Petit Tom

La chevauchée étonnante de l’une des réussites nordiques du Club Bruges.

A Bruges, on cherche et on cherche encore. Le back droit y est un des postes à problème durant l’été. Depuis 2008, neuf joueurs ont reçu une chance dans ce rôle et n’ont pas convaincu : Brian Priske, Laurent Ciman, Jorn Vermeulen, Gertjan De Mets, Karel Geraerts, Carl Hoefkens, Ryan Donk, Jeroen Simaeys et Marcos Camozzato. Alors, le Club fait un nouvel essai, appelle son ancien attaquant norvégien qu’il emploie toujours comme scout au pays, Rune Lange. Le  » Lange  » sort un nom de son calepin :  » Prenez Tom Høgli, vous ne le regretterez pas. C’est un joueur parfait pour vous.  » Le Club a quelques bons souvenirs avec des Norvégiens : Lange (qui a encore joué un peu avec Høgli à Tromsö), mais aussi Bengt Sæternes et Trond Sollied.

Menace directe pour Hoefkens à droite, le capitaine dit qu’il est prêt à affronter la concurrence. Høgli (27 ans, transféré de Tromsö pour un million, contrat de trois ans) répond :  » Moi aussi. Je sais que je vais devoir affronter un monument de Bruges mais ça ne m’effraye pas. « 

Après neuf matches, Hoefkens a presque le maximum de temps de jeu possible. Mais Høgli aussi. Pur arrière droit, il s’est fait une place à gauche. Parce qu’un autre homme du nord acheté pour jouer de ce côté, le Suédois Fredrik Stenman, n’a encore rien montré. Entre petites blessures, périodes de méforme, ou simplement niveau insuffisant, il est à la ramasse. Et donc, Petit Tom (1m75, c’est peu pour un Viking) est toujours dans l’équipe.

Ronaldo dans sa poche

Coup de fil tout au nord de l’Europe. Morten Kræmer, directeur sportif de Tromsö, nous dresse le portrait de Høgli :  » Avant de venir chez nous, il jouait toujours comme médian, à droite dans un 4-3-3. Nous l’avons transformé en back droit. Il n’est pas très puissant. Pas très rapide non plus. Mais sur le plan de la lecture du jeu, il est phénoménal. C’est un gars calme, patient, jamais stressé. Dès que le ballon arrive chez lui, il réfléchit et trouve vite la meilleure solution. Et c’est un super professionnel. Il passe un temps fou à étudier ses futurs adversaires sur DVD. Il y a quelques mois, il a screené à fond Cristiano Ronaldo avant un match de la Norvège contre le Portugal, il a étudié tous ses mouvements. Résultats, on n’a pas vu Ronaldo dans cette rencontre. Et Høgli ne va pas à l’entraînement pour être entraîné mais pour s’entraîner. On voit aussi qu’il a grandi dans le grand nord, près du cercle polaire. Là-bas, les gens ne se mettent pas à l’avant-plan, ils n’en rajoutent pas.  »

Instituteur de formation, Tom Høgli estimait qu’il avait fait le tour de la question dans son pays (plus de 160 matches en Tippeligaen, la D1 norvégienne), où il avait notamment été élu meilleur joueur de Tromsö en 2008.

A Bruges, on est à 100 % satisfait de son apport. Sven Vermant, manager sportif :  » Si nous avons fait venir quatre joueurs scandinaves (Stenman, Høgli, le Suédois Michael Almebäck et le Danois Niki Zimling), ce n’est pas par hasard. Ils ont une mentalité proche de celle que nous recherchions. Ce sont des gars sérieux et solides.  » Vincent Mannaert, manager général :  » Les Scandinaves sont synonymes de maturité et d’engagement, et l’histoire récente montre qu’ils s’adaptent généralement assez bien à la Belgique.  » Anecdote : Høgli a rigolé quand on lui a remis son premier maillot du Club, avec un  » o  » à la place du  » ø  » ; il y a quelques mois, Ivan PeriÜic avait failli refuser d’enfiler son shirt reconnaissable de meilleur buteur parce qu’on avait oublié les accents au flocage. Le vestiaire a entre-temps été purifié !

Bi-international et champion du monde

Tom Høgli est donc une valeur sûre du Club alors que son été a été agité. Pêle-mêle : des petits soucis à l’aine en début de préparation, le tout premier auto-goal de sa vie (à Malines), la naissance de son premier enfant mais aussi le traumatisme des tueries d’ AndersBehring Breivik qui ont touché une amie de la famille :  » Elle a 14 ans, Breivik lui a tiré deux fois dessus, elle s’en est sortie par miracle.  »

Autre fait saillant de son parcours : son appartenance à deux sélections représentatives. Avec la Norvège, il a disputé 19 matches et n’a pas de vraie concurrence au back droit. Mais il joue aussi avec Sápmi, un territoire qui couvre le nord de la Norvège, de la Suède et de la Finlande, ainsi que la péninsule russe de Kola. C’est l’un des plus grands peuples indigènes d’Europe. De tous temps, les Samis ont été victimes de discrimination et de moqueries quant à leur style de vie archaïque (élevage de rennes, vie basée sur l’agriculture et la pêche,…). Il existe une sélection de foot samie, avec principalement des joueurs norvégiens et suédois.

Une Coupe du Monde officieuse existe pour les peuples non reconnus par la FIFA et l’UEFA, Sápmi y participe et Høgli est fier d’en porter le maillot. En 2006, il a remporté ce Mondial organisée en Occitanie, une zone qui couvre une partie de la France, de l’Espagne et de l’Italie. Sápmi a battu Monaco en finale (21-1 !) et le défenseur de Bruges a été un des nombreux buteurs. Autres participants réguliers à cette compétition tout à fait particulière : la Provence, le Kurdistan, la Padanie (nord de l’Italie) ou encore l’île de Gozo (Malte). Toutes des minorités qui combattent pour leur indépendance.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTO: IMAGEGLOBE

 » Une amie de la famille s’est fait tirer deux fois dessus par Breivik, elle s’en est sortie par miracle. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire