Play it again, Sam

Sammy Bossut a passé sept semaines, cet été, dans le monde merveilleux des Diables Rouges. Regards dans le rétro.

Sammy Bossut :  » Mon gsm a affiché Appel raté, numéro inconnu après notre dernier match de PO1 au Club Bruges. Les supporters avaient scandé  » Sammy au Brésil  » et je subodorais quelque chose mais quand j’ai entendu le message de Marc Wilmots, mon coeur a fait un bond. J’ai téléphoné à mon amie puisque cette sélection impliquait le report de notre mariage et de nos vacances. Wilmots m’a confirmé que Silvio Proto était blessé et qu’il comptait sur moi. Dans le car, je n’en ai parlé qu’à mes voisins et à Francky Dury mais évidemment, tout le groupe était au courant à notre arrivée : Steve Colpaert n’avait pas pu se taire.

J’ai préparé ma valise en toute hâte car je devais me présenter à Genk le lendemain à 12.30 heures. J’ai passé un coup de fil à Proto, pour lui souhaiter un prompt rétablissement et je suis arrivé à Genk avec une heure d’avance. J’ai eu le temps de réfléchir : quelle sera l’ambiance, comment les autres vont-ils m’accueillir ? Thorgan Hazard avait essayé de me tranquilliser. L’entraîneur des gardiens, Erwin Lemmens, m’a présenté, a réglé quelques détails pratiques et je me suis senti à l’aise dès que les joueurs sont entrés et ont bavardé avec moi.

Je brûlais d’envie de faire mes preuves et j’y ai été trop fort les premiers jours. Erwin m’a dit : – Du calme, Sammy !60 %, c’est suffisant. Mais trop peu pour quelqu’un qui s’entraîne toujours à 100 % ! Mon intégration s’est bien déroulée, après avoir dû chanter un morceau, comme tous les nouveaux. Eden Hazard le réclamait le premier jour mais Wilmots a dit qu’il fallait que le groupe soit au complet.

Du Marco Borsato pour débuter

AdnanJanuzaj et DivockOrigi étaient très nerveux. Moi aussi, j’étais plus stressé qu’à l’idée de jouer devant 20.000 personnes. J’ai choisi  » De dromen zijn bedrog « , autremet dit  » les rêves sont des mensonges  » de Marco Borsato, un morceau facile.

Ce baptême a été un tournant. J’ai constaté que ces stars étaient des gens comme vous et moi. Ils ne m’ont jamais donné le sentiment de n’être que le gardien de Zulte Waregem, un petit salaire. Au Brésil, quand on a décidé que chaque joueur verserait quelques centaines d’euros pour faire un cadeau au staff, je me suis dit que c’était une grosse somme, pour moi, mais j’ai suivi le groupe. Finalement, chacun a eu la même prime, donc je ne peux pas me plaindre.

Pas plus que de l’ambiance. A table, j’étais avec les Flamands – Alderweireld, De Bruyne, Lombaerts, Mignolet, Vermaelen – et on riait autant qu’à Waregem. Par contre, je n’ai joué au golf qu’une fois. La plupart en sont dingues mais ce n’est pas mon truc. Je préférais communiquer avec mon foyer, écouter de la musique à la piscine avec Toby Alderweireld ou jouer aux cartes avec Eden et Kevin.

 » Deuxième moment important, mes débuts contre le Luxembourg, le lendemain de mon baptême. J’ai bien passé l’examen. J’étais plus détendu qu’au début des entraînements, j’étais prêt. J’ai même guidé Kompany et Vermaelen : -Mets la pression, pousse-le à gauche… Le but, à la 13′, m’a déçu, même si je n’avais rien à me reprocher. Ensuite, j’ai réussi le peu de travail que j’avais, notamment ce sauvetage homme contre homme sur une perte de balle de Kompany. Toute la tribune a scandé mon nom ! Je me suis vraiment senti Diable Rouge. Vincent m’a félicité par la suite.

Waregem salue Sammy

A Mogi das Cruzes, la première semaine, c’était un stage comme ceux auxquels j’étais habitué mais quand nous avons pris le chemin du stade à Belo Horinzonte, pour le match contre l’Algérie, escortés par la police et même un hélicoptère, j’ai pris conscience que je participais au Mondial. En chemin, j’ai vu des baraques couvertes de graffiti, sans isolation et parfois sans fenêtre puis ce stade imposant. Quel contraste entre la misère et le luxe : des vestiaires avec quatre bains glacés, deux jacuzzis, vingt douches… Quatre écrans géants dans les tribunes et même une banderole  » Waregem salue Sammy « , faite par des anciens collègues de mon amie.

Ceci dit, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. A l’échauffement, je m’occupais de Simon, Erwin de Thibaut, puis je délivrais des centres. Le groupe vivait le match comme n’importe quelle équipe. Certains écoutaient de la musique, d’autres, comme moi, se concentraient dans le calme. Le stress était plus intense, évidemment. Le huddle d’avant-match réunissait tout le noyau pour accentuer l’esprit d’équipe. Kompany m’a impressionné : on dirait un général qui rassemble ses troupes. Son speech est classique mais il dégage un énorme charisme. Il est resté d’un calme impérial après nos victoires. Comme tout le monde.

J’avais peu de chances de jouer mais on ne sait jamais. J’étais prêt. Ces matches sont inoubliables mais les entraînements m’ont apporté plus. La base est toujours la même – coordination, stabilité, saisie du ballon – mais s’entraîner à un tel niveau vous permet de repousser vos limites. Je devais renvoyer le ballon immédiatement et les défenseurs m’en donnaient la possibilité en réfléchissant avec moi.

Plus besoin de crier

Simon a été agréablement surpris par ma technique et ma vitesse d’exécution. Je ne suis pas devenu un meilleur gardien au Brésil mais Courtois et Mignolet m’ont appris des trucs. Simon a notamment remarqué que mes bras étaient trop bas quand je me détendais : – En Angleterre, les défenseurs bloquent tes bras : tu dois les garder à hauteur d’épaule. Je place mieux mes envois.

Surtout, j’ai gagné en assurance. J’ai compris que mon entraîneur Gianny De Vos et moi travaillions bien ici. Ça m’a rasséréné. Avant, je m’énervais quand j’avais un 5/10 mais si j’avais été mauvais, Wilmots ne m’aurait pas sélectionné. Je sais que je peux jouer au plus haut niveau. On me respecte davantage.

Je suis devenu un leader. A Soligorsk, plusieurs ne cessaient de glisser : leurs studs étaient trop courts. Je me suis fâché au repos : – Changez de chaussures ! Nous ne sommes pas ici pour nous amuser. Nous sommes éliminés mais je veux gagner.

Par contre, je ne crie plus quand j’encaisse un but. C’est inutile. Je critique de manière constructive, je signale gentiment leurs fautes aux jeunes. Ils l’acceptent car je me livre à fond. J’imprime mon sceau mais le reste n’a pas changé depuis le Mondial. Mes amis disent que je suis resté moi-même. J’en suis encore plus fier que de mes prestations sur le terrain. « 

PAR JONAS CRÉTEUR – PHOTO: IMAGEGLOBE/ KETELS

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