Plein la citrouille

L’entraîneur milanais vise les trois tableaux. Il sait que ce sera difficile, malgré un brillant début de saison.

Les chiffres sont clairs: Milan et une équipe insatiable. En Championnat, elle possède la deuxième meilleure attaque et la défense la plus solide. En Ligue des Champions, elle compte sept victoires et trois défaites, dont deux lorsque la participation au deuxième tour était en poche et la première lors du tour préliminaire quand l’équipe n’était pas au complet. Milan est toujours en lice en Coupe d’Italie (0-0 à Pérouse lors de la demi-finale aller). Depuis le début de la saison, les Milanisti ont voyagé à la moyenne de deux buts par match. Et pourtant, ce n’est pas cette productivité offensive qui impressionne l’entraîneur Carlo Ancelotti, mais la solidité de sa défense:  » Si nous analysons bien toutes ces données chiffrées, nous nous rendons compte de l’extraordinaire rendement de notre compartiment arrière. Nous étions conscients des grandes qualités offensives de équipe. Par contre, pour l’arrière, nous étions plus sceptiques mais nous sommes parvenus à trouver le bon équilibre dans un très bref délai ».

Juste avant les fêtes de fin d’année, l’entraîneur a eu une entrevue avec le vice-président et administrateur délégué Adriano Galliani. Ils ont échangé des sourires et des poignées de main fermes. Il paraît que cela vaut plus que des paraphes. Carlo Ancelotti et l’AC Milan avaient décidé de continuer à travailler ensemble jusqu’en 2005. Il ne manquait plus qu’une signature, et les deux parties avaient affirmé qu’il ne s’agissait que d’un détail. Quand deux parties s’apprécient, les détails économiques n’existent pas.

Pourquoi avoir prolongé votre contrat jusqu’en juin 2005 juste avant le match de dimanche dernier?

Carlo Ancelotti: Laissons tomber ce discours. Pour moi, l’AC Milan est une famille et je m’y sens bien. Tout cela ne peut que me faire plaisir, mais je ne suis pas un imbécile. Je sais très bien que mon avenir est lié aux résultats: comme tous mes collègues, j’ai l’obligation de gagner.

Quel effet cela vous a-t-il fait de passer les fêtes de fin d’année en qualité de premier de classe?

C’est un superbe résultat parce qu’il est arrivé au terme d’une période pendant laquelle nous avons beaucoup travaillé et énormément sué. Vous le savez, j’aime les choses que l’on gagne avec l’acharnement. Cette première place, c’était la récompense de tous les efforts consentis.

L’Inter vous a dépassé au terme de la 20e journée. Vous y attendiez-vous?

C’est d’autant plus dangereux que l’Inter est allé s’imposer à Parme, ce qui constitue toujours une belle opération, sans Vieri et Crespo. C’est une équipe efficace et quand on dit qu’elle joue mal, on raconte n’importe quoi. Plus fort en Ligue des Champions

Milan est redevenue la capitale du Calcio.

Que les deux clubs dominent le classement général, c’est un succès pour la ville, le public et les deux clubs qui ont bien travaillé l’été dernier. Après plusieurs saisons dominées par la Lazio et l’AS Rome, avec un intermède de la Juventus, il semble que Milan ait relevé la tête.

Vivrons-nous une lutte à deux pour le titre?

Vous rigolez? Pour le titre, il y a Milan, l’Inter, la Juventus et même la Lazio. Nous venons d’entamer les matches retour et tout reste possible. Je ne me fie jamais à la physionomie d’un classement aussi tôt dans la saison. Parce que tout reste possible et qu’il faut constamment multiplier ses forces pour atteindre un objectif important comme le titre.

Plusieurs de vos joueurs semblent plus fascinés par la Ligue des Champions que par le Championnat d’Italie.

Ce que j’en pense? C’est que si je le pouvais, j’emporterais les deux trophées à la maison. C’est vrai qu’en Ligue des Champions, nous avons disputé quelques matches splendides, mais le scudetto a également son charme. Surtout parce qu’en tant qu’entraîneur, je ne l’ai jamais remporté et que j’en rêve.

Quelle est votre réaction quand on vous dit que l’Inter songe surtout au titre, alors que vous et la Juventus, vous tablez plus sur la Ligue des Champions?

Jusqu’à cette semaine, nous n’avons absolument pas pensé aux rendez-vous européens. Après notre victoire contre Borussia Dortmund, une fois notre qualification pour le deuxième tour assurée, nous avons décidé d’accorder la priorité au championnat. Nous avons tenté d’y obtenir les meilleurs résultats et nous l’avons fait. Viser trois objectifs est difficile. Pourtant, nous ne pouvons établir une priorité. Donc, il n’y a qu’un seul mot d’ordre: en avant sur tous les fronts.La reconversion de Maldini

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris?

La manière dont l’équipe a appris ma leçon en peu de temps. En très peu de temps, même. Tout a été tellement vite. Je croyais que quelques mois supplémentaires auraient été nécessaires.

La solidité de votre défense est le fruit de plusieurs facteurs. Le premier, c’est l’extraordinaire saison de Paolo Maldini.

Jusqu’à présent, Paolo a été extraordinaire. La saison dernière, il avait été freiné par une blessure. Cette année, il se sent bien et cela se voit. Comme son nouveau rôle, au centre de la défense, nécessite une dépense d’énergie moins importante, il est donc plus frais. Le fait qu’il ait renoncé à l’équipe nationale l’a aussi aidé, c’est indéniable. Il a pu s’entraîner avec plus de régularité et cela lui a facilité la vie.

Comment avez-vous fait pour que Nesta retrouve sa meilleure forme?

Nesta avait seulement besoin de travailler. Quand il est arrivé, j’ai été obligé de le faire jouer directement. Après, nous l’avons mis au repos et pendant toute cette période, il a pu effectuer un travail spécifique qui lui a permis de redonner de la force à ses jambes.

Vous parlez des améliorations de la défense, mais les supporters sont surtout séduits par votre facilité à marquer des buts.

Il est normal que les supporters regardent les résultats. A la lecture de ceux-ci, ils constatent que nous avons beaucoup marqué. C’est lors des deux premiers mois que nous avons le mieux joué. En novembre et en décembre, nous avons été plus efficaces. J’en veux pour preuve le nombre de rencontres que nous avons gagnées avec un seul but d’écart. A commencer par celles contre le Real Madrid et le Bayer Leverkusen.

Dans quel domaine cette équipe doit-elle s’améliorer?

Dans la possession du ballon. Parfois, c’est une fin en soi: nous devons faire circuler le ballon afin d’alléger le poids du marquage de l’adversaire qui devient de plus en plus féroce au fil des semaines.

Vous a-t-on félicité pour avoir aligné Pirlo comme meneur de jeu devant la défense?

L’idée n’émanait pas uniquement de moi. Pirlo lui-même est venu me demander de l’essayer dans cette position.Le mérite lui revient, je lui ai simplement fait confiance. Pirlo a constitué une belle surprise, comme le fait de revoir Redondo sur un terrain de football.Pas de baisse de régime en novembre

Si vous aviez dû photographier le plus beau moment, lequel auriez-vous choisi?

Il y en a eu tellement que je ne vois pas pourquoi je devrais en choisir un seul.

Signalez-en deux ou trois. Enfin, tant que vous en voulez.

Le premier épisode qui me vient à l’esprit, c’est notre victoire à l’Olimpiastadion de Munich. J’ai conservé la photo de l’écran géant du stade avec le résultat. Avant cela, il y avait eu la victoire au Deportivo La Corogne. Un 4-0 en déplacement, ce n’est pas rien. Le public espagnol, qui s’y connaît, nous avait applaudis. Je retiens aussi nos exploits contre le Real Madrid et le Bayer Leverkusen. C’est clair: les six premiers mois ont été intenses, très intenses.

Aviez-vous programmé un moment de crise?

Au départ, lors des tours préliminaires de la Ligue des Champions, j’avais peur du mois de novembre. Dans l’ensemble, nous avons peu ressenti cette baisse de régime parce que notre noyau est assez large et que j’ai pu accorder du repos tout le monde. Du moins, si, l’on excepte les défenseurs qui sont toujours montés sur le terrain.

Scolari, l’entraîneur du Brésil champion du monde, a déclaré textuellement: Ancelotti m’a surpris par son courage et le jeu du Milan m’a rendu fou.

Mamma mia, il faut faire attention à ne pas attraper le gros cou. Je remercie Scolari également au nom de mes joueurs.

Quelle est la nouveauté de ce jeu dont tout le monde parle?

Je l’ignore. Je m’efforce de toujours rester simple et concret, ce sont les deux voies à emprunter pour arriver au succès. C’est vrai que nous aimons plaire, mais nous avons également démontré une bonne organisation en phases défensives. A Dortmund, par exemple, nous avons été parfaits.

Vous misez tout sur la possession du ballon.

C’est facile, nous possédons des médians très doués techniquement. Ils tentent par conséquent de conserver le ballon. Je le faisais également quand je jouais à la Roma avec Falcao dans les années 80. Je n’ai donc rien inventé.

N’êtes-vous pas un peu allergique à l’avant-scène, par hasard?

Non, seulement je me sens bien quand je me trouve sur le côté, à l’ombre. C’est à la fin que l’on fait les comptes. Je suis quelqu’un de concret. Je me dis que Milan figure parmi les équipes de pointe, mais que les moments difficiles vont arriver et que tous doivent se mettre cela dans la citrouille. Est-ce que je me suis bien fait comprendre?

Nicolas Ribaudo, avec ESM

« Il n’y a qu’un seul mot d’ordre: en avant sur tous les fronts. »

« Je m’efforce de toujours rester simple et concret. »

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