Plans de bataille

Bruno Govers

Voici comment l’entraîneur du RWDM a préparé -et analysé- le match contre Genk.

Tous ceux qui ont oeuvré, ou qui travaillent encore sous ses ordres, le concèdent à l’unisson: pour Emilio Ferrera, chaque rencontre fait l’objet d’une préparation particulière, en fonction des spécificités de l’adversaire.

Dans l’optique du match contre le Racing Genk, il nous a livré ses plans de bataille et nous a autorisés à suivre, une semaine durant, sa préparation. Récit d’une immersion totale.

Lundi: chasse aux toxines

Lendemain de match au stade Edmond Machtens. La veille, les Coalisés ont remporté une victoire aisée -4 à 0- face au Vigor Hamme en Coupe. Au programme, décrassage autour de l’étang de Neerpede. Les Molenbeekois ne sont pas seuls. Deux jours après leur élimination dans cette même épreuve de coupe nationale, par Lokeren, les joueurs du Sporting voisin sont là aussi mais s’entraînent dur.

L’après-midi, l’attention est rivée sur le tirage au sort de la Coupe de Belgique. Emilio Ferrera ne formule aucun souhait particulier, sinon celui de pouvoir évoluer à domicile. Son voeu n’est malheureusement pas exaucé car la main innocente de Vince Briganti, second de Robert Waseige chez les Diables Rouges, réserve aux Coalisés un déplacement à Mouscron. « Une opposition de renom mais qui ne doit pas, pour autant, nous effrayer », souligne le coach molenbeekois.

Mardi: Genk joue comme Man United

Le traditionnel jour de congé, 48 heures après un match, est mis à profit par Ferrera pour plancher sur la rencontre du dimanche face au Racing Genk. Après la partie de Coupe de Belgique face au Vigor Hamme, l’entraîneur molenbeekois s’était empressé de rentrer chez lui afin de regarder et d’enregistrer le duel entre les Limbourgeois et le Standard dans cette même compétition. Il possédait déjà une cassette retraçant les évolutions de ces deux équipes, mais en championnat cette fois.

« C’est la deuxième fois, cette saison, que je suis amené à croiser le fer contre les Racingmen », dit-il. « La première, c’était avec Beveren, en journée initiale. Nous avions été battus 5-1 mais je n’avais pas les mêmes points de repère qu’aujourd’hui. A l’instar de l’Excelsior Mouscron, Genk est une équipe qui s’appuie sur un schéma précis, tant sur ses terres qu’en déplacement. Contrairement à des phalanges qui n’offrent pas une lecture de jeu aisée, Genk avec son 4-4-2, permet une riposte plus réfléchie. Les Limbourgeois présentent l’avantage de jouer avec le même onze quasi immuable: Jan Moons au goal; une ligne arrière avec Kevin Vanbeuren, Hans Leenders, Didier Zokora et Akran Roumani; un milieu formé de Thomas Chatelle, Bernd Thys, Josip Skoko et Koen Daerden et un duo d’attaque composé de Wesley Sonck et Moumouni Dagano. La seule réelle inconnue, c’est la présence ou non de Josip Skoko, qui pourrait être appelé à disputer dans le même temps avec l’Australie, le deuxième match de barrage pour la phase finale de la Coupe du Monde contre l’Uruguay, à Montevideo. Mais je pars du principe que celui qui le remplacera, Justice Wamfor sans doute, jouera d’après le même canevas. Car l’axe central de Genk fonctionne comme celui de Manchester United: on n’y retrouve pas un demi chargé de la récupération du ballon et un autre, censé alimenter les attaquants. A l’image de la paire Paul ScholesRoy Keane, Thys et Skoko attaquent et défendent de concert selon les exigences du moment ».

Mercredi: les choses sérieuses

Avant la première séance de préparation, Emilio Ferrera nous expose les différents axes de sa stratégie contre Genk.

La gestion de l’infériorité numérique sur les flancs.

« Genk a toujours tendance à utiliser toute la géométrie du terrain. En obligeant l’adversaire au même déploiement, les diverses composantes de celui-ci évoluent de manière très écartée l’une par rapport à l’autre. Les Limbourgeois mettent justement ces distances à profit pour faciliter, par le milieu du jeu, les incursions des éléments de leur deuxième ligne. Ceux-ci, en outre, bénéficient très souvent sur cette aire du terrain de l’appui d’un troisième homme: Sonck, qui décroche souvent. Nous devrons resserrer les rangs sur cette portion du terrain afin d’empêcher ces infiltrations. Il faut, donc, libérer les flancs où nous serons en infériorité numérique. Je choisis toutefois cette option en me disant qu’un Dirk Van Oekelen, à gauche, ne se retrouvera quand même pas confronté d’un bout à l’autre de la partie à la fois à Chatelle et à Vanbeuren. Idem sur l’autre versant avec Jimmy Smet contre Daerden et Roumani ».

L’utilisation des diagonales.

« Nous essayerons de la sorte de dissuader les arrières latéraux adverses de monter: en cas de récupération du ballon sur nos flancs, le propos sera de balancer de longues transversales vers l’aile opposée, surtout en tout début de rencontre. La finalité sera double: elle visera non seulement à alerter Alexandre Kolotilko ou Mike Origi, qui aiment à plonger sur les côtés, mais aussi à dissuader les arrières latéraux adverses à appuyer la manoeuvre. A partir du moment où ces ardeurs seront réfrénées, nous pourrons en venir à une troisième facette ».

L’exploitation de la supériorité numérique au milieu.

« Dans la mesure où ce secteur sera fourni, il serait sot qu’il ne serve qu’à endiguer les incursions de l’adversaire ou à contrecarrer la manoeuvre de repli de Sonck. En aucun cas, notre défense centrale, formée d’ Ibrahim Kargbo et de Laurent Fassotte ne doit suivre le buteur limbourgeois quand il recule. S’il décroche, c’est un homme du milieu qui prendra automatiquement la relève. Mais sa tâche ne doit pas se limiter à cette seule prise en charge. Puisque nous serons en surnombre à ce niveau, il conviendra d’exploiter cette situation en reconversion offensive également. En principe, nous devrions toujours compter un homme de plus que le Racing, dans ce secteur. Je sais que pour parer à cette éventualité, l’entraîneur du Racing, Sef Vergoossen, invite ses joueurs de flanc -Daerden et Chatelle- à délaisser leur couloir afin de rentrer dans le jeu et de prêter main forte à leurs partenaires. Ma parade sera d’inviter mes propres arrières latéraux -Smet et Van Oekelen- à les suivre dans leurs mouvements et à calquer leur position sur eux. Si ces consignes sont respectées à la lettre, il y aura donc à la fois pression sur les deux flancs limbourgeois, tandis que deux éléments axiaux opéreront d’une même manière sur Skoko et Thys. Un élément sera, de la sorte, toujours libre, dans nos rangs, dont l’identité variera en fonction des circonstances. A lui de tirer profit de cette situation ».

A l’entraînement du matin, après que le préparateur des gardiens, Luc Duville, ait pris soin de délimiter le terrain en zone, avec deux bandes latérales allant d’une extrémité de chaque surface de réparation à l’autre, le premier point tactique est abordé. Kris Temmerman, Lambert Smid et Edin Ramcic forment une charnière médiane chargée à la fois d’endiguer les infiltrations par le centre et de prendre en charge Ivica Jarakovic, qui évolue en soutien de Mike Origi, comme Sonck en a l’habitude avec Dagano.

L’après-midi, c’est une variante qui est travaillée: puisque le milieu est bien cadenassé avec les trois éléments précités, on aborde la réception des centres délivrés à gauche par Marius Mitu -à la manière dont Daerden pourrait le faire- et, à droite, par Danijel Brezic, censé imiter Chatelle. A ce petit jeu, la défense centrale se montre particulièrement à la hauteur. Surtout dans le chef de Kargbo.

Jeudi: mise en oeuvre

Au menu, l’utilisation des diagonales. Van Oekelen et Mitu, du côté gauche, et Jonathan Butera et Nicola Wellens, du côté droit en l’absence de Smet (légèrement blessé), sont appelés à transmettre de longues balles vers l’avant, sur le flanc opposé. Afin que leurs services aient la bonne hauteur, des buts amovibles sont posés, en guise d’obstacle, le long de la ligne médiane.

Ensuite, le groupe travaille l’appui sur un homme libre. Ramcic, Smid et Temmerman se relaient tour à tour dans cette fonction.

Vendredi: les phases arrêtées.

« Dans ce genre de situation, le Racing Genk occupe toujours des zones bien définies », souligne Emilio Ferrera. « Sur coup de coin, deux hommes se postent invariablement aux piquets, tandis que deux autres veillent au grain aux 16 mètres. A hauteur du petit rectangle, cinq joueurs se trouvent pour ainsi dire sur la même ligne. Aucun n’a une mission de marquage spécifique sur tel ou tel joueur. Tous prennent tout simplement en charge celui qui fait irruption dans leur zone. Au lieu de botter nos corners directement, nous procéderons par une ou deux étapes avant de centrer.

De la sorte, les Racingmen seront plus enclins à quitter leur zone. De même, sur coup franc, les Limbourgeois opèrent de manière analogue: quand le ballon est à gauche ou à droite de la surface de réparation, ils placent deux joueurs dans le mur, deux autres à hauteur des 16 mètres et cinq éléments chargés chacun de leur zone. Une fois encore, l’idée sera de ne pas délivrer une balle dans le paquet, immédiatement, mais de s’appuyer sur un ou deux relais ».

Samedi: dernières mises au point

En cette veille de match, une seule séance figure au programme. Elle débute par le visionnage de la cassette du match de coupe entre Genk et le Standard. Par après, les différents points abordés en semaine sont travaillés une dernière fois. L’accent est mis tout particulièrement sur la manière dont les milieux géreront le jeu en décrochage de Wesley Sonck.

Dimanche: erreurs individuelles!

A l’exception de Skoko, remplacé comme prévu par le Camerounais Wamfor, Genk se présente au RWDM dans la composition attendue. Côté molenbeekois, Smet cède sa place au jeune Timmermans (2e titularisation cette saison). L’espoir des Coalisés s’acquitte plutôt bien de sa tâche sur Daerden, tandis que Van Oekelen tire son épingle du jeu d’une même manière devant Chatelle. Les footballeurs du centre sont, pour leur part, un peu moins heureux. A droite, Smid, qui revient de blessure, éprouve des difficultés à faire écran de façon judicieuse devant Roumani. Et, à gauche, Mitu n’est pas à la fête non plus avec Vanbeuren. Tous deux tolèrent trop facilement que les latéraux genkois s’appuient sur Thys, Wamfor et même Sonck pour solliciter un une-deux. C’est sur une telle manoeuvre, d’ailleurs, que le Racing a la possibilité de marquer après quatre minutes de jeu à peine.

Par la suite, l’espace de toute une mi-temps, le RWDM inquiète résolument son adversaire par le biais de longs services vers Kolotilko et Origi. Mais leur finition n’est pas à la hauteur, surtout dans le chef du Kenyan. A une poignée de minutes de la pause, les visiteurs semblent sur le velours suite à une bourde de Kargbo, exploitée par Sonck.

Après le repos, c’est au tour du gardien Doumen d’y aller d’une erreur, après que Wamfor eut trouvé la lucarne sur un centre de Chatelle. Avec Butera et Allou à la place de Smid et Mitu, les visités, malgré un cinquième but de Vanbeuren ont encore le bon goût d’y croire et ramènent finalement la marque à de plus justes proportions: 2-5.

« Si on ne s’arrête qu’au seul résultat, c’est une correction », dit Emilio Ferrera après coup. « Au plan du jeu et des consignes, je ne suis cependant pas mécontent. Si nous n’avions pas payé un lourd tribut à trois erreurs individuelles, et exploité le penalty dont nous avons hérité, le score eût été tout autre. J’estime que nous avons remarquablement géré l’infériorité numérique sur les ailes car l’adversaire ne s’est pas créé une seule opportunité à partir de ces secteurs. La récupération du cuir, dans cette zone, a parfaitement été exploitée aussi car nos deux arrières latéraux ont distillé un nombre appréciables de passes lumineuses à destination des avants. De même, sur les phases arrêtées, nous avons bel et bien pris l’adversaire au dépourvu. Il est regrettable, hélas, que nos attaquants n’aient pas fait preuve de plus de réalisme. Ils auraient pu mieux faire, à l’image du pack central au demeurant.

Mais ces joueurs ont droit à des circonstances atténuantes, dans la mesure où il n’était pas prévu que l’équipe encaisse un premier but après cinq minutes déjà. A 0-2, tous les médians ont eu tendance à jouer dix à quinze mètres plus haut, afin de tenter le tout pour le tout. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que certaines pertes de balle nous aient fait mal. Il y a eu, à cet égard, trop de précipitation chez certains. C’est dommage, car compte tenu des distances entre les joueurs, au Racing, il y aurait eu moyen de procéder de manière plus réfléchie. En soi, il n’est pas dramatique de perdre trois points contre Genk. Pour nous, il est plus important de remporter l’une ou l’autre unité face à Alost et le Lierse, qui seront nos adversaires cette semaine. Mais je peste quand même en ce qui concerne ces manquements individuels. Je me dis que nous nous sommes dans une large mesure battus nous-mêmes ».

Bruno Govers

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