Pic inversé

Période difficile pour le cadet des Rochus. Les blessures s’enchaînent depuis quelques mois.

Le début de l’année 2001 n’a pas été très bon pour Olivier Rochus. Parti au mois de janvier en Australie pour disputer successivement la Hopman Cup, le tournoi d’Auckland et l’Australian Open, alors qu’il ne s’était pas suffisamment préparé, il accumule depuis les pépins physiques. En témoigne sa nouvelle blessure, une sorte de lumbago, qui le tiendra éloigné des tournois jusqu’à Miami, où il devrait reprendre la compétition. Un lumbago ou, plutôt, comme le dit son coach Thierry Van Cleemput, une grosse contracture dans les muscles du bas du dos qui lui a causé beaucoup de problèmes.

Ce n’est pas le premier pépin physique que rencontre Olivier ces derniers mois. N’est-ce pas un peu préoccupant?

Thierry Van Cleemput : Non, cela ne me préoccupe pas parce que l’explication est très simple. Olivier s’est blessé à la fin de l’année dernière, après une grosse saison et n’a pas suivi une préparation physique hivernale de fond. Donc, il est reparti sur une mauvaise base. Depuis, il est tombé dans les rouages du système, en enchaînant les compétitions et, à chaque fois, il n’a fait que recoller les morceaux. L’explication est aussi simple que ça. A chaque blessure correspondait une explication assez logique. En l’occurrence, lorsqu’il est allé en Australie, il n’était pas préparé physiquement et s’est fait mal aux abdominaux. Donc, la tournée australienne est un peu tombée à l’eau. Ensuite, on s’est préparé pour le match de Coupe Davis contre la France : on ne pouvait pas refuser une sélection en équipe nationale. Pour finir, il a prouvé contre les Français qu’il s’était bien préparé, mais sans pouvoir se concentrer sur le physique.

Après la Coupe Davis, il est allé disputer le tournoi de Marseille, où il a joué un excellent match contre Magnus Norman. Mais, à nouveau les problèmes physiques sont apparus en raison du manque d’entraînement. Surtout qu’il veut se prouver à lui-même qu’il joue bien, donc il y met un maximum de coeur, un maximum d’enthousiasme, et inévitablement, quand on y met beaucoup d’attention, ou de stress -dans le jargon sportif, ces deux mots sont synonymes-, on risque des problèmes. Ensuite, il a voulu renouer avec la victoire et nous sommes allés jouer un Challenger à Andrezieux (France). Et à nouveau, alors que la rencontre s’annonçait difficile contre Phau, Olivier sort un très grand match. Mais il a gardé une fois de plus des séquelles et a enchaîné les matches mercredi, jeudi et vendredi… et boum, le problème de la contracture.

Vu de l’extérieur, on se demande ce qui se passe, mais moi, je ne m’en fais pas. Simplement, je pense qu’il faut pouvoir dire stop, ce que j’essaie de faire. C’est très difficile parce qu’on est soumis à beaucoup de sollicitations. Pour un sportif professionnel, il est difficile de consacrer le temps nécessaire à stopper et à se soigner avant de reprendre.

Dès lors, quel va être son programme dans les jours et semaines à venir?

Si tout va bien, nous allons reprendre l’entraînement, mais nous y allons très progressivement. Ensuite, s’il est dans de bonnes conditions physiques, nous irons à Miami la semaine prochaine, mais dans le but de continuer cette préparation et non pas de faire le tournoi pour la gagne. Y aller simplement avec du recul, pour se remettre dans le bain. Mon objectif, c’est qu’il soit prêt pour le tournoi de Casablanca, avant Pâques. Ensuite, nous ferons un choix, selon la situation. Soit il fera les qualifications de Monte-Carlo, soit il disputera un Challenger de 100.000 dolars aux Bermudes. Ensuite, nous ferons une tournée américaine, parce que j’ai envie qu’il aille jouer aux Etats-Unis plutôt que d’être tout de suite plongé face aux crocodiles de terre battue espagnols à Barcelone. Nous irons à Atlanta et Houston avant de revenir en Europe pour la préparation à Roland Garros (St-Polten, Paris). Ensuite, ce sera le circuit d’herbe, pendant trois semaines. Puis, retour à la terre battue, préparation pour l’US Open et le circuit « dur » jusqu’à la fin de saison. Un programme très précis, mais qui a été chamboulé par les problèmes physiques d’Olivier.

L’erreur de départ aura été d’aller en Australie sans préparation physique convenable?

Oui, mais un entraîneur doit savoir faire preuve de psychologie. Je ne pouvais pas lui dire : -Stop, tu ne vas pas en Australie! C’est la première fois qu’il pouvait participer à l’Australian Open, il était dans le tableau final… De plus, même si c’est secondaire, l’aspect financier joue aussi. Ce n’est pas négligeable, il faut rester pragmatique. Ce sont des professionnels et cela ne veut pas dire ne faire que du tennis mais bien gagner sa vie avec le tennis. C’est une nuance très importante. Il y a beaucoup de joueurs en Belgique qui ne font que jouer au tennis, mais qui ne gagnent pas leur vie avec le tennis. Ce ne sont pas des pros. Un pro ne gagne pas d’argent autrement. Olivier paye aussi des lois sociales très élevées… Bref, il y a un système dans lequel il est impliqué. A un certain moment, il est obligatoire de regagner sa vie. C’est quelque chose que les gens ne perçoivent pas nécessairement, mais qui est légitime. L’idéal, c’est de le faire dans de bonnes conditions mais la tournée australienne, à ce niveau, est tombée à un très mauvais moment, dans la mesure où il n’était pas préparé du tout.

Cependant, il ne faut pas avoir d’inquiétude, ce sont simplement des contretemps. Il est encore très jeune et n’a rien à prouver dans l’immédiat. Bien au contraire, pour moi, il est toujours, à 20 ans, dans une phase de préparation de l’avenir. Il a fait ses humanités et a du retard sur certains athlètes comme Roger Federer. Mais il faut prendre son temps. Ils sont tous passés par ce genre de problèmes.

Vers quel âge voyez-vous Olivier arriver à maturité?

A ce sujet, j’ai une théorie tout à fait personnelle, qui ne se confirme pas en Belgique, où beaucoup d’athlètes, vers 24 ou 25 ans, sont sur le déclin ou arrêtent. Pour moi, c’est une chose épouvantable. Selon moi, Olivier devrait commencer sa maturité à 23 ans jusqu’à 26, avec un pic de 26 ans jusqu’à 29. On est vraiment loin du compte. Mais, c’est une théorie personnelle, basée sur l’observation des grands athlètes, avec tout le respect que j’ai pour les sportifs de haut niveau que nous avons eus en Belgique. Donc, Olivier a encore du temps. Le fait qu’il soit dans le Top 100 à l’âge de 20 ans est de bon augure, mais ça ne veut pas dire qu’il est arrivé à un pic maintenant.

Laurent Gérard

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