Entre les tracés de sa maison à Ecaussinnes, les lignes des pré-collines turinoises et la fin de saison de son nouveau club italien de Série B, le Géomètre se retrouve.

Le dernier samedi de février est venteux et pluvieux sur Palerme. Dans le soir qui tombe, les palmiers mouillés tanguent de façon monumentale et l’air est salé jusque sur les marches du sublime Teatro Massimo. On y joue Carmen de Bizet pour la dernière fois de la saison.

A Mondello, la plage chic de la capitale de Sicile, l’équipe du Torino prend ses quartiers dans l’hôtel Palace où logent toujours les adversaires de l’équipe de Palerme. La Squadra Azzurra ou la Juventus y descendent aussi quand elles se produisent au stadio Renzo Barbera.

Il est 19 heures et Johan Walem en survêtement bordeaux est l’un des premiers joueurs de Torino à entrer dans le lobby. Une demi-heure plus tôt, l’avion privé du second club turinois a atterri à Punta Raisi. Le médian belge laisse tomber son bagage et se pose légèrement dans un vaste sofa.

32 ans depuis le 1er février, Walem ne les fait pas mais son sourire se fracasse comme une vague hivernale quand il se souvient de son départ du Standard…

 » Tout a commencé une dizaine de matches avant la fin du dernier championnat « , se souvient-il.  » Chaque fois qu’un joueur devait aller voir la direction, on lui collait un papier sur l’armoire du vestiaire. Ce jour-là, c’était mon tour et j’avais rendez-vous avec Michel Preud’homme. Il m’a dit que le club ne comptait plus sur moi dès la saison 2003-2004 malgré le contrat qui me liait jusqu’en 2006 et qu’il valait mieux que je me cherche un nouvel employeur. J’ai terminé la saison en me disant que je devais absolument partir sans demander mon reste. On ne comptait plus sur moi et je ne voyais pas pourquoi je demanderais une explication. A l’heure actuelle, je ne sais toujours pas pourquoi on n’a plus voulu de moi. Mais crois-moi, cela me reste sur le c£ur. J’étais revenu deux ans plus tôt pour rester longtemps au Standard, pour faire quelque chose de bien. Si c’était à refaire, je reviendrais au Standard. Je suis parti à un moment où je tournais bien à nouveau. Durant l’été 2002 j’avais joué une bonne Coupe du Monde et puis, au Standard, tout s’est compliqué pour moi pendant quelques temps avant que je revienne en forme. J’avais tout de même joué une bonne saison 2002-2003 û NDLR : 30 matches, 4 buts, 6 assists, une moyenne de 5,8. Aujourd’hui, je me dis que j’ai été trop honnête, trop direct en partant et en jouant le jeu du Standard. Mon agent Pietro Lo Monaco m’avait bien dit que je ne devais pas partir, que je pouvais rester et prester mon contrat, le temps de revenir dans les bonnes grâces du club. Sans doute que c’est vrai dans le milieu du foot : si tu n’as pas une grande gueule, on ne te respecte pas. Mais cela n’a jamais été ma conception du foot. J’ai toujours estimé que c’était toujours sur le terrain qu’on jugeait un joueur. Et par rapport à son jeu, pas autre chose.

On me jetait au Standard sans vrai motif. Je n’avais quand même pas commis de faute professionnelle ! L’administrateur Louis Smal m’a dit à plusieurs reprises – comme mon agent – de rester et d’être patient. Mon talent finirait bien par émerger, estimait-il. Mais quand Michel m’a dit qu’on ne comptait plus sur moi, j’ai pris ça comme un affront. Surtout sans explication franche « .

Dominique D’onofrio ne voulait plus de lui

Dégoûté, Johan, certes, mais s’il ne savait pas pourquoi il ne suffisait plus, il devait quand même bien être au courant de qui ne voulait plus de lui.

 » Evidemment que je le sais maintenant « , dit-il.  » Ce n’est pas Michel Preud’homme. Luciano D’onofrio non plus, qui a toujours été correct. Un vrai plaisir de travailler avec lui. Il m’a d’ailleurs dit que je pouvais compter sur lui si j’avais besoin d’un coup de main à n’importe quel moment de ma carrière. Non, c’est l’entraîneur actuel, Dominique, qui ne voulait plus de moi. J’étais bien au Standard, je n’ai jamais eu qu’un problème avec un joueur : AliLukunku, qui a sorti des bêtises énormes. Si je pouvais tout décider, je rentrerais immédiatement à Liège. Je me suis fait des amis dans la Cité Ardente, ils viennent me voir jusqu’à Turin. Mon rendement ne devait pas être suffisant apparemment mais j’ai toujours donné le meilleur de moi-même dans une superbe ambiance, c’était le paradis pour moi, un vrai Club Med. Je me suis toujours bien amusé en travaillant dans ce club. Ce fut une révolution pour moi et mon amie italienne Erika de s’en aller. On avait acheté une maison en dehors de Liège, on a dû la revendre. On avait deux chiens : un golden retriever et un bouvier bernois, on n’en a plus qu’un. On avait aussi entrepris de faire construire une maison à Ecaussinnes, d’où je viens, et c’est mon père qui doit superviser ça. Maintenant, on habite aussi dans la nature, dans les pré-collines turinoises et c’est bien aussi, mais je pensais ne jamais quitter le Standard. J’avais un contrat jusqu’à 34 ans, je voulais y construire quelque chose de solide aussi. Quand je vois tous les attaquants qu’on a achetés, cela me rend malade, je n’ai même pas reçu ma chance avec un tel potentiel devant moi et ça me fait quelque chose « .

Sans parler du fait que le dernier venu de la filière uruguayenne JuanRamon Curbelo est une copie conforme du milieu gaucher…  » Je ne veux pas en parler, je ne le connais pas « , avoue Walem.  » Certains ont dit que mon contrat était trop lourd pour Sclessin mais c’est de la blague. On a dépensé au Standard bien plus que ce qu’on a économisé en ne devant plus me payer. L’argent n’a pas été un moteur dans mon départ forcé « .

En arrivant à Torino, Walem replongea dans ce Calcio qu’il connaissait si bien mais son corps protesta face à la charge de travail Une pubalgie lui bloqua le bassin alors que son nouveau club le soumettait à une préparation athlétique intense, l’été dernier.

 » C’est mon ostéopathe de Braine-le-Comte, Olivier Auquier, qui m’a aidé à m’en sortir en trois séances « , raconte Walem.  » Si j’en ai besoin, je prends l’avion et je vais le voir en Belgique. Mais j’ai galéré à mon retour ici. Tout a été mal pour moi jusqu’à la mi-décembre. J’étais blessé et c’était d’autant plus difficile de trouver ma place dans ce club qu’il venait de tomber en Série B et que la restructuration était intense à tous niveaux. Les problèmes ont commencé pour moi avec la préparation. Alors qu’au Standard, on avait une séance de musculation par semaine, ici c’était un jour sur deux pendant les 35 premiers jours de la saison. Et puis, j’ai dû m’intégrer progressivement dans une équipe qui se cherchait sous les ordres du nouveau coach Ezio Rossi, un ex joueur du club qui a coaché la Triestina aussi en Série B. Au début, Rossi a voulu nous faire jouer en 4-3-3 mais les meilleurs résultats ont été obtenus en 4-4-2 où je joue dans l’entrejeu central juste à côté de Diego De Ascentis, un ancien de Milan, qui joue plus défensivement que moi « .

Toujours apprécié dans le Calcio

 » Cela m’a fait du bien d’atterrir en Italie où on me connaît bien et où on m’apprécie. Oui, je suis en train de jouer un rôle de géomètre avec le Torino û NDLA : il rit en faisant référence au surnom reçu en Série A avec l’Udinese. J’ai un contrat de même longueur qu’au Standard. Ce n’est pas un secret, le club est secoué sur le plan financier comme tous les clubs italiens mais je suis confiant. Il y a de gros retards de paiements depuis le début de la saison mais je m’y retrouverai un jour où l’autre parce que la fédération italienne garantit tous les salaires. Notre président nous a aussi rassurés. Bon, c’est vrai que ce n’est pas une situation et que je ne l’ai connue ni à Anderlecht ni au Standard, mais c’est comme ça en Italie. Erika, qui vient d’Udine, me rappelle souvent que la Belgique est un pays formidable « .

La Belgique et le Standard lui manquent. Et les Diables Rouges alors ! Impossible de les ranger dans la malle à souvenirs sans regrets :  » Après ma bonne Coupe du Monde en Asie, j’ai dit que c’était terminé pour moi et je dois m’y tenir. Mais quand je vois qu’un Philippe Clement et un Roberto Bisconti sont dans l’équipe, je me dis que j’ai toujours ma place. Sans problème. Mais je ne veux pas paraître acariâtre ou préoccupé. Je sens que j’ai encore une bonne fin de saison devant moi On a trois mois devant nous pour remonter en Série A et c’est possible. On a un bon noyau qui a trouvé sa stabilité. Je n’ai pas besoin de croiser les doigts… Quand on voit où on en est maintenant, on se dit qu’on peut toujours terminer dans le top six garant d’une place en Série A la saison prochaine. Il y a 24 équipes dans la division et encore une petite vingtaine de matches à gagner « .

Le dimanche après-midi 28 février, dans le stade de Palerme Renzo Barbera serti dans le luxuriant parc de la Favorita au pied du Monte Pellegrino, Walem a joué son match : 90 minutes de ratissages incessants dans l’entrejeu, un appui constant à ses coéquipiers, un positionnement tactique jamais pris en défaut, quasi pas de pertes de balles et deux bons tirs au but palermitain dont un très violent qui a longtemps fait vibrer la barre sous les yeux des tifosi de la Curva Nord. A ce jour, Johan totalisait depuis la mi-décembre 14 matches, 845 minutes, un but et trois assists.

Le Torino perdait 2-1 devant 22.515 spectateurs en démontrant un meilleur fonds de jeu que le Palerme de Francesco Guidolin qui base tout sur son excellent centre-avant Luca Toni. Cela valait bien sûr largement un choc de notre D1. Après le match, l’US Città di Palermo était deuxième ex-aequo avec 48 points et le Torino huitième avec 40. Les plans du géomètre tenaient la route.

John Baete, à Palerme

 » Je pensais ne JAMAIS QUITTER LE STANDARD  »

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