PEUT-ON ENCORE DIRE  » UNION  » BELGE ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose la question qui fait débat.

« A voir les tiraillements entre amateurs et professionnels (cf. réélection de FrançoisDeKeersmaecker), on a du mal à encore évoquer une  » Union  » Belge. C’est mieux de parler de  » Fédération  » ? Mais non, francophones et flamands étaient loin d’être  » fédérés  » dans le dossier de la désignation d’EnzoScifo comme entraîneur des Espoirs. Ce serait plutôt  » désunion « ,  » désamour « ,  » désenchantement « ,… Ou pas ?

GÉRARD LINARD (CEO DE LA FÉDÉRATION)

 » J’espère que les conflits vont se tasser et j’ai bon espoir qu’on y arrive assez vite. La réélection de François De Keersmaecker, c’est fait, c’est fini, il est temps de passer à autre chose. Les professionnels ont perdu, c’est comme ça, ils doivent l’accepter. Certains l’ont digéré entre-temps, d’autres pas. On doit tous se remettre à travailler ensemble pour le bien du football belge. Les amateurs et les professionnels doivent se rapprocher. Je pense qu’on va y parvenir parce qu’il y a deux personnalités de grande qualité à la tête de la Pro League : Roger Vanden Stock et Pierre François. Ils sont pondérés, pleins de bon sens. Je pense que grâce à eux, on devrait parvenir à un bon accord entre amateurs et professionnels. Les tiraillements entre les deux camps ont toujours existé. En général, ça part de deux ou trois personnes isolées. En tout cas, les amateurs ne sont pas demandeurs d’une poursuite de la guéguerre. Si tout le monde met de l’eau dans son vin, on y arrivera et on pourra à nouveau parler d’union.

L’aspect communautaire qui est réapparu dans le dossier Scifo, c’est un peu le même canevas. La presse a fait beaucoup de bruit là-dessus mais je tiens à signaler deux choses : c’était le premier dossier depuis longtemps dans lequel le communautaire revenait, et à nouveau, ça ne provenait que d’une ou deux personnes qui contestaient le niveau de néerlandais d’Enzo Scifo. On leur a rappelé que l’adjoint de Marc Wilmots (VitalBorkelmans) et l’entraîneur de l’équipe nationale féminine (IvesSerneels) ne parlaient pas français, mais ils n’en démordaient pas. Dans cette histoire, il a suffi que Wilmots vienne expliquer son point de vue au conseil d’administration. Il a convaincu tout le monde, les récalcitrants se sont tus, d’un coup. Et, contrairement à ce qu’on a lu, il n’a même pas été nécessaire de voter pour désigner Scifo.  »

ALAIN COURTOIS (ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FÉDÉRATION)

 » Il vient toujours un moment où la route s’éclaire et où la voiture recommence à avancer… On s’en sortira, ça va se tasser, je reste optimiste. De tous temps, les lendemains d’élection à la Fédération ont été un peu difficiles. Et les tiraillements entre professionnels et amateurs, c’est historique, ça se produit dans plein d’autres pays : Allemagne, France, Italie, Espagne. La dernière élection à la fédé française a aussi été marquée par des divergences de vues amateurs – pros. Les deux camps doivent comprendre qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Pour ce qui est du conflit linguistique, j’estime qu’on doit au moins se débrouiller dans l’autre langue quand on vise une fonction fédérale, que ce soit au parlement ou à l’Union Belge. Quand je suis devenu secrétaire général, j’étais mauvais en néerlandais et j’ai pris six mois de cours. J’ai un énorme respect pour Enzo Scifo, mais maintenant, il doit s’y mettre !

Après le fiasco en Afrique du Sud, on a sorti un bouquin en France : 101 propositions pour le football français. Un résumé des problèmes, et des solutions. Il faut travailler comme ça chez nous. Que les gens de la Fédération s’enferment un week-end dans un hôtel, qu’ils se disent tout, même ce qui fâche, qu’ils s’engueulent une bonne fois et qu’ils repartent de l’avant. Cela s’est fait dans les années 70, après la création de la Ligue Pro, quand il y avait aussi de grosses dissensions. Ils se sont enfermés, on a appelé ça La nuit des longs couteaux, et ils sont sortis avec des solutions constructives. C’est plus productif que des engueulades par presse interposée.  »

JEAN-MARIE PHILIPS (ANCIEN CEO DE LA PRO LEAGUE ET DE LA FÉDÉRATION)

 » Tout dépend de la conception qu’on se fait d’une union… Ça peut être un mariage d’amour mais aussi un simple rassemblement. Dans le cas de la Fédération, on ne peut certainement plus évoquer un mariage d’amour. Ce n’est plus qu’un conglomérat d’amateurs, de professionnels, de francophones, de flamands. Un rassemblement de gens qui sont dans le même sport mais qui n’ont pas les mêmes idées et où chacun ne pense qu’aux intérêts de son propre camp. La refonte communautaire, avec la scission entre une aile francophone et une aile flamande, a éliminé toute notion d’union. Et on a, au milieu, les clubs bruxellois qui doivent choisir leur camp.

Le processus est malheureusement irréversible. A partir du moment où on a scindé la Fédération en deux ailes pour recevoir des subsides, le ver était dans la pomme, on a mis le doigt dans l’engrenage. L’instance suprême ne fait plus du sport mais de la politique, ça fait désordre. Peut-on parler d’union quand on voit comment les finances ont été gérées ces derniers temps ? Quand j’étais à l’Union Belge, il y avait GermainLandsheere pour s’occuper de la caisse, on le disait grippe-sou mais il gérait en étant supervisé par d’autres personnes et les résultats financiers étaient bons. Récemment, on a laissé faire, ce n’était plus un groupe qui gérait l’argent de l’Union Belge et on a vu le résultat. Il n’y a plus d’unité, à aucun niveau. C’est le grand règne des intérêts particuliers. De mon temps à la Fédération, on nous traitait déjà de tous les noms, on était soi-disant des égoïstes, on ne pensait soi-disant qu’à l’argent, qu’à nous. Quand je vois la situation aujourd’hui…

Je prends un autre exemple : la réforme de la D2. On a laissé ces clubs décider de leur avenir et ils se sont carrément suicidés en acceptant une diminution draconienne du nombre d’équipes dès la fin de cette saison. Ils ont vendu leur âme. Dans ce débat, on a ignoré les clubs des divisions inférieures qui avaient des ambitions de montée. Maintenant, comment vont faire des équipes ambitieuses comme l’Union Saint-Gilloise, Liège ou le Beerschot pour monter ? Quelques personnes ont tué les aspirations de clubs en devenir. « 

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Ce n’est plus une union, c’est un conglomérat d’amateurs, de professionnels, de francophones, de Flamands.  » – JEAN-MARIE PHILIPS, EX-CEO DE LA PRO LEAGUE ET DE LA FÉDÉ

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