Plus d’argent pour les clubs

La Ligue Pro a enfin un nouveau président qui est très clair :  » Nous déterminons les objectifs ensemble mais je dois avoir la liberté de les concrétiser « .

En novembre, le bureau de chasseur de têtes De Witte & Morel fêtera ses 25 ans. Son fondateur, Ivan De Witte, saisira l’occasion pour quitter son poste d’administrateur délégué et devenir président de la société, entre-temps vendue à des Américains. Il combinera cette fonction avec la présidence de son club, Gand, et celle de la Ligue Pro. Agé de 60 ans, De Witte va donc présider aux destinées de la Ligue Pro pendant deux ans.

Comment avez-vous été nommé ?

Ivan De Witte : Contrairement aux rumeurs, j’ai vraiment souhaité trouver un directeur général et un président à la Ligue Pro. Si j’ai assuré la présidence par intérim pendant six mois, c’était uniquement pour surveiller le bon déroulement de la procédure et aussi parce qu’on m’a souvent reproché de lancer des idées sans jamais prendre mes responsabilités. La procédure n’ayant pas permis de trouver un président adéquat, j’ai pensé à une personnalité qui pourrait mener les changements à bien. Je savais que l’ex-Premier ministre Jean-Luc Dehaene ne voulait pas du poste mais un autre ex-acteur de ce monde (le socialiste et franc-maçon gantois Luc Van den Bossche) était prêt à l’accepter. Cependant, la réunion des présidents de la Ligue à Genval a exclu la piste externe à 80 % des voix et m’a demandé si je ne voulais pas poursuivre ma tâche. J’ai réfléchi : en avais-je le temps et l’ambition ? Je n’étais pas mû par un désir irrésistible mais je me suis demandé ce qu’il adviendrait si je refusais. Entre-temps, la pression croissait. J’ai accepté, partiellement, par sens du devoir.

Avec Ludwig Sneyers, ex-dirigeant de Saint-Trond, et vous à sa tête, la Ligue Pro reste refermée sur elle-même, ce qui n’était pas l’objectif poursuivi quand votre bureau a été chargé de chercher un directeur général et un président. Cet échec fait-il perdre la face à De Witte & Morel ou notre football a-t-il une image si déplorable que des cadres compétents ne postulent même pas ?

Je ne peux vous donner tort. J’aurais préféré qu’il en soit autrement, même s’il n’est pas anormal qu’une association de défense d’intérêts, en l’occurrence celle des clubs professionnels, soit dirigée par un de ses membres.

La présidence de la Ligue Pro requiert une certaine neutralité. Ce rôle devrait revenir au numéro un naturel mais Anderlecht a jeté l’éponge. Président d’un club en pleine croissance, vous avez d’autres intérêts que les communs. Convenez-vous pour ce poste ?

Vous avez raison, conceptuellement, mais je me connais : je fais bien ce que je dois. En 25 ans, en partant de rien, j’ai fondé une société qui emploie désormais 300 personnes. Mon bilan à Gand n’est pas mal non plus. Vous l’aurez sans doute remarqué : j’ai modifié mon comportement avec la presse car je dois respecter les valeurs qui vont de pair avec mon rôle. La neutralité ne pose donc pas problème. Ensuite, il y a tellement à faire que je peux lancer cette réforme en profondeur sans qu’il y ait conflit d’intérêts. Par exemple, je veux que l’assemblée des 18 présidents devienne le principal organe, à la place de l’ancien conseil d’administration. L’expérience m’a appris qu’il est plus aisé de trouver un consensus entre présidents. Je veux étoffer la Ligue Pro et modifier sa délégation à l’UB.

 » Il faut que l’Union Belge devienne plus pro « 

Cherchez-vous la confrontation avec l’UB ?

Non, nous £uvrerons en concertation. Cependant, les clubs pros représentent 43 % des rentrées de la fédération. En échange, j’exige un service correct, professionnel, de bon niveau. Actuellement, personne ne sait exactement ce que représentent l’UB et la Ligue. Je vous garantis que ce sera le cas dans deux mois !

Vous ne vous entendez pas avec votre prédécesseur, Jean-Marie Philips, passé à l’UB…

Il ne faut pas laisser la situation pourrir. Si l’autre partie le souhaite, c’est son bon droit, mais je veux entamer ma mission avec fair-play. D’ailleurs, Jean-Marie doit professionnaliser la fédération. C’est pour ça qu’il a été nommé CEO.

La saison passée, vous avez notamment insinué que les arbitres mangeaient dans la main de Michel D’Hooghe et vous aviez aussi juré que jamais Boussoufa ne signerait à Anderlecht (NDLR : De Witte a aussi parlé de conflit d’intérêt si Roger Vanden Stock prenait un rôle national à la fédération alors que lui-même combine les casquettes de président de club et de la Ligue Pro !). Vous mentez à vos supporters, insultez vos collègues… Ce n’est pas très joli de la part de celui auquel le sort du football professionnel est confié.

J’ai commis des erreurs. J’essaie de mieux canaliser mes émotions désormais. Les clubs m’observent depuis six mois. S’ils m’ont élu à l’unanimité, cela veut dire qu’ils ont appris à me connaître autrement.

D’aucuns ne vous trouvent-ils pas égocentrique ?

J’estime qu’un dirigeant de club doit être disponible à l’égard de la presse. Le suis-je trop ? Peut-être mais ce n’est pas de l’égoïsme. Je le fais pour atteindre un objectif. C’est l’appréciation publique qui m’a aidé à assainir Gand et à neutraliser sa dette de près d’un million d’euros. Beaucoup de gens m’en savent gré.

C’est clair : ce n’est pas la joie entre vous et l’UB…

Je ne veux pas de déclaration de guerre. Allons-y par étapes. Les esprits sont en train de mûrir. Ceux qui étaient partisans de l’unité de la fédération et de la Ligue préconisent maintenant une scission claire des missions. Au fil des années, de plus en plus de compétences de l’UB passent à la Ligue. Je ne connais pas moi-même la réponse mais devons-nous aller plus loin comme la Premier League et les Pays-Bas ou tout remettre aux mains de l’UB en exigeant un service parfait ? La situation actuelle est hybride.

Quel est votre penchant ?

La fédération dit : -Qu’ils commencent par s’entendre. La Ligue dit : -Quand vont-ils enfin se professionnaliser ? Il faut d’abord clarifier cet aspect. Un déménagement est un excellent moyen de changer les esprits mais soit l’UB travaille bien et c’est moins nécessaire, soit elle reste une organisation monopolisant le pouvoir et la Ligue doit tenter de faire le maximum elle-même.

 » Nous devons forcer les choses « 

Il y a dix ans, c’est ce que prévoyait le plan Van Milders, du nom de votre prédécesseur à Gand. Il plaidait en faveur d’une section pro autonome. Pourquoi changeriez-vous d’avis alors que ce plan était aussi le vôtre ?

Parce que je suis devenu plus sage (il rit). Un point de vue extrême ne permet pas d’avancer. Il y a une marge entre avoir une idée et l’exprimer. C’est l’objectif qui compte. Ceci dit, je reconnais n’être guère optimiste quant à un changement du fonctionnement fédéral à court terme. Trop de gens conservateurs veulent rester en poste. Malgré tout, Jean-Marie doit obtenir du temps et du crédit.

Quels sont vos chevaux de bataille ?

Un des premiers concerne les licences de D1. C’est la commission des licences de D1 qui doit les décerner. Cela paraît évident mais actuellement, c’est la commission de D2 qui s’en charge pour les clubs promus. C’est dingue !

N’est-il pas inconcevable que ces licences soient attribuées par les membres de clubs, qui sont juges et parties ?

Nous devons nous adjoindre une instance extérieure. Les décisions sont prises par des personnes qui répugnent à se faire des ennemis, par crainte de ne plus être réélues, ce qui entraîne une certaine tolérance. Nous devons briser ce mécanisme, dans toutes les commissions. Le président de l’UB, François De Keersmaecker, me rejoint sur ce point. C’est bon signe mais si c’est impossible à réaliser par la concertation et qu’il y a sabotage manifeste, je n’aurai d’autre choix que de mobiliser les clubs pros.

Avant, face à un niet, la Ligue s’inclinait toujours, pour préserver la paix. Ce n’est pas la bonne attitude : nous pouvons forcer des choses. C’est aussi pour cela que j’ai demandé un mandat beaucoup plus large que celui qu’on accorde généralement au président. Pour certains thèmes, je n’organiserai plus de réunions. Je suivrai ma propre voie. Nous déterminons ensemble nos objectifs le 18 octobre. Ensuite, je dois avoir la liberté de les concrétiser.

N’est-il pas grand temps que la Ligue Pro se profile comme marque unique et non comme 18 entités ? Qu’elle recherche des sponsors communs et s’assure des rentrées suffisantes, pour qu’il y ait moins de dissensions ?

Je vous suis mais rechercher immédiatement des sponsors communs serait trop agressif. Je veux d’abord installer une réunion des présidents qui réfléchira à ses objectifs commerciaux communs. Si je veux accroître la capacité de la Ligue, il faudra engager une solide personnalité commerciale. A mes yeux, le Lotto est idéal. Il ne s’intéresse pas à un club mais à l’ensemble. Il existe d’autres sociétés de ce type. Pour les attirer, il faut leur offrir un championnat et une Ligue à l’approche professionnelle. Chercher de nouvelles sources de revenus ne sert à rien si on perd de l’argent à cause d’un mauvais système de licences.

Vous semblez vouloir modifier la formule du championnat. N’est-ce pas détourner l’attention des vrais problèmes ? Le produit football n’est pas mauvais.

Je suis tenté par l’étude d’autres formes de championnat mais ce n’est pas là que réside le n£ud du problème. Voici la réalité : dans tous les pays européens, 1,5 % à 2 % des gens se rendent au stade. En Belgique, cela représente environ 175.000 personnes. 100.000 sont absorbées par quatre clubs et les 14 autres se partagent 75.000 spectateurs. Nous devons chercher à augmenter les rentrées de ces clubs. C’est possible via le contrat TV ou un sponsoring commun. Nous allons y travailler.

par jan hauspie

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