PLACE AU DOUTE

Les matches de préparation de l’EURO ont bouleversé certaines certitudes. Y compris dans la tête de Marc Wilmots, qui s’est envolé pour la France en compagnie de joueurs en proie au doute. Premier rendez-vous : lundi à 21 heures contre l’Italie, à Lyon..

Nous revoyons Marc Wilmots sur le podium de l’UB, à la mi-mai, divulguant sa sélection. On était déjà au courant du forfait du capitaine VincentKompany mais c’est un Wilmots empreint d’assurance qui a dévoilé la liste des élus, collant en passant une série de noms à des postes déterminés. VertonghenAlderweireld restaient ses backs, malgré de bonnes prestations ensemble à Tottenham, KevinDe Bruyne était son numéro dix, EdenHazard jouait à gauche, YannickCarrasco à droite et dans l’axe, il avait le choix entre quelques avants, Romelu Lukaku était numéro un ( « Il l’a mérité « ) et JasonDenayer, a-t-on appris quelques jours plus tard, était fait pour remplacer Kompany dans l’axe défensif.

Trois matches plus tard, à quelques jours du duel contre l’Italie, plusieurs de ces certitudes ont vacillé. Il n’en reste sans doute qu’une seule : Lukaku. Les circonstances et les blessures ont, bien sûr, joué un rôle. Wilmots insiste : il les a héritées des clubs. Il n’a jamais disposé de tout son noyau, que ce soit à Knokke, Lausanne ou Genk. Jusqu’à présent, les entraînements ont été très tranquilles. Les trois premiers jours à Lausanne ont été un peu plus intenses mais à Genk, avant les deux derniers matches de préparation, les joueurs ont eu l’occasion de rejoindre leur famille et les entraînements ont été tactiques. Vendredi, la séance n’a pas excédé une heure.

Ce soir-là, vers 19 heures, nous avons lu le doute dans les yeux du sélectionneur, pour la première fois, après le forfait de ThomasVermaelen (mollet). C’était juste avant un travail tactique destiné à peaufiner les automatismes défensifs, les accords entre défense et entrejeu et avec Romelu Lukaku en pointe. Il y avait déjà eu un exercice similaire en Suisse, une semaine plus tôt. LaurentCiman avait joué une mi-temps à l’arrière droit, aux côtés du trio Alderweireld-Vermaelen-Vertonghen, et AxelWitsel l’avait relayé en seconde période. Idem plus tard durant le match, mais en sens inverse.

Vendredi, compte tenu du forfait de Vermaelen, on pouvait s’attendre à ce que le quatuor défensif Ciman-Alderweireld-Denayer-Vertonghen, précédé par le duo Witsel-Nainggolan, soit titularisé. Deux défenseurs centraux droitiers, ce n’est pas l’idéal. En plus, cette constellation était à mille lieues de la défense que Wilmots avait alignée quelques jours plus tôt contre la Finlande (Alderweireld, Denayer, Vermaelen, Vertonghen) et qui avait été confirmée comme la dernière ligne probable contre l’Italie.

Cette défense n’a pas été fort sollicitée par la Finlande mais les quelques erreurs qu’elle a commises ont incité Wilmots à tout remanier et à rappeler vers l’intérieur Alderweireld, qui avait effectué d’énormes progrès offensifs avec trois assists pendant la campagne, le nommant chef de sa défense. Plus fort encore : Denayer, aligné dans l’axe à l’entraînement, a été posté à l’arrière droit contre la Norvège. Vertonghen a joué au centre et JordanLukaku a reçu sa chance à gauche. Bref : par rapport à mercredi, plus aucun défenseur n’occupait la même place dimanche.

EN QUÊTE D’UNE DÉFENSE

Wilmots doit composer avec les joueurs disponibles. On ne peut pas lui reprocher de vouloir verrouiller le centre. Il est aussi logique, en ces temps d’incertitude, de s’appuyer sur les automatismes des clubs. C’est partie intégrante de la philosophie de Wilmots : il veut utiliser les joueurs dans le rôle qu’ils occupent dans leur club, dans la mesure du possible. Tout cela montre à quel point il cogite, à la recherche d’une défense. Ce n’est pas une garantie de succès.

Prenez les deux buts norvégiens. Ajoutez-y celui de la Finlande et celui de la Suisse, plus les deux du Portugal en mars : six buts contre en quatre matches. De quoi se tracasser. D’autre part, Vermaelen a besoin de rythme et Nainggolan, dont la perte de balle a initié le premier but norvégien, n’avait plus joué depuis le 14 mai.

En outre, ce ne sont que des matches amicaux, durant lesquels la concentration n’est jamais optimale. Avant la Coupe du Monde 2014, les Belges en ont disputé quelques-uns. Ils ont perdu contre la Colombie et le Japon, ont concédé un nul contre la Côte d’Ivoire et même le Luxembourg a marqué. Sept buts contre en quatre matches avec une défense qui n’avait presque rien concédé en qualifications.

Avec Vertonghen, Vermaelen, Alderweireld, Kompany et DanielVan Buyten. Cette levée est parfois trop nonchalante mais dire qu’elle a du pain sur la planche pour former un vrai bloc équivaut à enfoncer une porte ouverte. Cette quête d’une défense semble être le principal souci de Wilmots. Il y a quatre ans, l’Espagne, championne d’Europe en titre, n’a encaissé qu’un seul but durant tout le tournoi et quatre ans plus tôt, seulement trois.

Uniquement au premier tour, d’ailleurs, car ensuite, l’Espagne n’avait plus rien laissé passer. Quatre ans plus tôt, la Grèce n’avait pas encaissé un seul goal pendant la phase par élimination directe. Les principales questions : quand revient Vermaelen ? Peut-on encore récupérer NicolasLombaerts ? Qui va occuper l’arrière droit, maintenant qu’Alderweireld est le chef d’équipe au centre ? Witsel, comme à Genève ?

LES CLÉS POUR HAZARD

Quelles sont les conclusions offensives de ces matches ? Nous n’avons pas vu d’entraînement dans ce compartiment. Nous ne pouvons nous baser que sur les matches. Contre la Suisse, Romelu Lukaku a souffert mais il a marqué sur sa seule occasion. MarouaneFellaini a aligné les mètres mais n’est jamais arrivé à temps dans le rectangle.

Le capitaine Hazard n’était pas encore affûté, DriesMertens a essayé mais DivockOrigi a été plus menaçant. DeBruyne n’a pas vécu une soirée agréable, hormis sur le but de la victoire. Contre la Finlande, MichyBatshuayi a trimé pour se créer quelques occasions (un ballon sur le poteau) mais il a souffert. Entré au jeu, Christian Benteke a loupé quelques occasions mais Lukaku a converti la sienne. De Bruyne était encore dans un jour sans, comme Fellaini. Mertens est bien entré au jeu et a relevé le niveau, Hazard a soufflé le chaud et le froid.

Contre la Norvège, Lukaku s’est imposé d’emblée mais l’entrejeu n’était pas au point. Mertens a eu du mal à s’imposer, comme Hazard à gauche et De Bruyne a été servi trop lentement avant le repos. Ce n’est qu’après, à 1-2, que le déclic s’est produit, avec une autre occupation : Hazard au centre, Nainggolan au six, qui a tenté plus de passes verticales et enfin un second homme dans le rectangle.

De Bruyne a été plus menaçant à quelques reprises du flanc tout en surgissant quelques fois dans l’axe, comme Mertens, quand Hazard reculait. Résultat : une première phase de jeu, un corner, qui a amené un but.

Une chose est claire : la responsabilisation d’Hazard par Wilmots est réussie : il l’a nommé capitaine, pas pour donner l’exemple en dehors du terrain mais pour faire parler ses pieds. Ces dernières semaines, nous avons vu Hazard tacler, participer à la défense mais surtout être partisan du moindre effort jusqu’à ce que le dernier match, contre la Norvège, soit sur le point de tourner en eau de boudin. Il a alors accéléré le rythme, déconcertant les Norvégiens et permettant à la Belgique, menée, de revenir puis de s’imposer.

Le sort des Belges dépendra de lui, qu’importe qui a décidé de placer Hazard au centre et De Bruyne sur le flanc. Au Japon, Robert Waseige avait accordé des responsabilités à Wilmots et l’actuel sélectionneur avait procédé à des corrections tactiques contre le Brésil.

Hazard fait la même chose. Si De Bruyne, qui a signé ses meilleures prestations du flanc droit pendant les qualifications, s’en accommode, le compartiment offensif créera plus de surprises et, en plus, il y aura une place à gauche pour Carrasco. Car le problème quand De Bruyne joue dans l’axe, c’est qu’il est plutôt un passeur qu’un homme qui peut soutenir le second avant dans le rectangle.

Fellaini doit en être capable aussi mais il a fait banquette en première mi-temps dimanche. Witsel et Nainggolan ne le font pas. Carrasco (cf. la finale de Ligue des Champions), oui. Il s’entraîne normalement ce mercredi pour la première fois, à Chaban-Delmas, le vieux stade des Girondins. C’est très tard mais à temps pour les séances tactiques désormais prévues.

LUKAKU EST D’ATTAQUE

Une consolation pour Wilmots : l’Italie, qui a joué contre la Finlande lundi, n’est nulle part non plus. Elle a bien une défense mais elle procède toujours à des tests dans les autres compartiments. Les Belges ont leur avant-centre alors qu’AntonioConte doit choisir entre Zaza, CiroImmobile, GrazaianoPelle et Eder.

A une nuance près : Conte doit chercher un duo de pointe complémentaire pour son 3-5-2 alors que les Belges sont confrontés à leur éternel dilemme : comment poster un deuxième homme au côté de l’avant-centre dans un système qui mise sur la possession du ballon, avec des joueurs qui aiment avoir le ballon au pied ? La Belgique y est parvenue contre la Finlande une fois menée et contre la Norvège à 1-2. Pas avant.

La quête de la profondeur, pour reprendre les termes de Wilmots en mai ? Elle a été sporadique. Pas question non plus de pressing élevé. A une semaine du tournoi, les Diables n’avaient manifestement pas envie de puiser dans leurs réserves. Wilmots l’avait répété les jours précédents. L’objectif était que tout le monde soit frais à partir du lundi 13 juin, pas de briller dans les matches amicaux de Bruxelles.

Lundi, les Diables avaient congé. Ils ont pris l’avion hier. A partir de ce mercredi, ils peuvent travailler la tactique, la cohésion et se concentrer, un aspect perturbé la semaine dernière par les matches, les visites familiales, les initiatives scolaires et autres. Il est temps de traduire les paroles viriles –  » L’ambition ? Les demi-finales, la finale.  » – en actes.

D’aujourd’hui au 22 juin, jour du dernier match de poule contre la Suède, à Nice, il y a encore du boulot. Witsel est-il capable de hausser son rythme ? Comment obtenir plus de rendement de la possession du ballon et des phases arrêtées ? Hazard semble prêt. Vendredi, De Bruyne s’est attardé sur le terrain pour exercer son tir à distance et il semble déterminé à donner le meilleur de lui-même.

Lukaku est en confiance. Le Diable Rouge a marqué quatre matches d’affilée. C’est autre chose qu’il y a deux ans, alors que les ennuis de son père le tracassaient. L’attaque semble en ordre. Maintenant, il faut s’occuper de la défense.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS BELGAIMAGE

Une consolation : l’Italie ne semble pas fringante non plus.

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