PLUS DURE SERA LA CHUTE

Payés gracieusement pendant la majeure partie de leur carrière, de nombreux footballeurs n’anticipent pas la suite… Entre investissements foireux et reconversion loupée, les après-carrières peuvent donc être très difficiles à digérer.

« Les paris, les jeux de cartes, je me suis passionné pour tout cela. Et à un moment, j’ai commencé à franchir les limites acceptables.  » Invité début décembre à l’émission Karakters sur la chaîne néerlandophone Canvas, LucNilis s’est confié sur les problèmes d’argent qui ont fameusement compliqué son après-carrière. Quelques jours plus tard, c’est une étude de l’Université d’Anvers qui annonce que malgré un salaire moyen de 8 670 €, le footballeur de Jupiler Pro League rencontre des problèmes financiers. Les raisons ? Les jeux de hasard, l’indécrottable envie de dépenser et bien sûr une mauvaise gestion des revenus. Outre les histoires de LuckyLuke Nilis, les médias ont également largement relayé les déboires d’un autre ex-Diable Rouge, DannyBoffin, déclaré en faillite en 2012. Mais d’autres joueurs ont également connu une après-carrière difficile voire douloureuse, et les raisons de ces chutes sont plutôt variées…

Les yeux rivés sur le foot

 » À 17 ans, du jour au lendemain, on m’a demandé d’aller m’entraîner avec l’équipe première de Charleroi. C’était mon rêve, mais d’un autre côté j’ai dû arrêter l’école, ce que je regrette aujourd’hui quand je vois les chances qu’on donne aux jeunes pour poursuivre les deux.  » Pas encore majeur à l’époque, ChristBruno se retrouve donc tout d’un coup dans le monde professionnel où tout est mis en place pour qu’il n’ait absolument rien à gérer.  » En tant que footballeur, on est vraiment des assistés, on ne s’occupe de rien « , soupire, avec le recul, l’actuel entraîneur de la RUS Genly-Quévy 89, en P1 du Hainaut. Pour moi, quand on donne une licence à un agent, il faut qu’il soit capable de développer le paramètre de l’après-foot, c’est important pour les joueurs.  »

Au lieu de ça, Bruno sera, comme beaucoup d’autres, programmé pour ne penser qu’au foot. C’est aussi le cas de WalterBaseggio quand il débarque en première à Anderlecht.  » Honnêtement, je n’ai pas fait attention à mon premier salaire, moi je ne pensais qu’à jouer.  » Mais progressivement, le statut de joueur de première division suscite les convoitises de  » conseillers  » qui se voient bien gérer la carrière et les finances du professionnel du ballon rond. Si certains sont vite renvoyés ( Baseggio :  » Par respect, je discutais toujours avec tout le monde, mais à la fin je disais « Merci, mais tout va bien ici pour moi, point à la ligne.  » « ) d’autres, plus proches des joueurs, vont parvenir à influencer négativement leur soi-disant protégé.

Ancien attaquant notamment de Charleroi et de La Louvière, JeanJacquesMisséMissé est en fin de carrière quand il repère un filon intéressant dans la filière du diamant.  » Paraprès, une personne que je connaissais bien m’a conseillé certains placements. En tant que joueur de foot, extérieur à ce milieu, on ne maîtrise pas tout. Je l’ai suivi, et il y a eu trahison. C’est celui qui vous connaît le mieux qui vous fait le plus mal, parce que vous lui faites confiance.  » Encore footballeur à Mouscron à l’époque, Walter Baseggio a connu la même mésaventure que Missé Missé, et l’on peut clairement mettre cela sur le compte de la naïveté, mais aussi de la gentillesse inestimable de l’ancien Anderlechtois.  » C’est la vie de jeunesse : parfois on fait confiance à des personnes à qui il ne fallait pas. On m’a conseillé d’investir dans l’immobilier – heureusement pas des masses – c’était un choix un peu difficile et j’ai peut-être trop fait confiance à ce conseiller. Tout l’argent a été perdu.  »

Challenge trop élevé et crise financière

Pour d’autres, ce n’est pas les placements durant la carrière qui ont posé problème, mais bien la reconversion. Christ Bruno a toujours été fan de chevaux, il allait d’ailleurs au centre d’entraînement à deux pas de chez lui dès qu’il ne jouait pas au foot. La fin de carrière venue, il a décidé de se lancer un fameux défi, celui de gérer une écurie de chevaux de course.  » Je me suis carrément planté, avoue l’ancien latéral droit du Brussels. C’est un métier très dur en Belgique, au niveau financier notamment, mais il y avait surtout beaucoup de choses que je ne maîtrisais pas. Dans le football, mes qualités étaient le sérieux, le travail, la rigueur, j’ai voulu mettre ça à l’oeuvre dans le milieu hippique, mais ça ne suffit pas.  »

Dans un travail où on ne compte pas ses heures et où on ne gagne pas non plus beaucoup d’argent, Bruno a décidé de stopper les frais après deux ans, cela ne lui permettait pas de vivre correctement.  » Un jour, je gagnais plein d’argent après une course, mais le lendemain je pouvais tout perdre…  » Pas spécialement conseillé et accompagné par des sponsors, Christ Bruno n’a pas tenu dans un milieu pour lequel il était, selon ses propres termes, trop honnête.

De son côté, une fois l’heure de la retraite arrivée, l’ancien gardien carolo (décidément) PeterKerremans, actif entre 1978 et 1994, a d’abord décidé de vivoter pendant près de deux ans, le temps de voir ce qui pouvait l’intéresser réellement.  » Ensuite, je suis rentré dans le timesharing en Espagne (vendre des semaines de vacances, ndlr). Mais c’est quand même un peu bidon tout ça, et comme je voyais que c’était plutôt des pratiques mafieuses, je me suis abstenu et suis revenu sur la Belgique.  » Via un ami, Kerremans va alors devenir représentant pour une société de ventes de lunettes. Après deux-trois ans, il va d’ailleurs grimper à la direction de cette société américaine basée à Liège, avant que la crise économique ne passe par là.  » J’ai fermé la société américaine et j’ai pris les devants en partant travailler pour une société polonaise. Le problème, c’est qu’ils n’étaient pas trop sérieux non plus. Est arrivé ensuite mon divorce qui a fait que ma retraite n’est pas passée comme une lettre à la poste. J’ai été très mal conseillé et ça m’a coûté énormément d’argent. Sans ça, j’aurais aujourd’hui ma maison payée, une grosse baraque même !  »

Et maintenant…

Walter Baseggio est certainement celui qui s’en est le mieux sorti. Actuel consultant chez RTL, le Clabecquois a laissé son histoire de placement derrière lui.  » Heureusement, je ne me suis pas retrouvé sur la paille, ce n’était pas un crash. Maintenant je n’y pense plus, je ne veux plus revenir en arrière, j’ai été trop gentil et naïf. Ma maladie m’a aussi fait changer par rapport à ça. Sincèrement, je suis un peu plus dur, ma gestion de l’argent est différente, mais je reste toujours le même qui respecte tout le monde.  » Après ses expériences américano-polonaise, Peter Kerremans a créé sa propre société spécialisée en chaussures et accessoires pour dames. Il a possédé jusqu’à deux boutiques, mais il ressent toujours les effets de la crise, et n’en dirige actuellement plus qu’une seule. Fort touché par la trahison dont il a été victime, Jean-Jacques Missé Missé s’occupe désormais de jeunes dans un club au Cameroun avec JusticeSandjon (ex GBA).  » Je suis parti de mon expérience pour essayer d’empêcher d’autres joueurs de vivre ce que j’ai vécu, parce que je sais comment ça finit. On essaie donc de conseiller nos joueurs, mais il faut déjà qu’ils veuillent de nos conseils. Quand les jeunes ont de l’argent, ils font ce qu’ils veulent et selon eux, on n’a rien à leur dire. Mais j’espère que tous ensemble, on arrivera à les convaincre de ne pas faire fausse route.  » Christ Bruno, quant à lui, passe désormais les cours d’entraîneur et le 30 décembre dernier, il a signé un contrat CDI dans une des usines du président de son club. Quant au monde hippique…  » J’ai gardé un cheval pour mon épouse et un poney pour ma fille. Mon échec, les chevaux n’en peuvent rien donc tant qu’à faire, autant prendre du plaisir en faisant des balades avec eux au lieu d’en faire un métier.  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN

 » Je ne me suis pas retrouvé sur la paille, ce n’était pas un crash. Mais j’ai été trop gentil et naïf.  » Walter Bassegio

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