Ping et string

Ils seront plus de 6.000 pour la finale aller de la Ligue des Champions Charleroi-Grenzau.

La Villette Charleroi dispute ce vendredi face à Grenzau le match aller de sa septième finale de Ligue des Champions (1993, 1994, 1995, 1996, 2001, 2002 et 2003). Elle l’a remportée à quatre reprises (1994, 1996, 2001 et 2002) et, depuis 2001, elle est également championne du monde des clubs, une compétition qui n’a plus été organisée, faute de place dans le calendrier.

Avec un tel palmarès et compte tenu des joueurs qu’il aligne ( Saive, Samsonov, Chila), on peut sans conteste affirmer que le club carolo est le Real Madrid du tennis de table. « Mais nous sommes un peu moins forts cette année puisque Chila remplace Primorac« , dit Jean-Mi’ « Et en 2001, nous pouvions encore compter sur un réserviste comme Huang qui, à l’époque, était 30e joueur mondial ».

Malgré la présence de toutes ces stars, l’histoire du club carolo reste intimement liée à la carrière du champion liégeois. « C’est très délicat de dire cela moi-même je ne suis pas certain que La Villette connaisse un tel succès avec trois étrangers. Au cours de mes quatre premières saisons, j’étais numéro un mondial et nous pouvions encore compter sur Primorac, Podpinka et Cabrera. Quand je suis parti en Allemagne, le club pouvait encore compter sur Ma Wenge, Kreanga et Primorac mais il s’inclina en quarts de finale de la Ligue des Champions et on a dit qu’il n’y avait plus d’âme. J’ai toujours eu une relation spéciale avec le public. C’est tout bête mais cette histoire de short remonté joue un rôle. Il faudra peut-être que le prochain Jean-Michel Saive joue en string (il éclate de rire). »

« Waw, quelle salle! »

Jean-Mi’ ne resta qu’un an en Allemagne et revint à La Villette en 1997. Le club dut pourtant attendre encore quelques années avant de retrouver sa place au premier rang européen: « De 1997 à 2000, j’ai connu mes années les difficiles et il nous manquait le numéro un, celui qui faisait deux points à chaque match. Primorac ne reproduisait pas en club ses prestations individuelles. Les choses ont changé avec l’arrivée de Samsonov. En 2001, nous étions réellement invincibles. Plus jamais un club européen n’aura une équipe pareille. Et avec trois joueurs européens, qui plus est ».

Mais La Villette a également progressé au niveau des infrastructures: « Par le passé, il fallait monter et démonter les tables à chaque fois. Maintenant, on a muré un tiers de la salle, le revêtement du sol a été changé. Nous disposons désormais de la plus belle salle d’entraînement d’Europe ».

Et Charleroi peut également disputer ses matches dans un Spiroudôme qu’il parvient désormais à remplir puisqu’ils étaient 6.300 en demi-finales et qu’on en attend autant ce vendredi pour la finale aller.

« Cela, c’est tout bonnement incroyable! », admet Saive, qui en a pourtant vu d’autres. « Quand on m’a annoncé que nous quittions La Garenne, j’ai trouvé cela risqué. Nous jouions habituellement devant mille à deux mille personnes, soit moins que par le passé. En entrant pour la première fois dans le Spiroudôme, j’ai tout de même fait Waw! Même vide, quel plaisir de jouer dans une salle pareille. Et maintenant, voilà que nous parvenons à la remplir. Evidemment, beaucoup de gens sont des invités mais tout de même: le résultat final est impressionnant ».

33 ans: deuxième jeunesse

Ce sont des choses aussi simples que celles-là qui, à 33 ans, font encore courir Jean-Michel Saive. « Je sais que je ne serai plus jamais numéro un mondial mais si j’avais mis fin à ma carrière en 1999, je n’aurais pas connu tout cela, je n’aurais pas été champion du monde des clubs, je ne serais pas revenu à la quatrième place mondiale et je n’aurais pas disputé une demi-finale européenne devant 6300 personnes ».

Saive continue donc à jouer. Et sur tous les tableaux puisqu’il a fallu qu’il soit présent pour que l’équipe nationale retrouve la place qu’elle avait perdue en Superligue européenne en son absence.

« Tout cela est toutefois plus facile à gérer après 30 ans qu’avant », dit-il. « C’est un peu comme si je vivais une deuxième jeunesse. Je me mets toujours la pression mais je vis d’objectif en objectif et j’ai appris à accepter les résultats en fonction de mes capacités du moment. Bien sûr, je suis toujours malade quand je perds mais si je pleurais chaque jour parce que je ne suis plus numéro un mondial, j’aurais mieux fait d’arrêter il y a sept ans. J’ai toujours pensé qu’il valait mieux faire l’année de trop que l’année trop peu. Si on s’arrête trop tôt, on ne peut avoir que des regrets. J’adore ce côté ludique du ping et la multiplication des compétitions ».

S’il a connu une période difficile entre l’âge de 26 et 30 ans, c’est avant tout parce qu’il acceptait difficilement que l’on pense qu’il était fini. « L’esprit des gens a été conditionné par les Jeux d’Atlanta. J’étais porte-drapeau et tout le monde était certain que je ramènerais une médaille. Je n’ai pas perdu un seul set jusqu’en quarts de finale puis j’ai très mal digéré le jour et demi de repos entre les huitièmes et les quarts et j’ai été éliminé par Korbl. Il était 30émé, moi quatrième mais je savais qu’entre lui et moi, c’était 50-50. Un mois après, j’ai disputé la finale de l’ European Masters puis la demi-finale de la Coupe du Monde mais plus rien ne comptait. C’est vrai, j’ai très mal vécu cette période. Je n’y étais pas préparé et je trouvais cela injuste. On m’avait toujours tiré vers le haut et, du jour au lendemain, on me poussait vers la sortie. Un journal a titré: – Saive ne sera jamais un vrai champion. Je ne comprenais pas.Aujourd’hui, je peux avertir Kim Clijsters et Justine Henin: le jour où elles perdront quelques places au classement mondial, elles risquent de connaître la même chose. Et pourtant, il y a un jour où cela arrivera. Et pourquoi seraient-elles obligées d’arrêter. Pourquoi ne pourraient-elles pas continuer à gagner leur vie tout en faisant le tour de la planète si elles en ont envie. Le sport, ce n’est pas seulement les premiers. S’il n’y avait pas d’autres joueurs, on ne parlerait pas des champions. Le tout est de pouvoir l’accepter. Et bien souvent, on vous aide à ne pas comprendre. Même le COIB joue ce jeu. Il faut pourtant bien se dire que, dans un petit pays comme le nôtre, chaque médaille est un miracle mais on n’a pas l’humilité de le reconnaître, de le dire, de l’écrire ».

Cinquièmes Jeux Olympiques?

Pour Saive, qui a toujours communié avec le public, le regard des gens était devenu insupportable. « Je me levais le matin de bonne humeur mais j’allais chercher mon journal et le libraire me disait: -éa ne va plus, n’est-ce pas? Ma journée était fichue. Même mon entourage pensait comme cela. J’ai dû livrer un combat pour arriver à penser que tout n’était pas aussi noir. Il ne fallait quand même pas que le fait d’avoir été numéro un mondial soit une tare pour le reste de ma carrière. D’autant que, dans l’absolu, mes résultats restaient bons. En 15 ans, je n’ai tout de même jamais quitté le Top 15 mondial. Or, quand on parlait de moi, j’avais l’impression d’être 150ème ».

Cette situation aura finalement duré quatre ans, jusqu’aux Jeux Olympiques de Sydney, où Saive prouva que, même si ses ambitions étaient désormais plus mesurées, il était toujours bien présent. Et il pourrait encore être là une cinquième fois à Athènes. « Egaler le record de Gaston Roelants et Robert Vandewalle serait terrible car les Jeux ont toujours été un moteur pour moi. Mais ils ne détermineront pas la suite de ma carrière. Je sais où ont lieu les Jeux en 2008 et quel est le sport numéro un dans ce pays ».

En attendant, il continue à lutter sur tous les tableaux, du championnat de Belgique à ce nouveau circuit parallèle créé au Japon, en passant par la Ligue des Champions, le championnat d’Europe, le Pro Tour et l’équipe nationale.

« J’aimerais aussi lâcher un peu de lest mais, quand je suis absent, il est rare que l’équipe nationale joue bien. Pour ce qui est du championnat de Belgique, je n’ai plus rien à y gagner et on parle plus de moi quand je perds comme cette année contre Philippe que quand je l’emporte quinze fois d’affilée. Pourtant, je tiens à être présent parce que, quand j’avais sept ou huit ans, mon rêve était d’être champion de Belgique. Après la Ligue des Champions, je passerai pas mal de temps au Japon où un milliardaire a lancé un circuit parallèle. C’est quelque chose que je peux me permettre de faire maintenant parce que je n’ai plus trop de points à défendre au classement mondial et parce que je n’ai plus 20 ans. Je pense qu’un Timo Boll, par contre, doit continuer à se montrer sur le circuit ».

Le nouveau numéro un mondial allemand est l’un des rares joueurs de la nouvelle génération à s’être hissé dans un ranking constitué en majeure partie de joueurs très expérimentés. « Pour moi, Ma Lin reste le plus fort mais les Chinois privilégient les préparations en vue des grosses compétitions et il a perdu des points. Ceci dit, Boll est calme, il joue bien des deux côtés et est parvenu à faire oublier Rosskopf en un an, ce qui n’est pas mal. De plus, il a la chance d’arriver à un moment où, derrière Samsonov (26 ans), il n’y a pas grand monde qui pointe le bout du nez ».

L’ancienne génération a en effet digéré des changements de règle importants dont on avait dit qu’ils handicaperaient fortement un joueur comme Jean-Michel Saive. « On a introduit la grosse balle quinze jours après Sydney et j’ai tout de suite été en demi-finales de Coupe du Monde. Pour ce qui est des sets à 11 points, par contre, c’est vrai qu’il m’a fallu six mois d’adaptation: j’étais plus nerveux, ce qui constituait un avantage face aux plus forts mais un inconvénient contre les plus faibles. Aujourd’hui, je ne me vois plus disputer un set en 21 points: ce serait trop long ».

Patrice Sintzen

« Que Kim et Justine se méfient »

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