu dans le moulin des transferts, avec le bruit médiatique que cela fait, et cela m’a rendu plus fort, plus sûr de moi.

A 20 ans, vous faisiez partie de l’écurie de l’agent Bruno Heiderscheid. Pourquoi l’avez-vous quitté?

J’avais un contrat de quelques mois avec lui. Je ne l’ai pas renouvelé car je n’ai pas besoin jour et nuit d’un agent. J’ai un ami qui me donne des conseils et, quand il le faudra, je choisirai le manager qui me proposera le transfert qui cadrera le mieux avec mon plan de carrière. J’ai passé des tests à Middlesbrough et à Sunderland. C’était un challenge tout à fait concret. Il n’y a finalement pas eu d’accord.

Heiderscheid a fait monter la sauce en parlant de Chelsea et de Nantes: de quoi faire rêver un gamin?

J’ai lui cela dans la presse. Je n’ai personnellement pas eu de contact avec Nantes. Quant à Chelsea, il ne faut pas rêver, c’était de la blague et je n’y ai jamais cru. Je vis tout cela plus calmement et je sais, désormais, qu’il me faudra probablement une étape intermédiaire avant de partir à l’étranger. Il me semble que ce serait d’abord utile et intéressant de transiter par un club du top belge.

A l’image de Philippe Albert et de Daniel Van Buyten qui sont partis après avoir montré le bout du nez à Charleroi?

Ce sont de bons exemples. Je mesure que Charleroi est une des meilleures rampes de lancement. Cette saison, beaucoup de jeunes, dont Detal et Ghislain, ont rejoint notre noyau. C’est aussi un choix. Cela prouve, car cela ne date pas d’aujourd’hui, que ce club sait détecter et former des joueurs. Un séjour en D2 constituerait un moment d’arrêt pour les jeunes.Comme Michaël Goossens

Votre aventure fait un peu penser à celle de Michaël Goossens. Le football vous a permis de sortir de quartiers défavorisés mais vous ne les reniez pas, tout comme Mika est fier d’avoir grandi à Tilleur…

J’ai acheté une maison dans un coin résidentiel, pour moi, pour mes parents. J’en suis fier mais je repasse tous les jours dans mon ancien quartier. J’y ai encore de la famille et des amis. Je me sens bien parmi eux. Il n’est pas question d’oublier ce pan de ma vie.

Pensez-vous parfois à Enzo Biondo qui était arrivé en même temps que vous en équipe Première à Charleroi?

Tout à fait, ses rêves étaient les mêmes que les miens. J’ai peut-être eu un peu plus de chance que lui. Il joue désormais à l’Olympic. On peut aussi y rebondir et revenir en D1.

Comme Toni Brogno, qui passe du Sporting à l’Olympic avant de trouver sa voie dès son premier passage à Westerlo?

Oui, entre autres. J’ai la chance de bénéficier de la confiance de tout le monde dans ce club. C’est un atout.

Quel Dufer verra-t-on à Anderlecht: celui qui oeuvra au Standard ou celui qui joua contre Mouscron et Genk?

Que voulez-vous dire?

A Sclessin, Vandooren vous a dominé alors que vous avez pris le dessus sur le duo Teklak-Grégoire contre Mouscron et contrôlé Roumani et Daerden (puis Ingrao) à Genk. N’est-ce pas votre avis?

A vrai dire, pas tout à fait. Au Standard, j’étais assis entre deux chaises. J’étais contrôlé par Johan Walem qui se décalait bien sur la gauche. Puis, je devais me frotter aussi à Gonzague. Le moteur n’était pas encore au point comme contre l’Excel et même à Genk où je devais plus temporiser. J’espère qu’il y aura confirmation à Anderlecht.

N’empêche, Charleroi a besoin de Grégory Dufer à droite?

Charleroi a besoin de tout le monde. S’il fallait citer un exemple, j’avancerais celui d’Eduardo. Il est le meilleur Carolo depuis le début de la saison. Et ce n’est pas un hasard: notre Brésilien travaille toujours, ne se décourage jamais. Il a progressé solidement depuis qu’il est chez nous. Au début, ce n’était pas évident pour lui. Il y avait des doutes mais il a séduit tout le monde par une mentalité ultra positive et un plaisir qui saute aux yeux même quand cela va mal. On en a besoin car la bagarre va durer jusqu’à la fin de la saison. De la 13ème à la 18ème place, cela fait six clubs concernés pour le moment par la descente. Rien à faire: faut serrer les dents.

Pierre Bilic

« Je me dis carrément: – On gagne à Anderlecht »

« Pros-Scifo, pros-Brogno: je m’en fous complètement, je respecte les deux »

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