» Peur de M’EMBALLER « 

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Entre poupées russes et Tchantchès, le puncheur hennuyer a fait son choix. Interview provocation !

Bora Bora attendra… Cédric et Delphine Roussel avaient prévu de s’envoler au bout du monde dès le lendemain de leur mariage, fin novembre. Mais l’homme a compris qu’il y avait des priorités plus urgentes et que les entraînements avec le Standard étaient décidément plus importants que sa lune de miel, simplement reportée de quelques mois. Des entraînements avec le Standard, oui… Et pourtant, il n’y aurait rien de signé avec les Rouches ! Info ou intox ?

Vous avez commencé à vous entraîner avec le Standard dès votre retour de Russie, vous avez participé à l’entraînement à huis clos la veille du match contre St-Trond, vous avez accompagné le groupe en Turquie pour le match de Coupe d’Europe, on vous a déjà taillé votre costume. Arrêtez vos cachotteries grotesques et avouez que tout est signé avec ce club.

Cédric Roussel : Non, je jure que rien n’est signé. Nous avons vite trouvé un accord, mais les gens semblent oublier que je ne suis pas maître de mon destin, et le Standard non plus. Il faudra trouver un arrangement avec Rubin Kazan et ce n’est toujours pas fait.

Si Alexandros Kaklamanos n’avait pas été pincé pour consommation de cocaïne, le Standard n’aurait jamais pensé à vous.

Je ne suis pas de votre avis. Mes premiers contacts avec le Standard ont eu lieu avant le contrôle positif de Kaklamanos. Maintenant, je ne suis pas aveugle non plus. Son exclusion du noyau a achevé de m’ouvrir une porte qui était encore à moitié fermée. Nous avons le même style de jeu et il est logique que la direction ait pensé à moi pour le remplacer.

Si vous vous blessez à l’entraînement avec le Standard alors que rien n’est signé, vous êtes mal !

Tout est prévu. Je travaille ici avec l’accord de Kazan, qui assumera si je me blesse.

 » J’assume la plus grosse connerie de ma carrière  »

Il ne suffira pas de transférer Roussel pour que le Standard devienne enfin régulier.

Vrai. Je ne vais pas tout révolutionner ici si je suis transféré. Mais je sais que je pourrais faire de bonnes choses parce qu’il y a des qualités de centre phénoménales dans ce noyau. Avec Eric Deflandre, Ivica Dragutinovic, Philippe Léonard, Sergio Conceiçao et Milan Rapaic, le Standard est particulièrement costaud à ce niveau-là. J’imagine que je serais le premier à en profiter. Je ne suis pas un Gonzague Vandooren qui peut jouer à six places différentes : si je signe ici, ce sera pour jouer soit seul en pointe, soit dans une ligne d’attaque à deux. Donc, les bons centres arriveraient dans ma zone.

Vous dites qu’on vous a mis sous pression pour que vous signiez à Kazan. Mais vous êtes un grand garçon, quand même !

C’est moi qui ai signé, on ne m’a pas mis un pistolet sur la tempe. J’ai fait la plus grosse connerie de ma carrière et j’assume. Mais on ne peut pas me juger, voire me condamner si on n’a pas connu une situation pareille. J’étais tellement fatigué mentalement et je sentais une telle pression qu’à la limite, j’ai signé pour qu’on me foute la paix. Je n’ai pas fait preuve, à ce moment-là, d’une des qualités les plus indispensables dans le football : la patience. Si j’avais été patient, je restais à Genk et j’aurais bien fini par revenir dans l’équipe, vu les problèmes offensifs apparus en début de saison. Mais bon, d’un autre côté, je suis convaincu que je n’aurais jamais pu m’entendre avec René Vandereycken.

Vous dites continuellement que vous vous sentez proche de Mons : c’était peut-être le moment de le montrer en allant là-bas plutôt qu’au Standard.

Qu’on arrête de me parler de Mons. Dès que j’ouvre un journal, je lis que ce club a envie de me rapatrier. C’est Roussel ceci, Roussel cela. Mais j’attends toujours un premier signe concret d’intérêt. On ne m’a jamais téléphoné. J’ai eu un contact avec un administrateur, mais ça s’arrête là. Dominique Leone fait le mort. Alain Lommers aussi. Vous croyez donc vraiment que Mons pense à moi ? Je suis allé voir le match à domicile contre le Germinal Beerschot, tout récemment : aucune personne du club n’a pris la peine de me souhaiter la bienvenue. J’ai mangé au stade : personne ne s’est arrêté à ma table. J’ai quand même bien le droit de tirer mes conclusions, non ? A côté de cela, le Standard a été terriblement concret dès mon retour de Russie. Avouez aussi qu’il faut être fou pour refuser l’offre d’un club pareil qui vous propose de travailler avec son noyau professionnel.

Après quatre mois de galère, votre niveau actuel est plus proche de celui de Mons que de celui du Standard.

Faux. Je ne suis pas arrivé au Standard à la ramasse. Dès mes premiers entraînements ici, j’ai prouvé que j’étais en très bonne condition. Même quand je ne jouais pas avec Kazan, je n’ai pas chômé. Là-bas, quand les titulaires n’ont qu’un entraînement par jour, les réservistes doivent s’en farcir deux, en plus de séances de musculation. Après une mise à l’écart que personne n’a voulu m’expliquer, j’ai subitement réintégré l’équipe pour les quatre derniers matches. Kazan était mal en point, il fallait se sauver et l’entraîneur m’a repris du jour au lendemain. Sans un mot de justification, évidemment. Il ne m’avait jamais adressé la parole avant, il n’y avait donc pas de raison pour qu’il vienne soudainement vers moi. Après ces quatre matches, il a seulement déclaré dans la presse que j’avais bien aidé Kazan dans l’opération maintien et qu’il aimerait me conserver. En tout cas, ce retour dans l’équipe était un cadeau du ciel parce que j’ai pu à nouveau voir où j’en étais. J’ai fait de bonnes choses contre des adversaires du haut du classement. Je suis totalement rassuré sur mon état de forme.

 » Je n’ai jamais été blindé dans la tête  »

Vous parlez encore des Diables Rouges mais vous en êtes plus éloigné que jamais.

Je connais mes qualités. J’ai marqué partout où je suis passé : dans des équipes belges moyennes, dans un grand club de ce championnat, en Angleterre. J’ai joué chez les Diables. Je ne vais pas commencer à douter sous prétexte que je viens de connaître quatre mois de galère. Je reviens avec une énorme envie de dire aux gens : -J’ai fait une connerie mais je suis toujours là.

Vous n’avez pas su mordre sur votre chique en Russie : c’est un fameux manque de caractère.

Je n’ai jamais été blindé dans la tête. Chacun est fait comme il est. Et, encore une fois, je refuse d’être jugé par des gens qui n’ont pas vécu ce que j’ai vu là-bas. A la limite, j’aurais pu m’adapter en mordant vraiment sur ma chique. Mais il n’y avait pas que la vie sur place comme obstacle. Le plus grave, c’est que je perdais progressivement mon envie de jouer au foot. Et je me laissais aller. Si j’avais fait l’effort nécessaire pour aller jusqu’au bout de mon contrat de trois ans et demi en Russie, j’aurais à coup sûr arrêté dès ce moment-là, tellement j’aurais été dégoûté. J’ai préféré demander la résiliation de mon contrat à un moment où j’avais encore faim. N’oubliez pas non plus que je ne suis plus seul à décider de mon avenir. Ma femme passait une semaine sur deux avec moi à Kazan, mais je voyais qu’elle le faisait vraiment pour me faire plaisir. Je lisais de la tristesse dans ses yeux et je devais aussi en tenir compte.

Pendant votre séjour en Russie, vous avez déclaré que vous étiez parfois jaloux des gens qui partent travailler au bureau chaque matin : c’est indécent, quand on connaît le salaire que vous encaissiez là-bas.

L’argent, l’argent… Les gens reviennent toujours avec ça. Il faut arrêter de croire que les footballeurs ne pensent qu’au fric. Comme tout le monde, nous avons aussi une vie en dehors du terrain. Si je n’avais pensé qu’à l’argent, je serais resté. Mais j’avais trop envie de revivre une vie normale. C’est ce que j’ai voulu dire quand j’ai expliqué que j’enviais les gens qui partent travailler au bureau chaque matin.

Le rapport entre ce que vous avez gagné à Kazan et vos prestations sur le terrain (peu de matches et peu de buts) est scandaleux.

Oui. Mais ce n’est pas entièrement de ma faute. Je ne suis pas responsable si l’entraîneur m’a expédié dans la tribune après avoir fait le forcing pour que je signe très vite et que je sois ainsi qualifié pour la Coupe de l’UEFA û je risque d’ailleurs de le regretter si je deviens Standardman et que ce club est toujours européen après la trêve. J’étais attendu comme le Messie, mais j’ai vite compris que le coach ne comptait pas vraiment sur moi. Je n’ai jamais été présenté à mes coéquipiers, je n’ai jamais eu de casier dans le vestiaire. On n’a même pas pris la peine de floquer mon nom sur mes survêtements. Je n’ai pas eu de bonnet et pas de gants pour les entraînements sous des températures polaires, alors que mes coéquipiers recevaient tout ce dont ils avaient besoin. Tout cela me fait dire que mon transfert à Kazan avait des explications autres que purement sportives. Je n’en dirai pas plus, mais je suis persuadé que quelques personnes se sont bien servies.

Vous semblez persuadé que Kazan va vous libérer, mais il n’y a rien de sûr. Et si vous commenciez déjà à préparer votre valise pour aller retrouver vos coéquipiers russes à la mi-décembre ?

Les Russes sont ouverts, que ce soit pour un transfert définitif ou un prêt. Ça me rassure. Je préférerais un transfert définitif, pour casser tout lien avec Kazan. Mais bon, un prêt peut aussi être une bonne chose : cette formule maintient le joueur sous pression, l’oblige à être bon chaque semaine. J’ai connu ça à Mons : je voulais me mettre en vitrine pour pouvoir quitter définitivement Wolverhampton. Je suis prêt à attaquer le deuxième tour avec la rage et l’ambition de lever le plus vite possible une éventuelle option d’achat. Attention, je tiens compte aussi d’un possible retour en Russie. Je n’ai pas le droit de m’enlever cette possibilité de la tête. J’ai bon espoir mais je ne crie pas victoire. J’ai tellement peur de m’emballer et de retomber ensuite de haut. Je risquerais de ne pas m’en remettre si je devais repartir pour une saison avec Kazan après avoir cru que tout était en ordre pour un retour définitif en Belgique.

Vous avez fait de la dépression en Angleterre et une grosse déprime en Russie : vous ne pouvez être bien dans votre peau qu’en Belgique ?

Il faut aussi arrêter avec ça. Ma dépression n’avait rien à voir avec le mal du pays. Elle s’expliquait par des problèmes purement privés. Pendant un an et demi, j’ai été super heureux en Angleterre. J’y retournerais volontiers. Et la déprime en Russie, elle a aussi ses explications. On ne peut pas comparer ce pays avec l’Espagne ou l’Italie. On ne parle pas de la même chose. Je ne suis pas scotché à la Belgique : il y a beaucoup de pays où je pourrais m’épanouir.

Vous vous êtes fâché avec vos quatre derniers employeurs (Wolverhampton, Mons, Genk, Kazan) : cela ne peut pas être dû chaque fois aux dirigeants ou aux entraîneurs.

J’étais arrivé blessé à Wolverhampton et j’ai eu mes gros problèmes privés à ce moment-là. J’y travaillais aussi avec un entraîneur qui n’avait pas les mêmes visions que moi. Mons ? Est-ce de ma faute si le club n’a pas su débourser la somme de transfert que les Anglais demandaient ? Moi, j’étais tombé d’accord avec l’Albert pour une prolongation de mon contrat. A Genk, je m’étais très bien adapté, mais l’arrivée de Vandereycken a complètement changé la donne. J’assume seulement pour Kazan : je n’ai pas été capable de me fondre dans le club et dans la ville.

Pierre Danvoye

 » Le renvoi de KAKLAMANOS A ACHEVÉ DE M’OUVRIR LA PORTE  »

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