Pistol Pete

Le maître américain a fait long feu.

US Open 1990. Finale. Un grand gamin de 19 ans, aux cheveux bouclés bruns et qui répond au prénom de Pete, remporte son premier Grand Chelem, face à un autre gamin, d’un an son aîné, à la longue crinière blonde et qui répond au prénom d’ Andre.

US Open 2002. Finale. Pete Sampras, recordman des succès en Grand Chelem, ajoute une rose à son énorme palmarès, pour le porter définitivement (même si on ne le sait pas encore à ce moment-là) à 14 victoires. Son adversaire ? Andre Agassi, à nouveau lui.

Ce jour-là, la boucle est bouclée. Pete Sampras, qui n’avait plus remporté un Grand Chelem depuis plus de deux ans, prouve à ses détracteurs qu’il vaut encore quelque chose, qu’il n’est pas mort. Ce jour-là, après avoir remercié ses parents désormais présents à ses côtés dans les grands moments, et son épouse Bridgette, les circonstances étaient sans doute idéales pour annoncer la fin de sa carrière au plus haut niveau. Un quatorzième titre majeur, sur ses terres, après avoir effectué un spectaculaire retour au plus haut niveau et développé un tennis de rêve, face à son rival de toujours : quelle belle fin pour un champion de la trempe de Pete Sampras ! Mais au lieu de ça, l’Américain, qui préfère sans doute savourer le bonheur de l’instant présent plutôt que d’envisager l’avenir û il n’est d’ailleurs sans doute pas assez serein, à ce moment, pour le faire û se contente de crier sa joie et de féliciter son adversaire du jour et de toujours.

En ce qui concerne la suite des événements, il explique qu’il fera le point dans les prochains mois :  » C’est vrai que battre Andre en finale de l’US Open, c’est la plus belle fin possible. Mais, d’un autre côté, j’ai encore le goût de la compétition. J’ai toujours envie de jouer. On verra « . On connaît la suite.

En fait, dans sa magnifique carrière, Pete Sampras n’aura raté que deux choses : sa sortie et… Roland Garros, le seul Grand Chelem qui manquera à son curriculum vitae. Ce n’est pas faute d’avoir essayé puisqu’il y a participé à 13 reprises, obtenant son meilleur résultat en 1996, battu en demi-finale par le futur lauréat, Yevgueny Kafelnikov. Non, le problème, ce n’était pas la volonté, mais la méthode. Longtemps, Sampras a cru qu’il devait jouer du fond du court pour s’imposer à la Porte d’Auteuil. Lui, l’artiste du jeu offensif aux coups d’attaque les plus parfaits qu’il nous ait été donné de voir, au service puissant et précis, pensait qu’il pouvait rivaliser avec les crocodiles de terre battue, qui lui renvoyaient les balles à chaque fois plus longues, plus lourdes, plus liftées. Certes, il a réussi quelques morceaux de bravoure sur la terre battue parisienne, mais il lui a manqué, une fois qu’il eût compris qu’il devait aller de l’avant, une certaine force mentale. C’est que la terre battue et ses si longs échanges est la plus exigeante des surfaces à cet égard et que, si l’Américain possède des ressources morales impressionnantes sur un match û on l’a déjà vu pleurer de douleur sur un court, avant de finalement prendre le dessus -, il n’est donc jamais parvenu à y enchaîner sept matches à ce niveau.

Quel beau tennis !

Néanmoins, en dehors de cet échec parisien et de cette fin de carrière différée, on ne peut que tirer son chapeau devant Sampras, rarement adepte des déclarations tonitruantes et des coups de gueule, comme peut en avoir le charismatique Andre Agassi. Son départ crée un vide, voire un manque chez les amateurs de beau tennis.

Que de chemin parcouru par ce petit garçon qui toucha sa première raquette de tennis à l’âge de sept ans, rêvant aux exploits de Rod Laver, dont il visionnait si souvent les cassettes. Un petit Pete pétri de talent qui, à force de travail, notamment à la prestigieuse Hopman Academy, et de remise en question (c’est seulement en 1987, un an avant son passage comme joueur professionnel et trois ans avant son premier titre majeur, qu’il changea son revers à deux mains pour le fabuleux revers à une main qu’on lui connaît désormais), devint le grand Sampras.

A Wimbledon, il s’imposa à sept reprises. Après le dernier de ses succès à Church Road, en juillet 2000, face à Patrick Rafter, autre artiste retraité des courts, il déclarait encore :  » J’aime Wimbledon. J’adore ce tournoi et je peux vous garantir que je reviendrai l’année prochaine. Quel que soit mon âge, j’y reviendrai. Wimbledon, c’est ma seconde maison. Je m’installerai dans la loge royale, pour voir les autres transpirer « .

Olivier Rochus témoigne :  » Je n’ai jamais rencontré un adversaire aussi impressionnant. Sur l’herbe, il était tellement au-dessus du lot qu’il était injouable. Plus tard, quand je serai grand-père, je pourrai raconter à mes petits-enfants que je l’ai rencontré « .

Un grand champion, vainqueur de pas moins de 64 titres, dont le palmarès aurait pu compter encore quelques lignes de plus sans Agassi. Evoquer la carrière de l’un, sans parler de l’autre, c’est impossible. A eux deux, ils forment la paire dominatrice des années 90. A eux deux, ils comptent 22 titres en Grand Chelem et sur le circuit, ils se sont rencontrés à 34 reprises, Pistol Pete l’emportant 20 fois sur le Kid de Las Vegas. Si Sampras s’est montré plus régulier à travers le temps, se hissant au moins une fois en finale d’un Grand Chelem chaque année de 1992 à 2002, Agassi s’est quand à lui imposé dans les quatre tournois majeurs, qui plus est sur quatre surfaces différentes.

Pour Andre Agassi, la situation était claire :  » Pour être tout à fait honnête, lorsque Pete et moi sommes dans le même tournoi, quelle que soit sa moitié de tableau, ma stratégie d’ensemble est simple : il faut que je le batte pour remporter le titre. Même si je pense que ce serait mieux de nous affronter en finale, j’estime, et lui aussi, que l’un est le seul obstacle sérieux sur le chemin de l’autre « .

Sampras prenait plaisir à défier le Kid :  » Grosso modo, il reste au fond du court, vous regarde droit dans les yeux et vous lance : -Vas-y mon gars, sors-moi un ace. Et si vous ne lui sortez pas un ace ou un truc du genre, il vous ratatine sur le second service. Il a le meilleur retour, sans doute, de tous les temps. On se marre bien en jouant contre lui « .

Sampras semble avoir trouvé son successeur en la personne de Roger Federer, récent vainqueur à Wimbledon. Le Suisse, qui n’a jamais caché son admiration pour Sampras, ne se forgera probablement pas le même CV que l’Américain mais il possède tous les coups du tennis, développe un jeu offensif époustouflant et s’adapte à toutes les surfaces de jeu.

Son successeur est-il Federer ?

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