Plus le bienvenu chez les Ch’tis

A 28 ans, le centre-avant n’a pourtant pas perdu la foi :  » Je n’ai jamais été meilleur qu’aujourd’hui… « 

Au nord, il y a les corons : Pierre Bachelet les chante, Danny Boon les filme mais Luigi Pieroni n’a pas trouvé son rôle près des vieux terrils. Les Ch’tis et lui, c’est une histoire polie, sans plus, certainement pas un film d’amour. Le cogneur aurait dû se souvenir du scénario hésitant à Lens avant de tenter un come-back sur le grand écran du Nungesser, le stade de Valenciennes : le Nord, ce n’est pas un chouette cinoche pour lui. Son Hollywood à lui se situe ailleurs et il ne veut pas devenir un acteur de série B. Maintenant, pour éviter la dernière séance, il devra choisir attentivement le bon script pour rebondir.

 » Je n’en veux à personne mais je ne trouve pas, sur le terrain, ce qu’on m’avait promis « , avance le solide Liégeois en n’élevant pas le ton de la voix.  » Valenciennes a récemment acquis Jean-Claude Darcheville. Quand j’ai appris que l’ancien attaquant des Glasgow Rangers allait débarquer, je me suis dit que c’était mal engagé pour moi. Un peu plus tard, Antoine Kombouaré, le coach, a confirmé que mon temps de jeu serait compté. Et cela signifie bel et bien que je dois le dénicher ailleurs. « 

C’était un conseil, pas un ordre mais cela a réveillé pas mal de regrets dans les propos de Pieroni :  » A la fin de la saison passée, je voulais rester à Anderlecht. A mon avis, j’y aurais rendu de très grands services cette saison. Tout aurait été très différent si le Sporting m’avait accordé autant de crédit qu’à Nicolas Frutos. Même si cela ne rigole pas pour moi en ce moment, j’affirme posément que je n’ai jamais été meilleur qu’aujourd’hui. Je suis plus fort et plus complet qu’en 2003-2004 quand j’ai claqué 28 buts en championnat pour Mouscron. Oui, oui, j’en suis certain et, avec un peu de veine, je le prouverai. « 

Mais qu’est-ce qui vous avait attiré à Valenciennes ?

Luigi Pieroni : C’est simple, le discours vachement chaleureux et positif de Kombouaré qui m’a proposé un contrat de trois ans. Je ne voulais pas me retrouver dans le vague et l’incertitude durant la campagne de préparation. Mon manager entretenait à l’époque des contacts avec le Club Bruges et c’était, évidemment, une option intéressante. J’aurais signé à deux mains mais Bruges m’a demandé de patienter. A mon avis, mon arrivée là-bas dépendait d’un dégraissage de l’effectif. Mais j’étais dans une situation inconfortable et je ne pouvais pas attendre. Quand Bruges m’a re-contacté, j’avais déjà donné ma parole à Valenciennes qui était pressé car mon manager avait obtenu que Nantes me libère pour 600.000 euros alors que ce club m’avait acquis à Auxerre pour 2,5 millions. C’est après cela, je pense, que Joseph Akpala quitta Charleroi pour Bruges. Il ne faut surtout pas oublier que j’appartenais encore à Nantes. Les Nordistes ont trouvé un accord avec les Canaris avant de me proposer un bon contrat de trois ans. C’était une preuve de confiance et Kombouaré avait été formel : – Tu auras des bons ballons dans le rectangle adverse et tu marqueras beaucoup de buts. La réalité promise se révéla bien différente.

 » Kombouaré m’avait promis plein de bons centres : je n’ai rien vu venir « 

Le transfert du buteur Steve Savidan (13 goals la saison passée) à Caen n’annonçait-il pas une transition difficile pour l’attaque ?

Je ne sais pas ou, du moins, je ne pouvais pas le prévoir. Valenciennes vivait une courbe de croissance depuis son retour en L1 : 17e puis 13e. Mais je pense que le recrutement avait été judicieux aussi avec l’apport de quelques anciens de Lens : Milan Bisevac, Seïd Khiter et Jonathan Lacourt. Ils ont du bagage en L1 et connaissent bien les habitudes du Nord. Valenciennes n’a pas chômé sur le marché des transferts et dénicha aussi Gaël Danic à Troyes. Savidan a assumé un rôle important mais il y avait d’autres attaquants à Valenciennes : Grégory Pujol, Filip Sebo, Johan Audel, moi. C’était suffisant pour relever le défi. Hélas, je me suis souvent retrouvé sur une île car toute l’équipe décrochait sans cesse, jouait en 4-5-1 et pas en 4-4-2. Kombouaré m’avait promis des mouvements sur les ailes et plein de bons centres. Je n’ai rien vu venir et je me suis rendu compte qu’on avait une occupation de terrain qui ne collait pas avec mes atouts. Je m’exprime bien dans un jeu haut et Valenciennes évoluait bas, même de plus en plus bas au fur et à mesure qu’il s’enfonçait au classement général. Au fil du temps, je me suis de plus en plus éloigné de la zone de vérité et je devais galoper derrière des ballons perdus. Je jouais entre les milieux de terrain. L’inquiétude générale a progressivement corsé nos problèmes. A la trêve, Valenciennes était 18e, donc relégable, et à quatre points de Saint-Etienne. Le problème n’est pas individuel mais global. Je ne m’attendais pas du tout à vivre cette situation délicate.

Le Nord ne vous réussit pas : échec à Valenciennes, échec à Lens…

Ce ne sont pas des échecs mais des erreurs de castings. Comme le dit mon agent, Jean-Claude Van Damme ne brillerait pas dans une comédie musicale. Toutes proportions gardées, c’est un peu ce qui m’est arrivé. Je me suis trompé dans mes choix de clubs ces derniers temps. Ce n’est pas mortel mais j’ai 28 ans et cela ne peut plus se produire. Je cherchais un club familial. Valenciennes en est un et est présidé par un homme exceptionnel : Francis Decourrière. Ce club construit un nouveau stade. On a trouvé une maison agréable dans un chouette quartier… même si nous avons été cambriolés en octobre dernier. Cela a fortement inquiété ma femme Virginia mais, malgré cela, nous sommes bien parmi les Ch’tis avec notre fils Gianluca…

Non, avec une personne qui était dans le public. Moi, j’ai besoin de temps et de confiance. Or, cela fait quatre fois (Nantes, Lens, Anderlecht, Valenciennes) que je suis placé dans l’obligation de relancer tout de suite un club qui a des pépins. Les conséquences me gênent mais je ne suis pas ébranlé dans mon football. Ces situations difficiles m’ont permis de dresser un constat personnel : je suis plus fort et plus complet que quand cela rigolait pour moi. J’ai beaucoup travaille en France et j’ai étoffé mon bagage technique et athlétique. Je suis bien plus complet que du temps de Mouscron.

La presse française affirme que vous n’avez jamais confirmé en L1…

C’est totalement faux. J’ai aussi lu que j’avais fait le Tour de France et que le football de ce pays ne me convenait plus. Je n’ai jamais dit cela mais Kombouaré m’a quand même dit : – Avec un tel papier, t’es brûlé en France. Je n’en revenais pas et je sais que ce n’est pas le cas. Tout peut évoluer très vite et je sais qu’il en sera ainsi pour moi. A Auxerre, Guy Roux était content de moi. Je me suis adapté et j’ai rendu des services. J’adorais Roux qui couvait son effectif. Quand un joueur était malade, le coach sautait dans sa voiture pour lui préparer une tisane. C’était exceptionnel mais j’avais le même type de relation avec Georges Leekens. C’est lui qui a le mieux cerné et exploité mes atouts. A Auxerre, je me suis bien débrouillé aussi avec Jacques Santini et Jean Fernandez. J’ai eu des touches en Angleterre (Everton) mais Roux a demandé 6 millions d’euros et refusait en fait de me céder… J’ai un grand regret en songeant à Auxerre. Début juin 2005, Aimé Anthuenis m’a réquisitionné pour les Diables Rouges alors qu’Auxerre devait disputer la finale de la Coupe de France contre Sedan (succès 2-1). Roux a tout essayé mais en vain. Anthuenis n’a rien voulu entendre car il ne pouvait pas se passer de moi et j’ai raté ce moment historique. Et le comble du comble, c’est que je ne suis monté au jeu qu’en fin de match contre la Serbie. J’ai joué deux minutes. J’aurais d’autant plus aimé avoir la Coupe de France à mon palmarès que j’avais sorti de gros matches sur le chemin de la finale.

 » Je n’ai jamais pu travailler longtemps avec le même coach « 

Le transfert à Nantes était-il une erreur ?

Et même une grosse erreur. En réalité, je voulais signer à Toulouse mais j’ai été pris dans un jeu étrange et qui me dépassait. Toulouse n’avait pas les moyens de s’offrir ce transfert (2, 5 millions d’euros) et le savait. Ce club m’a fait lanterner dans le but que je ne signe pas dans un autre club impliqué dans la lutte pour le maintien. Toulouse gardait un atout secret dans son jeu en la personne de Pavel Fort ( NDLR, ex-Brussels). Je me suis retrouvé à Nantes qui déclinait de plus en plus et n’a pas échappé à la descente. C’était un drame pour ce grand club où j’ai bossé avec Georges Eo puis Japhet N’Doram et Michel Der Zakarian. Je n’ai jamais pu travailler longtemps avec le même coach et cela m’a posé des problèmes. Si j’avais pu m’inscrire dans le long terme avec un coach, la donne actuelle aurait pu être différente. J’ai eu Leekens un an, Roux un an à Auxerre et quelques semaines à Lens, trois coaches à Nantes, Jean-Pierre Papin six mois à Lens, Ariel Jacobs une demi-saison à Anderlecht, maintenant Kombouaré à Valenciennes. Il faut que cela s’arrête. J’ai besoin de stabilité, que ce soit pour un club ou un coach… Personne ne m’a jamais aussi bien utilisé que Leekens. A Mouscron, j’ai profité de la blessure de Marcin Zewlakow pour faire mon trou. Je jouais en pointe avec Mbo Mpenza. Michal Zewlakow et Christophe Grégoire occupaient les flancs et nous ravitaillaient en bons ballons : c’était le rêve.

Cette stabilité, auriez-vous pu la trouver à Anderlecht ?

Oui, c’est ce que j’espérais et j’aurais pu y arriver. Une personne n’a pas voulu que ce soit possible pour moi. Quand je suis arrivé à Bruxelles, en hiver, la situation était délicate. Même si ce ne fut pas toujours parfait, j’ai bien aidé le club. Anderlecht a élevé son niveau de jeu et n’est passé qu’une fois à côté de son match, au Standard. Là, nous sommes tombés face à plus forts que nous. A Lens, je n’avais pas assez de temps de jeu. Et mon agent m’a sorti de là. Ce ne fut pas facile car si je jouais à Lens, j’appartenais encore à Nantes. Anderlecht m’a loué et avait besoin de moi parce que Frutos était blessé. J’étais évidement entouré de très bons joueurs. Et c’est un plaisir d’aider Mbark Boussoufa et les autres. Mon rôle était de fixer les adversaires, créer des espaces, marquer. J’ai créé des brèches mais personne n’a joué au passeur pour moi. Je ne critique pas, je constate. Anderlecht avait des passeurs qui désiraient et avaient les moyens d’aller jusqu’au bout. C’était un problème pour moi car j’étais jugé au nombre de buts marqués. J’en ai raté, c’est vrai, et j’en suis désolé. Mais je suis certain que j’aurais répondu à l’attente si j’avais pu rester cette saison, bien me préparer. Jouer les dépanneurs, c’est très dur et même ingrat. J’ai été déçu de ne pas pouvoir rester à Anderlecht.

Déçu et même plus quand Ariel Jacobs ne vous retient pas pour la finale de la Coupe face à Gand ?

Ce fut un coup terrible. Et une injustice que je ne comprendrai jamais. Jacobs a tranché et, après la Coupe de France, une deuxième finale me filait sous le nez. Il n’y avait même pas une place sur le banc pour moi. Là, Jacobs a carrément tué mes espoirs de rester à Anderlecht. Une carrière peut basculer en quelques minutes. J’aurais pu monter au jeu, marquer un but, intéresser un autre club. Jacobs ne m’a pas permis de le faire. C’est pour cela que je dis qu’une personne n’a pas cru en moi. Mon crédit était bien plus limité que celui offert à Frutos. Malgré ma déception, j’ai fêté cette victoire avec tout le groupe. Même si la déception était immense, je suis resté positif et constructif jusqu’au bout : je n’ai jamais fonctionné autrement. Pour moi, mon passage à Anderlecht n’est pas un échec. Non, je n’ai pas échoué à Anderlecht. On ne peut pas parler de raté quand on aide un club à passer de la sixième à la deuxième place…

Quelles leçons tirez-vous de ces épreuves ?

Je n’ai que 28 ans et ce que je vis est délicat mais me rend plus fort. Je dois rebondir et j’ai déjà vécu des moments plus difficiles. Qui croyait en moi quand je suis arrivé à Mouscron ? Pas grand monde. Mes ambitions demeurent intactes. Je cherche un club qui convient à mon football. De plus, je veux jouer en équipe nationale. Je suis persuadé que la Belgique se qualifiera pour la phase finale de la Coupe du Monde et je n’ai pas envie de rater cet événement car quatre ans plus tard, ce sera trop tard pour moi.

par pierre bilic – photos : reporters/ guerdin

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