Pied gauche en vacances

Le jeune attaquant, 20 ans le mois prochain, a terminé la saison en boulet de canon : trois buts en trois matches.

Max, on a l’impression que la fin du championnat est arrivée trop tôt pour toi…

MaximeLestienne : Le 25 février, lorsque j’ai été évacué du terrain à Genk avec la cheville en compote, tout le monde pensait que ma saison était terminée. Je suis revenu en pleine forme pendant les play-offs. Encore une fois, et même si ce n’est plus à cause d’une blessure, je suis coupé dans mon élan.

A Mouscron, c’est la faillite de l’Excelsior qui avait coupé ton élan alors que tu avais sans doute besoin d’une ou deux saisons supplémentaires pour mûrir comme titulaire.

Enzo Scifo m’a offert mes premières minutes en D1, mais j’étais encore un peu jeune. Puis, Miroslav Djukic m’a titularisé. J’avais encore beaucoup à apprendre à Mouscron. Je n’avais pas l’intention de partir. Les circonstances m’y ont obligé.

En optant pour Bruges, tu n’as pas choisi la facilité.

Durant mon enfance, deux clubs comptaient pour moi : Mouscron et Bruges. Petit, j’avais d’ailleurs un maillot blauwenzwart dans ma garde-robe.

Mais tout n’a pas été simple…

C’est le moins que l’on puisse dire. Je n’ai jamais atteint à Bruges le niveau qui était le mien à Mouscron. Mon bilan est mitigé. Je m’attendais à jouer davantage. Cela n’a pas été facile de vivre avec l’étiquette de future star du championnat de Belgique et de se retrouver sur le banc. J’ai eu de la malchance aussi. Rien que cette saison, j’ai été arrêté par une déchirure aux ischios puis cette fracture de la cheville. J’espère que la saison prochaine sera celle de mon éclosion définitive.

Un vrai gamin

En débarquant au Club, as-tu eu l’impression de débarquer dans un autre monde ?

C’est peut-être exagéré mais tout est effectivement plus grand à Bruges. A commencer par le stade. Passer de 5.000 à 25.000 spectateurs de moyenne, c’est une sacrée différence. A Mouscron, il y avait aussi de bons supporters, qui nous encourageaient du mieux qu’ils pouvaient, mais l’ambiance était plus familiale. Et à Bruges, il y a quelques hooligans, une espèce que l’on ne croise pas dans les travées du Canonnier. Niveau foot, c’est supérieur au Club aussi.

As-tu ouvert de grands yeux en découvrant les capacités de certains joueurs brugeois ?

Nabil Dirar et Ivan Perisic sont les deux coéquipiers qui m’ont le plus impressionné. Ils sont devenus mes amis, je suis encore régulièrement en contact avec eux. J’ai appris en les regardant jouer, mais je n’ai jamais voulu les copier. Je connais mes qualités et mes défauts. J’essaie d’améliorer mes points faibles : mon pied droit, mon jeu de tête, ma musculature. Mon mental, aussi. C’était sans doute ma plus grosse faiblesse. J’étais encore un vrai gamin lorsque j’ai débarqué à Bruges. Je ne pensais qu’à m’amuser.

As-tu douté ?

Parfois. Jamais très longtemps, mais il y a effectivement eu des moments où je me suis dit que j’aurais peut-être mieux fait de rejoindre une plus petite équipe où j’aurais eu plus de temps de jeu. Un moment, un prêt a été envisagé, si j’en crois les journaux.

Ta musculature, tu la travailles ?

A Mouscron, je pesais 62 kilos. Aujourd’hui, j’en pèse 66. Quatre kilos en deux ans et demi, c’est peu, mais c’est déjà ça. Il faudra que je progresse encore. D’ailleurs, un jour, alors qu’un journaliste lui avait demandé s’il m’avait sorti en raison de crampes, Daum avait répliqué en rigolant : -Max, des crampes ? C’est impossible, il n’a pas de muscles ! Je me rends de temps en temps en salle de musculation, mais ce n’est pas trop mon truc.

C’est quoi, alors, ton truc ?

Prendre du plaisir sur le terrain, cela reste essentiel à mes yeux. Je ne songe qu’à cela.

En début de saison, il y avait plus d’entraîneurs que de joueurs à Bruges. L’arrivée de Daum a tout bouleversé : d’un seul coup, il n’y avait plus qu’un patron et c’était lui…

Il était le T1, c’est logique. Malgré tout, je trouve qu’on a également beaucoup appris avec les entraîneurs spécifiques (pour attaquants, médians ou défenseurs) sous la direction desquels on a parfois travaillé.

Dans ton cas, c’était donc Kenneth Brylle ?

En tant qu’ancien grand attaquant, il m’a apporté son expérience : comment me positionner devant le but, à quel moment faire un appel de balle, etc.

Et le coach de performance ?

Le quoi ?

Le  » performance coach « , comme on dit en anglais…

Cela ne me dit rien.

Et le coach de performance ou le psy ?

Le premier, ça ne me dit rien. Mais j’ai travaillé avec une psychologue à Courtrai. J’estimais ne pas en avoir besoin, mais le Club m’y a obligé et je ne le regrette pas. On a discuté de tout et elle est même venu assister à quelques entraînements. Elle m’a appris à rester calme, à garder mon sang-froid face à certaines situations, ce qui devrait m’éviter des mésaventures comme mon carton rouge au Beerschot l’an passé. Je suis devenu plus mature. Aujourd’hui, j’estime être capable de voler de mes propres ailes.

Les cinq orteils du pied gauche

Au départ de la saison, beaucoup d’observateurs pointaient Bruges comme le principal candidat au titre. Au bout du compte, cette deuxième place constitue-t-elle une déception ?

Oui, on peut le dire. En début de saison, chacun a pu se rendre compte qu’on avait du potentiel. Il n’a pas été complètement exploité. Toutefois, la grosse déception, on l’a ressentie pendant les play-offs. Deux fois, on a eu l’occasion de dépasser Anderlecht au classement. Et à deux reprises, on l’a loupée. On se console en se disant qu’avec cette deuxième place, on participera au tour préliminaire de la Ligue des Champions. La déception est donc atténuée.

A quoi as-tu pensé lorsque tu as ouvert la marque à Anderlecht : un but que l’on a longtemps cru être celui de la victoire ?

A rien de spécial. J’étais content d’avoir marqué, j’ai félicité Carlos Bacca pour la passe décisive et j’ai reçu les félicitations de mes partenaires. Moi aussi, j’ai longtemps cru que c’était le but de la victoire. Malgré les circonstances, je veux me montrer fair-play : Anderlecht a mérité son titre.

Qu’a-t-il manqué à Bruges pour être champion ?

Un peu de chance sur certaines décisions arbitrales. Intrinsèquement, notre noyau n’était pas inférieur à celui d’Anderlecht.

Quel fut ton meilleur moment, depuis que tu es à Bruges ?

Honnêtement, je n’ai pas connu beaucoup de moments de joie. Ou alors, des moments de bonne humeur, à l’entraînement, avec les copains. Si je dois citer un but, je citerais celui inscrit à Hanovre, de la tête. Le jeu de tête, ce n’est pas spécialement mon point fort, alors pour une fois que je marquais de cette manière, j’ai savouré.

Et ton pire moment ?

Le carton rouge dont j’ai écopé au Beerschot, la saison dernière, en Coupe de Belgique. J’étais frustré, je me suis laissé emporter et j’ai taclé de façon impétueuse. Lorsque j’ai été exclu, je me suis dit que je venais de gâcher une occasion unique. Je n’avais pas été souvent titulaire, et pour une fois que l’entraîneur m’offrait la possibilité de débuter le match, je prenais la rouge et je précipitais l’élimination de mon équipe. Cette exclusion m’a fait prendre conscience que je n’avais pas le droit de laisser passer des occasions pareilles. Sur le moment, j’ai broyé du noir, c’était la misère pour moi. Il y a eu des réactions sur les forums, des critiques dans la presse. Je me suis retrouvé dans le trou. J’ai pu compter sur le soutien de mes parents, de mon agent Mikkel Beck ( ndlr : l’ancien joueur danois de Lille), et de ma copine que je fréquente depuis deux ans. Elle est Mouscronnoise, forcément. Une Brugeoise, c’eût été difficile, puisque je ne parle pas le flamand.

Toujours pas ?

Hélas, non. Je comprends un peu, sans plus. Pendant un moment, j’ai suivi des cours de néerlandais. Lorsque Daum est arrivé, ce sont devenus des cours d’anglais. Là non plus, je ne progresse pas beaucoup. Quant à mon allemand : une catastrophe ! Pas un mot…

L’école n’a jamais été ta tasse de thé…

Je crois que mes professeurs étaient contents de me voir quitter l’école à 16 ans. ( Ilrit) J’ai fait quelques conneries, étant gamin. Rien de grave : je n’ai jamais fait de mal à personne mais j’étais fort influençable. Aujourd’hui, je pense que j’ai grandi.

Quelle est la plus grosse connerie que tu aies faites ?

Je ne sais plus.

Tu n’oses pas le dire, surtout ?

Non, je ne m’en souviens plus. J’aurai 20 ans en juin, j’arrive à un âge où je dois devenir adulte. Il fallait que jeunesse se passe, tout simplement.

Tu es plus discipliné, aussi ?

La discipline, mes parents me l’ont toujours inculquée. Si aujourd’hui, il m’arrive encore d’avoir quelques retards, ce n’est rien par rapport à avant.

Tu peux venir à l’entraînement en voiture, désormais ?

J’ai mon permis depuis un an. Je ne suis plus dépendant de Jo Blondel.

Pas encore eu d’accident ?

Non, touchons du bois. A Bruges, en entendant les clameurs des supporters à la 23e minute de chaque match, j’ai pris conscience des dangers de la route. Et puis, lorsque je fais la route de Mouscron à Bruges, je vois beaucoup d’accidents. Ça fait réfléchir.

Lorsque tes copains Dirar et Perisic te racontent leurs expériences, qu’est-ce qui te fait rêver : la belle vie à Monaco ou l’effervescence de la Bundesliga ?

Les deux. Surtout, le plaisir de jouer. L’argent est important, mais je n’y songe pas trop. Ce que je gagne aujourd’hui, c’est surtout pour mes parents. Ils le méritent, ils ont travaillé dur toute leur vie et j’essaie de leur rendre ce qu’ils m’ont apporté. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi, en cas de besoin. Mon père gère tous mes comptes. Une chance, car moi, lorsque j’ai 50 euros en poche, je les dilapide en deux minutes. Je suis capable d’acheter des trucs que je n’utilise jamais. Mon père a travaillé à l’usine, il s’occupe aujourd’hui de l’entretien du Futurosport. Je mesure la chance que j’ai, car je serais incapable de travailler à l’usine. Je ne sais rien faire de mes dix doigts.

De tes pieds, par contre…

Disons… des cinq orteils de mon pied gauche ! ( Ilrit)

PAR DANIEL DEVOS- PHOTO: IMAGEGLOBE

 » Des crampes, Max ? Impossible ! Il n’a pas de muscles…  » (Christoph Daum)

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