PLUS BELLE LA VIE

L’ancien joueur de Zulte Waregem n’est pas encore titulaire au Celta Vigo mais il se fait remarquer à chaque fois qu’il entre au jeu. Le Carolo Théo Bongonda nous parle de sa nouvelle vie.

Il arrive au rendez-vous avec une demi-heure de retard et nous embarque dans son SUV qui se faufile dans les rues de Vigo tandis que les baffles diffusent du rap de Booba et Gradur.  » Je les écouterais pendant des heures « , dit-il.  » Il m’arrive même de discuter avec Gradur sur Twitter. Mais ce que j’adore, c’est Plus belle la vie, dont je suis tous les épisodes sur internet.  »

A Waregem, Bongonda ne pouvait pas sortir sans être accosté. A Vigo, presque personne ne le reconnaît.  » Pas plus d’une personne sur trois, en tout cas « , dit-il.  » Pourtant, ici, tout le monde est fan du Celta. Vous ne verrez personne porter un maillot du Real ou de Barcelone.  »

En Belgique, vous avez surpris tout le monde en quittant Zulte Waregem pour Vigo au mercato d’hiver.

THÉOBONGONDA : Tout est allé très vite. Nous étions partis en stage à Marbella et, après trois jours, quelqu’un est venu me dire que j’avais été vendu au Celta. Je me demandais ce qui se passait. Le temps de dire au revoir à tout le monde et j’étais dans l’avion pour Vigo.

Vous n’avez donc pas eu le temps de réfléchir à la proposition ?

BONGONDA : Je voulais partir et je savais que des clubs étaient intéressés mais je n’avais pas imaginé que ça puisse se faire aussi vite. Zulte Waregem avait donc l’intention de me vendre. C’est bizarre car, quelques mois plus tôt, le club avait refusé une offre de 1,5 million du Club Bruges. Je pense qu’il avait besoin d’argent pour renforcer l’équipe car il a vendu Sylla pour les mêmes raisons.

Vous n’aviez même pas encore joué 15 matches de championnat en Belgique. Le pari n’était-il pas risqué ?

BONGONDA : J’ai lu des choses terribles sur Twitter après mon transfert (il soupire). Selon certains, j’allais m’enterrer à Vigo. Comme si je n’avais jamais joué au plus haut niveau. J’avais toujours rêvé de l’Espagne. Il y a quelques années, j’avais refusé une offre de Liverpool car je ne voulais pas être un numéro mais cette fois, je me sentais prêt.

 » EN BELGIQUE, LE NIVEAU RÉGRESSE  »

Vous aviez déjà fait le tour de la question en Jupiler Pro League ?

BONGONDA : Je n’avais pas l’impression d’encore pouvoir progresser. Je pense que le niveau régresse. Et je ne parle pas que du jeu mais de tout ce qui tourne autour.

Vous n’étiez plus titulaire à Zulte Waregem. Cela a-t-il influencé votre décision ?

BONGONDA : Il y avait de la concurrence sur les flancs : Kaya, Trajkovski, Troisi… J’étais prêt à me battre pour ma place mais les choix de Dury étaient parfois inexplicables. En octobre, j’avais marqué dans trois matches consécutifs mais la semaine suivante, j’étais sur le banc. Soi-disant parce qu’Ostende était une équipe virile et qu’il préférait aligner des types plus costauds. L’année précédente, pourtant, j’avais affronté ce genre d’équipes.

Dury disait que vous ne teniez pas 90 minutes.

BONGONDA : Sur ce point, il a raison. Mais pour cela, il aurait fallu que je joue 90 minutes.

Avez-vous l’impression d’avoir eu droit à moins de crédit après un mauvais match ?

BONGONDA : Souvent, oui. Dury me disait fréquemment que je serais le premier à me retrouver sur le banc. Mais s’il était sans cesse sur mon dos, c’est aussi parce qu’il voyait que j’avais quelque chose. Sans lui, je ne serais pas en Espagne. C’est lui qui m’a lancé en D1. Par contre, je n’avais plus envie d’être réserviste dans une équipe qui luttait pour le maintien en Belgique.

Il ne restait plus grand monde de l’équipe qui avait été vice-championne de Belgique il y a deux ans.

BONGONDA : Verboom, Bossut et D’haene, c’est tout. Tous les six mois, nous perdions une demi-douzaine de joueurs. L’ambiance était bizarre, tant dans le vestiaire que sur le terrain (il marque une pause). Je ne dirais pas qu’il n’y avait plus de bons joueurs mais, quand on est dernier, c’est que quelque chose ne va pas. On ne vend pas impunément des gars comme Thorgan Hazard, De fauw, Leye, Habibou ou Malanda. Même Dury admettait que les transferts réalisés en été ne répondaient pas à l’attente.

Vous suivez encore les résultats de Zulte Waregem ?

BONGONDA : De loin. La saison dernière, j’ai regardé un match de play-offs II contre Waasland-Beveren en streaming. Une catastrophe. Un an plus tôt, nous démontions ce genre d’équipe. Mendy et Verboom m’ont même dit que certains supporters s’en étaient pris physiquement aux joueurs. C’est que ça va mal car ce sont des braves.

Pour les joueurs du Lierse qui étaient avec vous à l’académie Guillou, c’est pire encore : ils sont en D2.

BONGONDA : Ça fait réfléchir. Ce club a de l’or entre les mains mais la direction a dû attendre le mois de décembre pour s’en rendre compte. Comme si elle l’avait fait exprès pour les dévaluer. Des gars comme Kasmi, Tahiri ou El Messaoudi ont leur place en D1. Kasmi est un des meilleurs médians de Belgique. Ses passes sont pures, il se bat, il a une bonne frappe et, techniquement, il est impressionnant.

 » UN JOUEUR MOYEN DU CELTA SERAIT UN DIEU EN BELGIQUE  »

En décembre, vous étiez réserviste à Zulte Waregem et, quelques mois plus tard, vous jouez dans le même championnat que Messi, Ronaldo et Fernando Torres.

BONGONDA : Quand on reste sur le banc pendant 90 minutes contre Mouscron, on se demande ce qu’on fait là. Au Celta aussi, je suis souvent réserviste. Mais en face, il y a Barcelone, le Real ou l’Atlético Madrid. Le club ne m’avait transféré qu’en vue de cette saison mais j’ai rapidement convaincu l’entraîneur de mes qualités.

Vous n’avez donc pas été surpris de pouvoir jouer 20 minutes face au Real dès le mois d’avril ?

BONGONDA : Quand Cristiano Ronaldo est passé devant moi, je me suis senti tout petit. A un certain moment, il y a eu un coup franc et il était là, à quelques mètres de moi : un peu showman, très concentré (il l’imite). Je l’avais vu faire ça des dizaines de fois à la télévision mais là, c’était sous mes yeux. Je n’ai d’ailleurs pas mal joué contre le Real. J’ai déstabilisé Isco d’un mouvement que je répète souvent : feinte de frappe et semelle. Après le match, j’ai échangé mon maillot contre celui de Marcelo, mon adversaire direct.

Mais votre meilleur moment, jusqu’ici, c’est le but inscrit face à Grenade, début avril.

BONGONDA : Le travail paye toujours. Lorsque je suis monté au jeu pour la deuxième fois, face à la Real Sociedad, j’ai délivré un assist. La saison dernière, j’ai participé à huit matches. Pas mal quand on sait que je ne suis souvent que deuxième ou troisième remplaçant.

L’entraîneur vous considère-t-il comme un supersub ?

BONGONDA : Il me fait souvent monter au jeu lorsqu’il faut débloquer le match. S’il tient parole, cette saison, je devrais jouer davantage. Le directeur sportif m’a dit que tout le club était content de la façon dont j’évoluais mais je n’ai pas encore la même confiance en moi qu’il y a deux ans en play-offs I. A l’époque, je jouais vraiment à l’instinct, comme dans la rue.

Cette saison, vous n’avez pas encore joué et en Espagne, il n’y a pas de championnat de réserve. Comment trouvez-vous le rythme ?

BONGONDA : Les pros ne peuvent pas jouer dans l’équipe B, qui dispute le championnat de D3. Les jours de match, quand je ne suis pas repris, je m’entraîne avec les autres joueurs qui sont dans le même cas que moi. En semaine, j’ai un programme adapté et je vais souvent au fitness. Pour l’Espagne, je suis plutôt musclé. Il y a pas mal de petits gros dont on se demande ce qu’ils font là mais ce sont des artistes. Un joueur moyen du Celta serait un dieu en Belgique. Je dis souvent à des joueurs qui ne jouent pas beaucoup qu’ils devraient tenter leur chance en Jupiler Pro League.

Plusieurs Belges ont échoué en Espagne : Goyvaerts, De Mul… Pourquoi réussiriez-vous ?

BONGONDA : Un cas n’est pas l’autre. J’aurais moins de chances de m’imposer en Angleterre ou en Allemagne, des championnats trop physiques. Par contre, je peux dire sans prétention que le championnat d’Espagne me convient à merveille. Mes équipiers disent que je vais rapporter beaucoup d’argent au Celta, un club qui sert souvent de tremplin.

 » JE N’AI PAS HONTE DE MON SALAIRE  »

Vous remerciez souvent Dieu sur les réseaux sociaux. Vous êtes très croyant ?

BONGONDA : Mon père m’a appris à prier chaque jour. Je n’ai pas d’exemple concret qui me prouve que ça sert à quelque chose mais quand je vois l’ensemble de mon parcours, je me dis que quelqu’un veille sur moi.

Généralement, pourtant, les footballeurs ne se comportent pas comme Dieu le souhaiterait.

BONGONDA : Nous avons mauvaise réputation. Au foot, il faut être très fort dans sa tête pour s’imposer. J’en connais des tas qui ont failli tout plaquer. A 12 ans, je suis entré à l’académie JMG et ce n’était pas de la rigolade. Nous étions enfermés, sans amis, sans famille, nous n’avions que quelques jours de vacances par an. Les choses sérieuses ne commencent que quand on signe son premier contrat pro. La famille passe toujours en dernier. Une de mes soeurs s’est mariée en août mais je n’ai pas pu assister au mariage car nous étions en pleine préparation.

Avouez quand même que les footballeurs vivent bien.

BONGONDA : Beaucoup de gens pensent qu’être joueur c’est s’entraîner, rentrer chez soi, dormir et dépenser son argent dans des gadgets. Chacun a le droit de penser ce qu’il veut mais je n’ai pas honte de mon salaire. La seule personne qui puisse me faire des remarques quant à la façon dont je dépense mon argent, c’est ma mère. Elle a travaillé très dur afin que je ne manque de rien. Maintenant, je m’occupe d’elle afin qu’elle puisse profiter de la vie ! Je lui ai même demandé d’arrêter de travailler.

Vous montrez-vous également généreux envers vos amis ?

BONGONDA : Je n’en ai pas beaucoup. Mon cousin William, Jason Denayer et deux amis de Charleroi. Ce sont les seuls en qui j’ai confiance et je n’ai pas besoin d’être plus entouré. Mes vrais amis sont ceux que je connais depuis l’enfance. Je rigole avec tout le monde mais ils sont les seuls à me connaître réellement. J’évite les profiteurs.

PAR ALAIN ELIASY À VIGO – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Maintenant que je gagne beaucoup d’argent, je ne veux plus que ma mère travaille.  » THÉO BONGONDA

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