Phénomène dans L’AXE

Bruno Govers

Sa voie paraît toute tracée sur le flanc droit et pourtant, le jeune Mauve de 17 ans rêve de s’exprimer au milieu.

Liverpool, champion en titre, Chelsea, postulant à la succession des Reds, et le Betis Séville : tels sont donc les trois adversaires qu’Anderlecht est appelé à rencontrer sous peu dans sa poule en Ligue des Champions. Des noms prestigieux qui, à peine sortis de l’urne, ont donné de l’urticaire au staff technique du Sporting ainsi qu’à la plupart des joueurs. Seuls Vincent Kompany et Anthony Vanden Borre auront fait figure d’exception à la règle générale.

Anthony Vanden Borre : Au même titre que Vince, je me réjouis à l’idée d’affronter de telles oppositions de renom. Désolé, mais ce n’est pas en jouant contre le Neftchi Bakou que l’on progresse. En revanche, il y a moyen d’apprendre beaucoup en se mesurant à plus fort que soi. La saison passée, j’ai davantage emmagasiné en l’espace des six dernières joutes en Ligue des Champions que sur l’ensemble de notre compétition nationale, c’est tout dire. Aussi, ce tirage, c’est du pain béni, même si je suis parfaitement conscient que la tâche qui nous attend sera plus épineuse encore qu’en 2004-2005. Je suis sûr, cependant, que nous prendrons notre revanche sur le 0 sur 18 qui avait conclu notre campagne, il y a un an. A domicile, compte tenu de l’expérience acquise et de l’apport de Serhat Akin, nous devrions être en mesure de glaner quelques unités. Nous pourrions également profiter de la rivalité entre les deux représentants anglais du groupe pour ne pas être irrémédiablement distancés. Chelsea et Liverpool vont s’entredéchirer, c’est clair. Le coach des Blues, José Mourinho, aura sûrement à c£ur de remettre les choses au point face à Rafael Benitez et les siens qui l’avaient privé d’une place et d’une éventuelle apothéose en finale la saison passée. Si les Londoniens prennent la totalité de l’enjeu sur l’ensemble des deux matches, ce serait tout profit pour un troisième larron. Et pourquoi pas nous, dans ce cas ?

Chelsea, ce sera l’occasion de revoir une vieille connaissance : le gardien Yves Makabu Ma-Kalambay, qui a fait ses classes avec vous à Neerpede.

Il est de la même génération que Vince mais c’est vrai qu’à cette époque, nous formions toute une bande, indépendamment de la catégorie d’âge où nous nous situions. Nous avons d’ailleurs passé nos vacances ensemble à Majorque cet été. Parmi les plus connus, il y avait là Jeanvion Yulu-Matondo, du Club Bruges, Floribert Ngalula, le frère de Junior, de Manchester United, Vince et moi. Théoriquement, Yves Makabu Ma-Kalambay aurait dû se joindre à nous mais il s’est désisté in extremis pour des raisons familiales. A la rigolade, il avait affirmé qu’il retrouverait bien l’un ou l’autre d’entre nous en Ligue des Champions, en songeant au joueur du Club ou à nous-mêmes. Finalement, il avait bel et bien vu juste (il rit). Sitôt le tirage effectué, Vince et moi avons essayé de nous mettre en rapport avec lui. Sans succès, malheureusement. Je ne pense pas, toutefois, qu’il ait spécialement peur de nous. Chaque fois qu’on se parlait au téléphone, ces derniers mois, il ne cessait de me répéter que face à son pote, Arjen Robben, je ne toucherais pas le moindre cuir si d’aventure je me frottais à lui un jour. A présent, c’est quasi sûr que je retrouverai le Néerlandais sur ma route. A moi de prouver que je tiendrai la distance. Sans compter que le duel entre Vince et Didier Drogba vaudra le détour aussi, c’est certain.

Quelle différence entre l’Anthony Vanden Borre malmené par les Interistes Adriano et Obafemi Martins il y a un an et celui qui risque de défier Djibril Cissé cette saison ?

L’expérience et la maturité. Je m’étais effectivement planté contre ces deux-là au Parc Astrid, la saison passée et, dans la foulée, j’avais commis aussi un péché de jeunesse sur une balle en retrait approximative à l’attention de Tristan Peersman, face au Cercle Bruges. Il m’avait fallu du temps pour surmonter ce double coup du sort. Mais quoi de plus normal, après tout : j’avais à peine 16 ans et, contre les Nerazzurri, je venais de livrer mon deuxième match au sommet suite à mes débuts à Valence quinze jours plus tôt. A présent, je suis sans doute moins sujet à semblables passages à vide. Je n’en veux pour preuve que la récente joute décisive au Slavia Prague. J’étais mal entré dans cette partie, en loupant à la fois des passes et des contrôles immanquables au cours du quart d’heure initial. Jadis, je ne m’en serais sans doute jamais remis et j’aurais traîné mes approximations jusqu’au coup de sifflet final. Cette fois, après avoir fait passer un ballon anodin entre mes jambes, synonyme de rentrée en touche pour les Tchèques, je me suis dit : -Anthony, secoue-toi. Résultat des courses, je me suis ressaisi, perdant un minimum de duels et terminant même la rencontre en force. C’est indéniablement le signe d’une évolution positive.

Nonchalance dans les gènes

Ce n’est pas la première fois qu’on relevait une entame de match laborieuse chez vous. En Serbie, ce fut du pareil au même et vous aviez terminé là aussi en boulet de canon. Ces absences en début de rencontre, c’est une question de concentration ou de nervosité ?

Plutôt de nonchalance. Il n’y a probablement pas plus cool que moi avant un match. Quelle que soit la nature de l’adversaire, je ne me mets jamais martel en tête. A aucun moment, je n’ai les chocottes à l’heure de pénétrer le terrain. C’est à la fois une qualité mais également un défaut car je me rends compte qu’il me faut souvent dix minutes avant d’opérer le déclic nécessaire. Passé ce cap, tout se déroule toujours sans problème. Pour bien faire, je devrais quand même trouver un truc pour passer sans encombres les premières minutes. Le psychologue du club Johan Desmadryl m’a déjà interpellé à ce sujet. Il m’a exhorté à me focaliser davantage sur ma tâche au cours des instants qui précèdent la montée des équipes sur le terrain. Mais rien n’y fait. J’ai beau essayer : le naturel revient au galop. Je pense qu’au même titre que Vince, une certaine nonchalance est inscrite dans nos gènes. A partir du moment où elle ne porte pas à conséquence, il ne faut pas trop s’en formaliser. Ce serait évidemment mieux d’entrer directement dans le vif du sujet.

Vous n’êtes pas le seul à avoir donné quelques frayeurs en début de rencontre à Prague. Toute l’équipe était manifestement à la recherche de ses meilleures sensations.

Ce n’est pas anormal dans la mesure où, pour la première fois cette saison, nous avions évolué à cette occasion avec deux meneurs de jeu excentrés : Bart Goor à gauche et Christian Wilhelmsson à droite. Au deuxième tour préliminaire, en Azerbaïdjan, le staff technique avait opté pour trois demis récupérateurs avec Yves Vanderhaeghe, Besnik Hasi et Michal Zewlakow. Si nous étions parvenus à endiguer les assauts des joueurs du Neftchi, l’équité commande de dire que nous n’avions guère mis le nez à la fenêtre dans cette configuration. Or, chacun s’accordait à penser qu’un but, au bas mot, serait nécessaire pour que nous forcions les portes de la qualification dans la capitale tchèque. Inutile de dire que ce fut un coup dans le mille puisque notre Suédois fut à la base du premier goal d’Akin Serhat et que Bart Goor mania parfaitement, lui aussi, la baguette de régisseur. A leurs côtés, Yves Vanderhaeghe et Mark De Man livrèrent un match dantesque également. Dans ces conditions, la défense était dans un fauteuil la plupart du temps.

Vous avez été mis à toutes les sauces depuis que Frankie Vercauteren a repris l’équipe : back droit dans un 4-4-2 et un 4-3-3 et latéral droit dans un 3-4-3 ou un 3-5-2. Quel rôle recueille le plus vos faveurs ?

Honnêtement, ma place de prédilection ne se situe pas sur le flanc mais plutôt dans l’axe. Je l’ai occupée régulièrement en classes d’âge mais au plus haut niveau, je n’y ai été titularisé qu’une seule fois, par Hugo Broos la saison passée à Valence. Faute de disponibilités sur l’aile, j’ai coulissé sur cette portion de la pelouse à la demande de Frankie Vercauteren. J’y ai eu droit à pas mal de crédit et je ne pense pas m’y être trop mal tiré d’affaire comme en témoignent les galons d’international que j’ai conquis entre-temps dans ce rôle. Mais il n’empêche que je troquerais volontiers mon poste sur le flanc pour un rôle central. Franchement, j’aurais aimé être à la place de Mark De Man à Prague, même si je suis le premier à le féliciter pour sa prestation superbe ce soir-là. Cette fonction de pare-chocs, j’avoue que j’aimerais à nouveau l’endosser un jour. Par rapport à Yves Vanderhaeghe et Besnik Hasi, qui ont le plus souvent évolué dans cette attribution, j’ai mon âge en ma faveur puisqu’ils sont tous deux trentenaires. Dès lors, je ne désespère pas. Je me dis que j’ai l’avenir devant moi.

Comme Essien et Diarra

Votre futur semble tout tracé aussi comme latéral, tant à Anderlecht qu’en équipe nationale où vos concurrents, Olivier Doll et Eric Deflandre, sont trentenaires également. Ne craignez-vous pas de troquer la proie pour l’ombre ?

Durant des années, j’ai prouvé que j’étais digne de confiance dans un rôle axial. Non seulement, j’avais l’habitude d’y récupérer bon nombre de ballons mais, de surcroît, il m’arrivait très régulièrement d’inscrire un but aussi. Avant mon passage dans le noyau A, j’étais d’ailleurs meilleur buteur chez les moins de 16 ans devant un de nos attaquants, Ludovic Cadina. En réalité, pour me sentir bien, j’éprouve le besoin d’être impliqué dans le jeu le plus fréquemment possible. Et il est évident qu’on est davantage sollicité au milieu du terrain que sur les côtés.

C’est un secret de Polichinelle que Vincent Kompany aimerait lui aussi progresser d’un cran sur l’échiquier. Il n’hésite d’ailleurs jamais à faire le surnombre dans l’entrejeu dès que l’opportunité se présente. On risque de se bousculer dans l’axe.

Pendant pas mal d’années, Vince et moi nous sommes relayés aux numéros 3 et 4 chez les jeunes. Le 3, c’est la position centrale dans une défense à trois et le 4 celle de demi défensif. Entre nous, les permutations se déroulaient toujours le plus naturellement du monde. En lieu et place de jouer l’un derrière l’autre, qui dit que nous ne pourrions pas, non plus, évoluer l’un à côté de l’autre ? Comme Mahamadou Diarra et Michaël Essien le faisaient à Lyon dans le passé. Je ne prétends pas qu’on doit y arriver dans les plus brefs délais. Mais l’idée est sûrement à creuser.

A l’image de Vincent Kompany, dont le nom a été cité dans bon nombre de clubs huppés, le vôtre a été mis en rapport avec Hambourg et Tottenham notamment. Mais vous êtes resté au Parc Astrid aussi.

Après une saison à peine au plus haut niveau, il était trop tôt pour effectuer ce pas. Avant de choisir une nouvelle destination, il s’agit d’abord d’avoir fait le tour du propriétaire en Belgique et de maîtriser tous les paramètres du jeu. Or, en matière de positionnement, j’ai encore pas mal à apprendre. Si nous avons encaissé un but sur notre terrain face au Slavia, c’est en partie parce que je m’étais avancé trop tôt dans mon couloir. Il me reste encore des tas de réglages à peaufiner mais un jour, c’est sûr, je tenterai le grand saut. Contrairement à Vince, qui a tenu à obtenir son diplôme de fin d’humanités, j’ai quitté l’école l’année passée. Je me suis mis en tête de tout miser sur le football. Dans ces conditions, il me paraît normal qu’une aventure dans une compétition plus lucrative me tente, tôt ou tard.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés cette saison ?

Avec le Sporting, je veux remporter deux prix. Comme la Ligue des Champions est hors d’atteinte, je vise donc le doublé championnat/Coupe. Le club court après cette double distinction depuis 1994. Il est grand temps d’y remédier. D’un point de vue personnel, je tiens à m’affirmer aussi. Ce n’est pas que je vise à tout prix un trophée mais j’entends quand même terminer sur le podium au Soulier d’Ebène ou au referendum du Jeune Pro de la saison.

Une dernière question : pourquoi vos frères de couleur vous appellent-ils Phénomène ?

Aucune idée. C’est Floribert Ngalula qui m’a surnommé comme ça et c’est resté. Un jour, j’ai demandé à son frère, Junior, pourquoi Flori m’avait donné ce sobriquet et il m’a répondu : – Je ne sais déjà pas pourquoi on m’a appelé Junior dans la famille, alors comment pourrais-je savoir d’où vient ton surnom(il rit). Le mystère reste donc entier.

Bruno Govers

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