« Plaire à tout le monde? Impossible »

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le milieu gaucher des Rouches et des Diables fait le point sur son retour en Belgique.

Johan Walem savait que le match de Coupe du Standard à Genk serait terrible. « Nous sommes des pros et nous devons accepter et assumer les verdicts des tirages au sort, même quand ils sont défavorables. Il n’y avait sans doute pas de mission plus difficile que se déplacer à Genk. Ce club a un très bon noyau, un beau stade et un public fantastique. A plus d’un point de vue, c’est l’exemple à suivre en Belgique ».

Les Rouches ont tenu le choc pendant 90 minutes (1-1), puis ont vu leurs espoirs s’envoler dans les prolongations (3-2). Un vrai match de Coupe avec une ambiance de feu, l’incertitude qui a plané jusqu’à la dernière seconde, des exclusions,…

Deux semaines après son élimination européenne, le Standard se retrouve avec le championnat pour seul objectif. Le petit médian des Diables ne supporte pas trop bien cette évidence.

Vous aviez pris un avantage psychologique en arrachant un nul à Genk en championnat?

Johan Walem: Tout à fait. Un avantage qui s’expliquait par le point pris sur cette pelouse, mais surtout par la manière que nous avions employée ce soir-là. Pendant toute la première mi-temps, on avait même vu un très bon Standard. Tout s’était malheureusement déglingué en deuxième période. Une fois de plus… Si nous avions été bien dans nos têtes durant tout le match, nous aurions pu prendre les trois points. Quand nous aurons enfin réussi à gagner une fois en déplacement, nous serons totalement libérés. Mais cette première victoire se fait attendre. Je ne comprends pas que le niveau de notre équipe soit si différent selon qu’elle évolue à domicile ou à l’extérieur. Il faudra solutionner au plus vite ce problème de confiance si nous voulons jouer les premières places.

Les joueurs abordent-ils parfois ce problème dans leurs discussions entre eux ou avec l’entraîneur?

Oui, régulièrement. Nous nous demandons quand cette fameuse première victoire finira enfin par tomber. Nous l’avons eue plusieurs fois à portée de la main, mais nous n’avons encore jamais été capables de concrétiser. Si elle était survenue à Genk en championnat, tout serait beaucoup plus facile aujourd’hui. Car avant notre visite, cette équipe avait pris 15 points sur 15 dans son stade. Sur le papier, c’était notre déplacement le plus difficile. En gagnant là-bas, nous serions revenus à la hauteur de Genk et l’état d’esprit dans notre noyau serait complètement différent aujourd’hui. Pendant toute la première mi-temps, nous avions prouvé que, malgré nos obligations européennes, nous avions le niveau de Genk.

Grosse occasion ratée contre Bordeaux

L’élimination européenne est-elle digérée?

Elle a été vite digérée. Peut-être trop vite…

Que voulez-vous dire?

Nous avons raté quelque chose de gros, dans nos deux matches contre Bordeaux. Surtout au retour. Nous avions très bien entamé notre semaine infernale en battant Anderlecht. Tout aurait dû être en place, dans nos têtes, pour éliminer Bordeaux. Au tour précédent, nous avions surmonté de gros obstacles dans nos matches contre Strasbourg: cela aurait dû constituer un adjuvant moral supplémentaire et déterminant. Mais nous n’avons pas su forcer la chance face à Bordeaux. Peut-être parce que nous n’avons pas suffisamment essayé de la forcer. Depuis le temps que le Standard attendait son retour en Coupe d’Europe, il est dommage d’avoir dû la quitter de cette manière. Ces matches ont en tout cas prouvé que le Standard devait encore pas mal grandir.

Comment?

En ne bouleversant plus son noyau! Il est bon. La sauce commence à prendre. Ce serait vraiment malheureux de laisser à nouveau partir des joueurs en cours de saison. Le plus grand souhait des joueurs est là: ne plus rien changer. Un titre se joue sur la continuité. La victoire contre Anderlecht doit nous servir de référence: ce soir-là, nous avons montré nos vraies ressources et prouvé qu’il y avait une âme dans notre équipe. Alors que beaucoup en doutaient. Moi-même, je n’en étais pas persuadé avant ce match… Mais, au fil des semaines, je constate que le message de Michel Preud’homme passe de mieux en mieux. Si on garde le même groupe, si on laisse du temps à l’entraîneur et si on est patient avec les joueurs aussi, ce Standard peut aller très loin.

Bientôt opéré!

Le Standard devra faire sans vous pendant quelques semaines, car vous souffrez de la cheville…

Je dois dire que je suis servi depuis un an: c’est ma troisième blessure. Il y a d’abord eu le coup de coude volontaire en Lettonie. Je m’en suis sorti avec une grosse entorse de la nuque, mais pour le même prix, une vertèbre aurait bougé et ma carrière aurait été terminée. Cela s’est joué à quelques millimètres. Si une personne normale avait pris le même coup, les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves. Heureusement, quand on est bien entraîné, on sait mieux esquiver et on est plus résistant aux chocs. Cette blessure m’a tenu trois mois à l’écart. Puis, j’ai été blessé au mollet: encore deux mois d’indisponibilité.

Aujourd’hui, je souffre parce que de petits morceaux d’os se baladent dans ma cheville. C’est la conséquence d’un coup reçu à Skopje en Coupe d’Europe. La douleur s’en va par moments, puis elle revient sans prévenir. Je dois parfois me ménager à l’entraînement et ce n’est pas honnête vis-à-vis de mes coéquipiers. Il faudra donc que je passe sur le billard pour un bon nettoyage. Cela me coûtera au moins six semaines d’indisponibilité. Il reste à fixer le moins mauvais moment pour cette opération.

Le Standard est éliminé de la Coupe d’Europe et les Diables Rouges sont qualifiés pour le Mondial: cela veut-il dire que vous allez vous décider?

Sans doute. Je devrais prendre ma décision dans les prochains jours et il est pratiquement certain que je me ferai opérer avant la trêve. Je ne peux pas continuer à jouer avec ma santé: si j’attends trop, les conséquences à long terme pourraient être plus graves.

Comment avez-vous vécu la qualification des Belges?

Le match à Prague ne fut sûrement pas le meilleur de ma carrière, mais certainement le plus particulier, le plus intense. C’était le couronnement de dix jours fantastiques. En retrouvant le noyau des Diables, je me posais des questions sur l’ambiance qui allait y régner. Tout paraissait tellement négatif, à l’extérieur. On cherchait la petite bête et cela aurait pu créer des tensions irréversibles entre les joueurs d’une part, entre les joueurs et l’entraîneur d’autre part. Heureusement, les critiques nous ont finalement soudés comme jamais. Les retrouvailles se sont faites dans une atmosphère particulièrement délicate, mais Robert Waseige n’a eu besoin que de quelques heures pour tout recadrer et nous remettre dans une spirale positive, ambitieuse. Je n’avais jamais rencontré une telle envie collective de faire taire les critiques.

Mal-aimé en Flandre

On devine que vous aviez fait de ces deux matches une revanche personnelle après les critiques finlandaises?

J’estime en tout cas que j’ai mis les choses au point. J’ai toujours accepté les critiques quand elles étaient justifiées. Mais après la Finlande, certains journaux n’ont pas respecté les règles du jeu. On a voulu me faire passer pour le principal responsable de cette débâcle. Alors que tout le monde avait été mauvais. Cela m’a dégoûté.

Vous avez un point commun avec Waseige: votre image ne passe pas en Flandre!

On ne peut pas plaire à tout le monde… Mes problèmes avec la presse flamande ne datent pas d’hier. Je suis sa cible privilégiée dès que les résultats sont mauvais. Pourquoi? Je n’en sais rien. Si les Flamands ont envie de me condamner, si ça les amuse, qu’ils le fassent. De mon côté, je savoure ma revanche au coup par coup: j’étais fier d’avoir bien joué contre l’Ecosse, et aujourd’hui, je suis vraiment content d’avoir participé à la victoire dans les matches de barrage.

Mon image va peut-être changer en Flandre après cette qualification: qui sait? En rentrant à Zaventem, mercredi dernier, des supporters flamands m’ont chaudement félicité: cela ne m’était jamais arrivé… Walem a toujours été la cible privilégiée des Flamands, comme Vanderhaeghe est aujourd’hui la tête de Turc des Wallons. J’en ai parlé récemment avec Yves: il ne comprend pas pourquoi une moitié de la Belgique s’acharne ainsi sur lui. Il sait qu’il n’est pas très bon depuis le début de cette saison mais il trouve, lui aussi, qu’on va trop loin.

Plaisir énorme avec le Standard

Vous qualifiez la Belgique dix ans presque jour pour jour après votre premier match en équipe nationale!

Dix ans mais seulement 28 matches: c’est un très mauvais bilan personnel! Il m’a fallu tout ce temps pour enfin réussir quelque chose de grand avec les Diables. Je rattrape le temps perdu depuis un an et demi, mais j’aurais pu renoncer si je n’avais pas eu un caractère de battant. J’avoue que j’ai envisagé plus d’une fois de claquer définitivement la porte. Surtout après avoir été écarté du groupe qui est parti à la Coupe du Monde en France. En 94 et en 98, je faisais partie des 26 mais pas des 22: c’est terrible à vivre. Et, dans les deux cas, je n’avais pas l’impression d’avoir été écarté sur ma valeur. En 94, je venais de réussir ma meilleure saison avec Anderlecht, et nous avions été champions. Et quatre ans plus tard, j’avais signé un superbe championnat avec l’Udinese; nous avions terminé à la troisième place, un exploit sans précédent pour ce petit club.

Quand on a vécu de telles désillusions, on voit les choses autrement. Aujourd’hui, je profite deux fois plus de mon bonheur d’être international. J’ai rarement pris autant de plaisir sur un terrain. J’en ai déjà parlé avec Michel Preud’homme: je suis resté cinq ans sans jouer un seul match à enjeu avec les Diables, et il a connu une éclipse encore plus longue. Il trouve les mots justes pour que je profite à fond de mon bonheur actuel.

Toujours pas de grand tournoi

Vous n’avez toujours pas participé à un grand tournoi: vous étiez dans le noyau de l’EURO 2000, mais vous n’avez pas quitté le banc!

C’est vrai que je ne connais toujours pas l’ambiance d’une grande compétition internationale. On ne la vit évidemment pas de la même façon quand on n’est que réserviste. Mais je comprends que Waseige ne m’ait pas fait jouer à l’EURO: je m’étais occasionné un petit problème à la cheville juste avant le match contre la Suède, et en plus, le tandem Wilmots-Vanderhaeghe fonctionnait très bien.

Vous avez aujourd’hui un autre concurrent direct dans les pattes: Sven Vermant!

Je ne vois pas les choses comme ça. D’ailleurs, nous avons prouvé contre les Tchèques que nous pouvions jouer ensemble. Je ne voudrais surtout pas qu’on lance maintenant une polémique Vermant-Walem, car j’ai trop souffert, pendant longtemps, de l’opposition Wilmots-Walem. Je peux remplir plusieurs rôles distincts. Il faut arrêter de se demander si je suis un médian défensif ou offensif. Certains s’amusent depuis des années à essayer de définir ma meilleure place. C’est un débat tout à fait creux. Je suis un médian, point à la ligne. Avec une préférence pour un rôle assez offensif, mais sans exclusive.

Quelles sont vos bonnes raisons de croire, cette fois, que vous participerez enfin à une Coupe du Monde?

Si on ne me considère pas comme un titulaire indiscutable aujourd’hui, ce ne sera jamais le cas. Depuis le déplacement en Lettonie, notre deuxième match qualificatif, je n’ai raté que trois rencontres: contre St-Marin et en Ecosse à cause de blessures, puis en Croatie parce que j’étais suspendu. J’ai enfin réussi à démontrer que je pouvais être utile à l’équipe belge si on jouait avec mes qualités et si on arrêtait de se poser sans arrêt des questions sur mon style de jeu.

Pierre Danvoye

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